Manchester 1951 : l'inspecteur Robert Nock est appelé au domicile d'Alan Turing pour un cambriolage, ce que le propriétaire tout occupé à ramasser des cristaux de cyanure réfute. Nock est persuadé que Turing est un espion russe et décide d'enquêter sur son dossier militaire... vide.
Londres 1939. Alan Turing, mathématicien réputé, a rendez-vous avec le commandant Denniston pour être recruté pour une mission ultrasecrète : percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable. L'équipe est dirigée par Hugh Alexander sous le contrôle d'un gradé du MI6, Stewart Menzies. Pour résoudre les 159 milliards de combinaison possibles dans les 24 heures où un système de cryptage est stable, ils décident de recruter des personnels doués en cryptologie qui seront capables de résoudre une grille de mots croisés en 10 minutes. Le jour de l'épreuve, un problème complexe doit être résolu en moins de 6 minutes. C'est la jolie Joan Clarke qui gagne. Turing doit toutefois convaincre ses parents, très conventionnels et puritains, que leur fille ne sera pas d'être compromise dans un environnement trop masculin.
Dans les années 20, Alan était victime des brimades de ses camarades et seul son ami Alexander prenait sa défense. Ils s'échangeaient des messages cryptés.
1940 et 1941 passent sans que l'équipe de Hugh Alxander ne parvienne à déchiffrer Enigma alors que Turing fait cavalier seul en développant un ordinateur seul capable selon lui de résoudre les milliards de combinaisons en 24 heures. Ces camarades finissent par se ranger à ses cotés quand Denniston s'apprête à renvoyer Turing.
C'est une amie de Joan qui leur livre innocemment, un soir de 1942, la clé de résolution. Nombre de messages commencent et finissent par les mêmes mots (Bulletin météo avec heil Hitler à la fin) ceux ci déchiffrés permettant de réduire suffisamment le nombre de combinaisons pour que l'ordinateur primitif trouve les clés de déchiffrement.
La joie de la victoire est de courte durée : le décryptage ne peut être utilisé qu'avec modération pour ne pas éveiller les soupçons des Allemands qui cesseraient alors de l'utiliser. John Cairncross, s'avère être un espion russe que Stewart Menzies laisse transmettre des informations à Moscou, trouvant paranoïaque l'attitude de Churchill.
1951 Manchester. L'inspecteur Robert Nock comprend qu'il s'est trompé. Turing n'est pas un espion russe mais un héros de guerre. Il en peut toutefois arrêter la machine judicaire qui met Turing en procès pour indécence terme sous lequel est gravement réprimé, homosexualité en Angleterre.
Quand en 1953, Joan Clarke rend visite à Turing, il n'est plus que l'ombre de lui-même condamné à un traitement de castration chimique qui affaibli aussi ses capacités intellectuelles. Il reconstruit péniblement un ordinateur qu'il nomme Christopher avant d'éteindre la lumière.
Des cartons défilent pour nous appende son suicide un an plus tard. Il est loin le temps où à Bletchley Park, le groupe de cryptographes se réjouissait de leur victoire. Celle qui permit à la guerre de se terminer deux ans plus tôt et de sauver des milliers de vie.
Le film ne s'appelle pas Enigma mais Imitation game : son sujet est donc moins la construction d'un ordinateur destiné à percer le secret de la machine codée allemande que de proposer un jeu pour savoir quels sont les bonnes questions à poser vis-à-vis de quelqu'un qui tente de se faire passer pour ce qu'il n'est pas. Ce test est celui déjà popularisé au cinéma par Blade runner où Deckard (Harrisson Ford) tentait de savoir si Rachel (Sean Young) était une répliquante. Se justifie ainsi l'enchâssement du récit au sein de l'enquête menée par l'inspecteur, alors que la plongée dans le passé explique la souffrance intime du personnage. Le film lui même propose au spectateur de retrouver la vraie vie du personnage à l'aide de signes que les initiés sauront déchiffrer.
Imitation game
Turing, accepte de raconter son histoire à l'Inspecteur Robert Nock afin de lui poser, in fine, la question quant à sa responsabilité dans les terribles équations qu'il devait résoudre pour décider qui devait être sauvé ou pas une fois la machine Enigma décodée. Est-il humain ou machine ? Sa façon de décider peut-elle ou non se juger à l'aune de la pensée humaniste ? En ne donnant pas de réponse et donc rien à décrypter, Nock condamne encore plus surement Turing au désespoir que le gouvernement qui le contraindra à la castration chimique.
Le décodage est en effet la grande passion de Turing depuis que son ami Christopher l'a initié à ces jeux. Il sait aussi que dans la vie aussi tout message est codé : l'on dit quelque chose pour obtenir quelque chose d'autre car l'on sait qu'une demande directe est souvent refusée. Par souffrance et révolte morale, Turing refuse de jouer ce jeu dans la vie pour mieux investir dans son métier. Du coup, il pense différemment des êtres humains sans être une machine non plus. Si on lui demande "qui veut déjeuner avec ses collèges ?" il ne répond pas en revanche si on lui demande s'il a faim, la réponse sera oui... mais il n'ira pas déjeuner d'un sandwich.
Décrypter le documentaire sous la fiction.
Une bonne part du film s'inspire de la réalité du personnage ainsi son goût pour la course à pied ou sa complicité intellectuelle avec Joan Clarke. L'homosexualité de Turing ne l'empêche pas de tenir à Joan au point de vaincre pour elle son attitude résolue à dire la vérité. Ainsi ment-il à Joan en lui affirmant ne l'avoir jamais aimée pour l'obliger à sortir du jeu d'espions auxquels ils sont désormais condamnés.
Turing n'avait pas donné le nom de Christopher à la machine qu'il construisait. A Bletchley Park, c'est un ingénieur qui construisait la machine imaginée par Turing. Mais il certes plus convaincant de le voir la fabriquer que de dessiner des équations. Les cristaux de cyanure que Turing ramasse au début, de même que la pomme qu'il offre à chacun des ses collègues pour faire la paix, sont une sorte de flash-forward, annonce de la façon dont Turing s'est suicidé en croquant une pomme empoisonnée. Il s'identifiait par-là à l'innocente Blanche-neige dans son film préféré, vu huit fois, Blanche-neige et les sept nains.
Jean-Luc Lacuve le 28/02/2015
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