Le docteur Hunt Bailey se souvient que c'est dans un train, un soir d'orage de 1903, que débuta pour lui l'expérience la plus dangereuse de sa carrière de psychiatre. Ce soir là, Hunt se trouva à côté d'une vieille fille, Cissie Bederaux, un peu excentrique qui s'en revenait voir son frère, le célèbre Nick Bederaux, et sa très jeune et jolie jeune femme, Alida. Cissie semblait non seulement effrayée par l'orage mais aussi par sa rencontre avec son frère qu'elle avait élevé après la mort de leurs parents mais chez qui elle ne voulait plus habiter. Cissie demanda à Hunt l'adresse de son hôtel et le pria d'y louer une chambre pour elle ainsi que de veiller sur ses bagages. C'est un peu interloqué que Hunt accepta.
A New York, Hunt se rend au vernissage de l'exposition de son ami, le sculpteur Clag, et de son amie Elaine, galeriste. Il y rencontre aussi le célèbre peintre John Maitland qui raconte comment, dans l'après-midi, était morte Cissie chez les Bederaux des suites d'une crise cardiaque soudaine. Clag déclare aussi bien connaitre les Bederaux et notamment Alida dont il est amoureux tant elle possède en elle quelque chose de fatal. Il propose à Hunt de l'amener le dimanche suivant à la réception hebdomadaire des Bederaux et d'aller, avant, voir le portrait d'Alida au musée. Hunt refuse.
Pourtant le lendemain, il visite le musée pour y voir le portrait d'Alida ce qui déclenche en lui l'irrépressible envie de la voir. Il téléphone alors à Clag pour accepter son invitation à la réception chez les Bederaux le dimanche.
Nick connait Hunt pour son célèbre article sur 'le complexe napoléonien". Leur fils de cinq ans, Alex, est terrifié par des rêves cauchemardesques. Pour Nick ce n'est pas l'enfant qui va mal mais Alida qui lui transmet sa folie. Nick demande à Hunt de venir chez lui le lendemain pour une consultation dans son cabinet. Hunt prend congé, non sans avoir dit à Alida que, plutôt qu'à mi-corps dans un salon, il l'aurait représentée de plein pied dans un grand champ de marguerites.
Dans son cabinet, Hunt écoute sa secrétaire qui lui a retrouvé un ancien article signé A. Gregory faisant état des conceptions de pédagogue de Nick, et de la passion d'Alida pour les marguerites. Nick, lors de sa consultation, insinue que sa femme est folle et s'envoie des marguerites à elle-même.
A peine est-il parti, qu'Elaine l'appelle car Alida est dans le même magasin qu'elle. Hunt jure de son amitié à Alida mais celle-ci se referme lorsqu'il fait allusion à A. Gregory. Elle l'invite alors cérémonieusement pour le jeudi à la maison. Hunt en rentrant chez lui remarque qu'il est suivi. Il découvre un bagage de Cissie qui a été confondu avec sa mallette de médecin. Dans le bagage de Cissie, il découvre la biographie de Nick que Cissie voulait écrire.
Nick né en 1848 à Landskron près de Vienne avait bien involontairement causé la mort de sa mère en couches ce qui déclencha la haine de son père envers lui. Le père se suicida par amour et Cissie jura de prendre la place du père et de la mère pour élever son jeun frère. Ce qui ne fut pas tâche facile tant il se montra difficile. Puis, bien plus tard, ce fut la rencontre avec Alida. Nick lui proposa de lui faire visiter l'Europe. Paris d'bord avec le Louvre, les leçons de chant et les bals mondains. Nick demanda Alida d'être sa femme et le mariage eut lieu trois semaines plus tard. Lors de l'anniversaire d'Alida à New York, Nick lui offrit un collier de jade. Pourtant Alida fut plus sensible au bouquet de marguerites offert par Alexandre Gregory. Au cours de la soirée, il lui fit une déclaration d'amour qu'elle repoussa mais qui n'échappa pas à Nick.
Troublé par cette lecture, Hunt se rend chez Clag et l'avertit qu'il se sent suivi et menacé par Nick. Clag rit de lui mais en rentrant Nick constate que la mallette contenant la biographie de Nick écrit par Cissie a disparu. Alida lui téléphone alors, lui demandant de suivre son mari le lendemain lorsqu'il viendra diner et lorsque Nick montera voir leur enfant.
Le jeudi, Hunt se rend chez les Bederaux. Nick remarque des marguerites sur la table alors qu'Alida lui affirme avoir commandé des roses jaunes. Lorsque Nick monte voir l'enfant qui une fois de plus a des cauchemars, Hunt le suit, trouve un bouquet de roses jaunes jeté dans un coin et constate que Nick effraie son fils avec de terribles histoires de sorcières dont l'une d'elle se nome Alida. De retour à table, il prend congé assurant l'un et l'autre parent. Mais dès le lendemain, il demande à Alida de bien vouloir le rejoindre dans un café. Il lui révèle les manigances de son mari pour la faire croire folle et lui demande de préparer ses affaires et l'enfant pour qu'il les éloigne de ce lieu mortifère.
Alors qu'il vient les chercher le lendemain soir, Hunt reçoit un curieux télégramme de Nick affirmant être à bord du Boston pour s'y suicider comme son père le fit autrefois. Dans la maison, Alida s'en va chercher son fils, lorsque d'un couloir sombre surgit Nick, habillé en majordome, un revolver à la main. Il a ouvert le gaz dans la chambre d'Alexandre et s'attend à ce qu'Alida s'évanouisse en venant le chercher. Bientôt, il fera exploser la maison et disparaitra ensuite. Avant il veut extorquer à Hunt l'information sur la paternité d'Alexandre. L'enfant est-il de lui ou d'Alexandre Gregory ? Hunt affirme à Nick qu'il est bien fou s'il a un tel soupçon et parvient cependant à le désarmer et à éloigner Alida et son fils de l'explosion. Lorsque les pompiers arrivent, ils sauvent Hunt, Alida et son fils et trouvent le cadavre de celui qu'ils prennent pour le majordome.
C'est à la campagne que Hunt a emmené Alida et le petit Alexandre auquel il raconte des histoires de gentilles sorcières. Le district attorney vient déclarer à Alida qu'il ne croit pas que Nick se soit suicidé sur le Boston mais qu'il est probablement l'assassin de Cissie, Gregory et du majordome. L'examen des dents du cadavre du "majordome" dans la maison Bederaux confirmera son hypothèse à savoir qu'il s'agit de Nick. Alida s'insurge violemment contre cette théorie qui fera passer le petit Alexandre pour le père d'un fou assassin. L'inspecteur, qui admire le courage d'Alida, lui confirme qu'il ne s'agit que d'une théorie qu'il n'exposera pas plus avant. Libérée et amoureuse, Alida s'en va rejoindre Hunt qui promène le petit Alexandre dans un champ de marguerites.
Angoisse contient les trois mêmes éléments qui font de Laura, réalisé par Otto Preminger la même année, un chef d'uvre. Il y a d'abord la fascination pour une femme fatale à partir d'un portrait que le héros découvre sous forme de tableau avant de voir surgir la femme véritable. Et si l'inspecteur Mark McPherson pouvait s'inquiéter d'être obsédé par une morte, ici le docteur Hunt Bailey croit faire la "dangereuse expérience" d'aimer une femme fatale, lui que la beauté des femmes irrite. Il y a ensuite la narration en flashes-back amorcée dès le début par une voix off qui semble remonter le temps de manière lointaine. Troisième élément commun aux filmx de Tourneur et de Preminger, une actrice mystérieuse, à la fois fragile et forte, belle et fascinante : Gene Tierney dans Laura et Hedy Lamarr dans Angoisse.
Une femme fatale aimée d'un psychiatre
Hunt découvre Alida par un portrait d'elle fait par Maitland et exposé dans l'un des musées de la ville. Un plan du tableau plein cadre puis un second en plan rapproché épaule suffisent à ce qu'il soit fasciné par elle et se rende à l'invitation des Bederaux. Il la rencontre pour la première fois dans l'étrange demeure de ceux-ci où trônent des aquariums et la statue d'Athéna, justifiant la remarque de Clag qu'ils sont dans un autre siècle. Le premier regard que jette Hunt sur Alida qui trône dans la même robe, le même fauteuil et même le même service à thé que sur le tableau, reprend les deux mêmes plans, tout juste un peu plus serrés, que sur le tableau.
Hunt est psychiatre bien que ce ne soit jamais explicité dans le film où il est toujours qualifié de docteur. Il est à la fois théoricien, il a écrit un article sur "le complexe napoléonien" ; et praticien, il reçoit Nick dans son cabinet où sont disposés deux fauteuils et, peut être, un divan. Mais c'est surtout dans sa pratique que Hunt se révèle expert. Il évalue correctement la folie de Nick tentant de lui faire admettre que chacun garde des tigres sous son lit qu'il doit apprivoiser mais devient conscient que l'absence d'amour et même la haine qui a entouré sa naissance lui ont irrémédiablement fait prendre la vie comme un éternel combat. Hunt ne se laisse ainsi pas prendre au piège du mari qui tente de faire passer sa femme pour folle afin de s'en débarrasser. Bien avant de découvrir le bouquet de roses jaunes qui prouve bien qu'Alida ne s'envoie pas à elle-même des marguerites, Hunt a juré de son amitié à Alida. Il partage avec elle la même croyance dans une vie simple et souriante, le même goût du sourire et des champs de marguerites.
Hunt a pour meilleur ami, Clag, un sculpteur. Il n'aime pourtant guère
le portrait de la femme fait par celui-ci, monumental, idéalisé
avec des serpents dans les cheveux. Hunt a commede l'amour etde la psychologie
uen conception apaisée de l'art à l'image des flashes-back enchassés
qui viennent naturellement s'eintégrer dans le récit.
Une narration en voix intérieure et flashes-back
Les premiers plans du film sont ceux d'un train fonçant dans la nuit sous l'orage alors que se fait entendre off : "Je me souviens très bien de cette nuit là car tout commença, tout banalement d'ailleurs, dans ce train. C'était le début du printemps, celui de 1903 et le train traversait un violent orage". Si la voix intérieure du psychiatre se fera entendre ensuite à de nombreuses reprises pour commenter son trouble face à la situation d'Alida, jamais le flash-back ne se referme semblant ainsi donner une dimension d'éternité à l'amour idyllique qui se forme au dernier plan, avec le couple et l'enfant dans le champ de marguerites.
Il y aura ensuite trois flashes-back successifs. Le premier sur la jeunesse de Nick et Cissie. Le second décrivant comment Alida, de l'Autriche à Paris, devint la femme de Nick. Le troisième décrit la terrible soirée d'anniversaire de New York.
La beauté d'Heddy Lamarr
Toutes les apparitions d'Heddy Lamar mettent sa beauté en valeur qu'elle joue l'innocence au milieu des marguerites, la mondaine dans son salon ou la femme apeurée dès que les questions deviennent trop personnelles. Jacques Tourneur la magnifie de manière inoubliable lorsqu'elle reste seule devant la petite fontaine et regarde son visage avant de l'affacer son reflet d'un geste de la main et d'accepter la proposition de mariage de Nick.
Jean-Luc Lacuve le 28/07/2013.
Editeur : Editions Montparnasse. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. |
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