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Trafic

1971

Avec : Jacques Tati (Monsieur Hulot), Maria Kimberly (Maria), Marcel Fraval (le conducteur), Honoré Bostel (Le directeur d'ALTRA), François Maisongrosse (François), Tony Knepper (le garagiste). 1h36.

Chaque année se déroule à Amsterdam un très important Salon Automobile. Une société parisienne encore artisanale mais ingénieuse, la maison Altra, espère faire sensation en présentant une petite cylindrée révolutionnaire dénommée "camping-car" : c'est une voiture de camping dotée de nombreux gadgets, sièges transformables en couchette, douches, barbecue...

Fort de quelques notions de néerlandais, Monsieur Hulot, le dessinateur de la firme, est chargé de servir d'interprète au vendeur-démonstrateur qui, lui, se rend directement à l'exposition pour préparer le stand. Un transporteur débrouillard doit mener par la route le prototype à bon port. Enfin, une "public relations" américaine au dynamisme étourdissant fera avec sa voiture de sport la liaison entre Paris, Amsterdam et le convoi. L'équipe part enfin de Paris.

Des incidents mécaniques immobilisent bientôt le convoi Altra. Hulot, parti chercher de l'aide, oublie quelque peu sa mission, au milieu d'une campagne calme et verdoyante. Une fois la réparation effectuée, le convoi rejoint le flot toujours grossissant de la circulation, au grand désespoir du transporteur de plus en plus irrité.

Pendant ce temps, l'exposition est inaugurée; la "public relations", très inquiète du retard, déchaîne par ses initiatives une série de contretemps et de catastrophes. Le camping-car est endommagé ! La recherche d'un carrossier les amène dans un garage situé le long d'un canal... Enfin, le convoi reprend la route et arrive dans la banlieue d'Amsterdam, mais il faut encore traverser la ville. Monsieur Hulot n'arrivera que le lendemain de la clôture du Salon...

L'automobile et les automobilistes, thèmes mineurs dans Mon oncle et Playtime, forment le sujet de Trafic. A son habitude, le cinéaste a recueilli dans son carnet de gags une moisson de détails qui sont les matériaux de construction de son long métrage : "le fait d'avoir un moteur devant le ventre est un prolongement de l'individu et change automatiquement sa personnalité". Cédant aux nombreuses critiques que lui ont valu Playtime, le cinéaste rend à Hulot son statut de personnage principal et conçoit une intrigue tout à fait explicite : Hulot, graphiste dans une petite entreprise parisienne, est l'auteur d'un modèle original de camping-car, doté des aménagements les plus imaginatifs, dont le prototype doit être exposé à la foire automobile internationale d'Amsterdam. La majeure partie du film se déroule sur le trajet entre les deux capitales, où une série de mésaventures -panne d'essence, carambolage, démêlés avec les douaniers- retardent Hulot et son camping car. Accompagné de Maria, une attachée de presse maniérée, Hulot arrivera à Amsterdam au moment précis de la clôture de l'exposition, pour être sur-le-champ renvoyé par son employeur.

Le retour au récit linéaire, la caractérisation du personnage principal - Hulot, qui a retrouvé la parole, possède pour la première fois une profession bien définie-, l'utilisation moins systématique du cadre large et du plan fixe, tous ces éléments répondent à un schéma plus traditionnel que celui de Paytime. Le film n'en comporte pas moins quelques scènes célèbres :

Dans l'espace vide du hall d'exposition, le quadrillage de fils destinés à limiter l'emplacement de stands impose une démarche étrangement saccadée aux hommes d'affaires venus la visiter, fourmis sauteuses évoquant l'univers mécanique de l'immeuble de Playtime. L'une de ces silhouettes est interprétée par Tati lui-même qui, comme dans ses précédents films, n'a pas résisté au plaisir de se glisser dans la peau d'un personnage secondaire, fêtard éméché ou agent de police toréant enter deux files de voitures enragées.

Scène du carambolage où les voitures saisies par la grâce exécutent les figures d'un ballet : une automobile semble faire des pointes sur deux roues, une autre virevolte, une troisième dessine de longues arabesques avant de quitter la route et de s'enfoncer dans un sous-bois. D'autres véhicules se transforment en créatures animales, telle cette Volkswagen dont le capot calque comme la mâchoire d'un prédateur féroce poursuivant une roue sur le bas-côté.

Hulot en panne d'essence s'aventure dans un champ, un bidon à la main, suivant un autre automobiliste équipé d'un bidon identique. Perdus dans cette étendue inhabitée, soulevant à chaque pas de petits nuages de poussière, les deux hommes se lancent à intervalles réguliers des regards inquiets, l'inconnu pressant le pas chaque fois que la distance qui le sépare de Hulot diminue. Ces images de Hulot sautillant à travers champs à la recherche de quelques litres de carburant sont un commentaire désabusé mais sans amertume sur la nature profonde de l'être humain, sur la solitude fondamentale qui est son lot, et sur la vanité de sa quête

Dans la séquence finale, tournée en plan large, des piétons, émergeant d'une station de métro, ouvrent leurs parapluies et s'éloignent sous la pluie en se faufilant entre les voitures immobilisées par un embouteillage : les petites tâches noires sont autant de points d'exclamation qui célèbrent en bondissant gaiement la victoire de l'homme, bipède génial, sur les embarras du monde moderne. Hulot, à nouveau sans emploi, s'éloigne tête nue, son parapluie a été emporté par la foule de piétons. A son côté, marche Maria qui s'est, à son contact, peu à peu dépouillée de sa sophistication. Hulot s'en va mais, pour la première fois comme Chaplin dans les temps modernes, il n'est plus seul.

Bibliographie : Tati de Marc Dondey éditions Ramsay 1989

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