1997
Un fils veille sur sa mère malade. Ils ont fait le même rêve. Ils étaient poursuivis par quelqu'un. Il leur a parlé : "Un cauchemar m'étreindra la nuit et je m'éveillerai en sueur sous l'effroi. Et dieu qui repose en mon sein influe sur ma conscience, sur le monde entier. Son influence ne s'étend pas sur le cours des choses. Cette insuffisance me pèse". Ils se réjouissent de cette communauté de rêve.
Le fils propose à sa mère de manger. Elle préfère aller se promener par cette froide et ensoleillée journée de printemps. Le fils la porte sur un banc. Ils regardent de veilles cartes postales. La mère se sent mal. Ils partent se promener longuement. Le fils ramène la mère à la maison fait le feu, la nourrit au biberon.
Il part se promener seul. Il pleure. Sans doute sait-il qu'au retour sa mère sera morte. En effet, lorsqu'il pénètre à nouveau dans la maison, un papillon chétif est posé sur la main morte de sa mère. Il lui fait la promesse de la retrouver plus tard dans l'au-delà. Elle n'a qu'à l'attendre.
Hors génériques, le film dure à peine plus d'une heure et se compose de 57 plans. Sokourov utilise l'anamorphose et des filtres colorés comme un refus d'un langage de communication unicentrée, perspective, qui pourrait être celui du fils. Ici, mère et fils mais aussi la nature, dont ils semblent faire intégralement partie, parlent ensemble et sont comme à l'unisson de la perte qui se profile.
Le fils va perdre sa mère, celle qui le faisait déjà souffrir enfant lorsqu'il croyait qu'institutrice, elle habitait l'école et ne faisait que passer à la maison. Celle qui le fait souffrir encore en lisant ces cartes qui lui sont adressées et dont il ignore qui les a écrites. Celle qui le fait souffrir à en pleurer car il n'a pas besoin de rentrer à la maison pour savoir qu'elle sera morte à son retour.
La nature semble à l'unisson de cette perte : la fumée d'un train se disperse au-dessus des blés agités par le vent. Le ciel est lourd et orageux. Un papillon chétif, qui lui aussi mourra bientôt, s'est posé sur la main de la mère morte.
Tout n'est pourtant pas désespéré dans cette journée élégiaque. Dehors, la nature fleurit quand même et le fils promet aussi à sa mère qu'à la fin de son cycle de vie, il la retrouvera dans l'au-delà. La mort n'est qu'un passage doit se persuader le fils, perdu au milieu de la forêt et qui voit pourtant mentalement un bateau pour lui tout petit perdu au milieu de la mer.
L'éternité est du côté de la mère du fils, de la nature et de l'art. Sokourov compose ses plans avec un sens du portrait et du paysage des maîtres du XIX et l'on retrouve dans chacun d'eux un souvenir de Van der Weyden, Mantegna, Michel-Ange, le Greco, Millet ou Turner.
Jean-Luc Lacuve le 09/02/2008
Editeur : Editions
Potemkine. Nouveau master restauré. format 1.66. Version
originale russe sous-titrée français. Prix public 19.90
€ .
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Suppléments :
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