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Napoléon

2023

Genre : Film épique

Avec : Joaquin Phoenix (Napoléon Bonaparte), Ben Miles (Caulaincourt), Youssef Kerkour (Général Davout), Vanessa Kirby (Impératrice Joséphine), Edward Eales-White (Le Duc d'Enghien), Tahar Rahim (Paul Barras), Rupert Everett (Arthur Wellesley), Mark Bonnar (Jean-Andoche Junot). 2h32.

Un carton explique que la misère a conduit à la Révolution française, mais que la révolution a conduit à encore plus de misère.

Marie-Antoinette est guillotinée sous les yeux d'une foule en colère et du jeune capitaine Napoléon Bonaparte. Grâce à son frère Lucien, Napoléon Bonaparte est présenté au chef révolutionnaire Paul Barras auquel il expose son plan pour reprendre la ville de Toulon assiégée par les navires britanniques. Barras confie à Napoléon le commandement en second et approuve son plan pour libérer la ville en se concentrant sur la seule attaque du fort qui domine le port. Le 18 décembre 1793, le fort est pris d'assaut et ses canons retournés vers la flotte anglaise bombardée de boulets rouges qui embrasent la plupart des navires. Les autres navires emportent le reste des anglais, contraints de lever le siège. Bonaparte est nommé général.

Robespierre mène le règne de la Terreur, mais les députés toujours menacés de mort se révoltent et forcent sa démission. Il tente de se suicider mais échoue et est condamné à la guillotine. Face à la contre-révolution royaliste qui menace de faire tomber la république, Paul Barras demande à Napoléon comment contrecarrer l'insurrection du 13 vendémiaire 1795. Napoléon ayant obtenu cette fois n'être pas second mais commandant de l'armée, emploie à nouveau l'artillerie qui déchiquette les manifestants, femmes et hommes confondus.

Napoléon courtise la veuve aristocratique Joséphine de Beauharnais dont il connaît la vie dissolue et finit par l'épouser. Malgré les efforts de Napoléon, ils n'ont pas l'enfant qu'il désire.

En Égypte, Napoléon l'emporte à nouveau lors de la bataille des Pyramides en 1798, mais, abandonnant au général Kléber une armée diminuée, se précipite chez lui lorsqu'il apprend que Joséphine a été infidèle avec le capitaine Hippolyte Charles. Le Directoire lui reproche l'abandon de ses troupes, mais il les accuse en retour pour leur mauvaise direction de la France. Ducos lui propose un coup d'État qui lui permettra de prendre le pouvoir au sein d'un consulat dont ils seront membres avec Sieyès.

Le 18 Brumaire (9 novembre 1799) Napoléon envoie ses militaires exiger la démission de chacun des cinq directeurs dont Paul Barras. Le Conseil des Cinq-Cents réuni le lendemain à Saint-Cloud proteste. Bonaparte s’impatiente et décide d’intervenir. Il tient un discours maladroit devant les députés qui l’accusent de vouloir instaurer la dictature. Bonaparte est alors contraint de quitter l’assemblée. Il s'échappe de justesse avec l’aide de son frère Lucien qui préside les Cinq-Cents. Affirmant que certains députés veulent poignarder Napoléon, Lucien fait entrer l'armée laissant à Napoléon le soin de demander le vote pour le Consulat sous la menace des armes. Le 20 brumaire, Napoléon est premier consul. Fier de son rang, il compte sur sa gloire pour effacer les querelles passées avec Joséphine et l'assigne à lui rester fidèle et soumise.

Napoléon est sacré empereur des Français par le pape en 1804, mais c'est lui-même qui se met audacieusement la couronne sur sa tête puis pose celle sur la tête de Joséphine.

Le ministre des Affaires étrangères Talleyrand suggère aux Autrichiens une alliance, mais les Autrichiens, trop confiants en eux-mêmes, rejettent l'idée. Un an plus tard, Napoléon remporte brillamment la bataille d'Austerlitz, incitant les Autrichiens et les Russes à avancer sur la glace, avant d'utiliser des canons pour briser la glace et les noyer. Il invite ensuite l'empereur autrichien François II à boire du vin alors que le tsar Alexandre Ier, trop en colère, a refusé de venir.  Napoléon qui n'a pas totalement détruit les armées ennemies, s'attend à ce que François II lui en soit reconnaissant.

Sa mère lui fait mettre enceinte une maîtresse pour prouver qu'il est fertile. Il divorce de Joséphine en 1810, la giflant publiquement lorsqu'elle refuse de lire sa partie du décret, bien qu'elle finisse par s'y conformer. Il épouse Marie Louise d'Autriche, qui aura un fils en 1811. Cependant, l'amour de Napoléon pour l'impératrice Joséphine, exilée au château de Malmaison, perdure.

Après que le tsar Alexandre renie un traité de paix avec la France, Napoléon envahit la Russie en 1812, faisant face à  une résistance de guérilla sanglante . Il l'emporte, malgré de lourdes pertes françaises, à la bataille de Borodino ; mais trouve Moscou vide lorsqu'il l'occupe. Il se réveille et trouve la ville en flammes l'obligeant à se retirer pendant l'hiver en France, après avoir perdu environ un demi-million d'hommes.

En 1814, la Coalition le force à abdiquer et il est exilé à l'île d'Elbe. Cependant, il apprend qu' Alexandre 1er est venu courtiser Joséphine avec succès. Il s'enfuit alors de l'île. Le roi Louis XVIII envoie le Cinquième Régiment pour arrêter Napoléon dans sa marche triomphale vers Paris mais Napoléon retourne les soldats pour qu'il le rejoigne. Napoléon apprend par Hortense, que sa mère, Joséphine, est morte d'une pneumonie avant son arrivée sans que personne n'ai songé à l'avertir.

Sachant que les Anglais et les Autrichiens se sont ligués contre lui, Napoléon décide d'anéantir l'armée des premiers avant que les seconds aient fait la jonction avec eux. Ce sera à Waterloo. En juin 1815, le duc de Wellington amasse ses troupes dans l'attente de l'assaut de Napoléon. Celui-ci ne veut pas attaquer sous la pluie bien que l'armée autrichienne approche. Quand la pluie s'arrête, les fantassins marchent en rangs serrés contre l'ennemi qui est copieusement bombardé. Puis c'est l'assaut de la cavalerie. Mais les anglais ont changé de tactique et ont transformé leurs lignes de défense en plusieurs carrés impénétrables. Les cavaliers  tournent autour sans pouvoir les disperser et se font anéantir par leurs mousquets. Et puis, soudain, Blücher, apparu en haut de la colline, lance sa cavalerie sur le revers de l'armée de Napoléon, venu lui-même au combat. Il comprend sa défaite, se retire et salue Wellington.

Napoléon attend Wellington dans un navire de guerre anglais où les jeunes ordonnances sont admiratifs de ses exploits. Quand Wellington arrive, il lui signifie qu'il est exilé sur l'île de Sainte-Hélène. Là, il tente de faire croire aux filles de la famille chargée de sa surveillance qu'il a réduit Moscou en cendres. Ce à quoi elles répliquent que tout le monde sait que ce sont les Russes qui l'ont fait pour lui infliger la calamiteuse retraite de Russie. Il meurt en 1821, en s'imaginant entendre Joséphine l'appeler auprès d'elle.

Un carton fait le compte des morts au cours de ses principales batailles. Ils s'élèvent à trois millions.

Si le film n'avait duré que 90 minutes et s'était contenté du décors de théâtre alors peut-être Ridley Scott aurait réussi un bon film en déformant une réalité historique par une vision toute particulière. L'empereur est en effet ici un idiot, maladoit oppotuniste et grossier, redevable à Josephine de certains de ses succès comme le retour à temps en France au milieu de la campagne d'Egypte pour prendre le pouvoir ou la fuite de l'île d'Elble pour la marche triomphale vers Paris qui inaugure Les Cent jours. Cette relecture du mythe napoléonien est néanmoins très peu féminsite puisque ces succès ne sont dû qu'à sa jalousie ou son vain espoir de se faire valoir auprès de Joséphine pour la rendre amoureuse.

Ridley Scott emprunte sa vision de la révolution aux Deux orphelines (D.W. Griffith,1922) : des Français en habits de guenille criant des injures face à une Marie-Antoinette ignorant l'opprobre dans une sorte de moment extatique.

La bataille d'Austerlitz emprunte à Alexandre Nevsky (Serguei M. Eisenstein, 1938) et ses chevaliers teutoniques piégés par la glace trop fragile avec, au surplus, des images complaisantes de corps qui se noient au ralenti sans  la justification de la réalité historique du débarquement en Normandie dans Il faut sauver le soldat Ryan (Steven Spielberg, 1998).

Mais le dégout du sang est hors champ de ces batailles et réside bien davantage dans la décapitation de Marie-Antoinette, dans le boulet qui s'enfonce dans les entrailles de son cheval blanc lors de l'attaque du fort de Toulon, dans la femme qui est emputé de sa jambe lors de la canonade du 13 vendémiaire 1795 ou dans les corps démanbrés dans la neige lors de la retraite de Russie qui suggèrent le canibalisme.

Régi par la seule pulsion amoureuse de Napoléon, la réalité historique s'en trouve transformée. Napoléon ne travaille jamais et a même des difficultés à dicter une lettre diplomatique alors qu'il s'écorche le cou en se rasant. La victoire militaire sur l'Egypte est réduite à deux coups de canons sur les pyramides et il a le souhait irrationnel de se mettre à hauteur d'un pharaon d'Egypte qui, momifié, pourrait lui confier un secret. Surtout n'est jamais respecté l'extrême jeunesse des protagonistes et l'allant qui leur est lié : Napoléon est sacré empereur à 35 ans en 1804 et a épousé Joséphine, qui a six ans de plus que lui, en 1796. Ici Joaquin Phoenix a près de 50 ans et Vanessa Kirby, au lieu d'être plus âgée que lui, a 35 ans.

N'ayant plus même un public d'enfants à qui raconter son histoire Napoléon de Scott rejoint Joséphine apaisé alors que Napoléon mourut dans d'atroces souffrances d'un mal à l'estomac.

Tout semble ainsi irrémédiablement faux, sans doute aussi parce que les dialogues sont en anglais. Une version française est peut-être meilleure. Reste un objet monstrueux par son coût, le plaisir sadique qu'il suscite à voir des soldats s'entretuer, et la possibilité de modeler par le cinéma la matière historique.

Jean-Luc Lacuve, le 24 novembre 2023.

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