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Ce dont mon cœur a besoin

2016

Thème : Exclus

Documentaire. Avec : Ibrahima, Djiby, Abou (Eux-mêmes). 1h17.

Agnam Liboudé, un petit village isolé du Sahel sénégalais sur la route vers le Mali. En quête d'amitié, d'amour, de liens avec l'étranger, Ibrahima, Djiby et Abou se construisent au fil des jours une vie parallèle sur Facebook. Leurs publications et leurs recherches sur les réseaux sociaux sont leur seul lien avec le reste du monde. Ainsi passent-ils leur temps à rédiger des SMS poétiques, faire des selfies selon des poses avantageuses pour poster sur Facebook à la recherche de jolies filles. Ils sont particulièrement intéressés par celles qui leur affirment pouvoir les faire partir à l'étranger, l'Europe ou l'Amérique, où ils aimeraient immigrer.

Ibrahima, féru de poésie, a pourtant vite compris que sa trop jolie correspondante qui lui promet un emploi au Canada ne cherche qu'à lui soutirer de l'argent. Djiby, qui a failli se laisser prendre, en est aussi dorénavant convaincu. Le soir, les garçons communiquent sur Skype avec un ancien du village parti travailler aux USA. La communication est trop mauvaise pour qu'il leur montre son domicile qui fait rêver pourtant les jeunes gens. Et ceci en dépit des conseils de leur ainé qui leur dit de faire des études longues et de rester au pays. Le prix à payer pour obtenir un visa a été pour lui un long exil par le Burkina Faso où l'administration se laisse plus facilement corrompre.

En fin de vacances scolaires, les jeunes gens improvisent une pièce de théâtre où téléphones et Skype jouent un grand rôle. L'enjeu est d'obtenir un poste à l'étranger une fois la qualification d'ingénieur agronome obtenue. Ce n'est qu'un rêve. En attendant, sur le générique de fin, ils remercient Chantal Richard de les avoir accompagnés durant leur été et sont confiants dans sa capacité à changer le monde par sa caméra.

Il s'agit d'une plongée au travers de l'imaginaire de jeunes garçons qui ont tout juste passé le bac ou le passeront bientôt et qui ne pensent qu'à un ailleurs social ou émotionnel. On ne verra ainsi presque jamais leur village autrement qu'en profondeur de champ derrière eux. De même seul un groupe de filles apparaitra brièvement à l'écran, marchant sur le bas côté de l'autre coté de la route. Elles ne leur prêteront pas la moindre attention. Les garçons savent que la religion ne leur permet pas de rencontrer des filles du village autrement qu'en les croisent lors des mariages. Ils se plaignent de faire alors semblant de les connaitre alors qu'ils ne se connaissent pas davantage que les inconnues qu'ils tentent d'accrocher sur Facebook.

La naïveté romantique avec laquelle ils inscrivent des citations de poèmes de Rimbaud ou Verlaine pour commenter leurs photos se retrouve aussi dans leur espoir d'émigration. Les conseils de prudence que leur donne leur ainé parti travailler aux USA ne semble pas les atteindre. Sans espoir d'études au pays, sans pères (toujours absents de l'image) pour les guider, ils sont à l'étape qui précède les voyages incertains et dramatiques vus dans Fuocoammare, par-delà Lampedusa (Gianfranco Rosi, 2016) ou La mécanique des flux (Nathalie Loubeyre, 2016).

Jean-Luc Lacuve le 08/12/2016

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