1er juillet 2013. L'hymne européen célèbre l'entrée de la Croatie dans l'Europe, devant la foule en liesse le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, affirme qu'elle est au centre de l'Europe.
En fait, La Croatie en est surtout à la frontière et, de ce fait, en charge de surveiller l'espace Schengen. La police des frontières recherche des traces de passagers clandestins sur les chemins de campagne ou à travers les champs de maïs. La nuit, au poste frontière, les gardes surveillent les passages sur les écrans reliés aux caméras thermiques et repèrent des migrants clandestins. Trois hommes marchent sur des rails. La réalisatrice les interviewe : ils on tenté leur chance. Seule la perspective de la mort les attendait chez eux. Ils ne regrettent rien pas même le voyage difficile chaque jour et de savoir qu'ils vont être arrêtés. La police intervient dans la demi-heure et stoppe l'interview. Ils sont arrêtés
Dans le camp de rétention surpeuplé, les prisonniers peuvent à juste titre se croire à Guantanamo. Ils crient leur colère, leur ras-le-bol.
Un migrant noir raconte comment il a du faire arrêter le camion qui les transportait, lui et ses camarades, tant il faisait chaud. Le voyage a été terrible. Il espère pouvoir le raconter un jour comme la grande aventure de sa vie. Il s'est battu pour cela. Il s'est battu pour sa vie sans savoir s'il y arriverait. Il se vit comme un héros.
Sur un paysage de neige, un mufti, raconte comment les gens du village ont d'abord aidé les migrants. Ils ont accepté qu'ils soient enterrés dans leur cimetière. Mais bientôt, ils se sont inquiété qu'il n'y ait plus de place pour eux et ont refusé l'enterrement dans leur village. Il en a été de même dans les villages voisins. Si bien qu'ils sont dorénavant enterrés dans de grandes fosses communes dans un terrain mal entretenu qui leur ait dédié.
Un Libyen, survivant d'un passage en méditerranée, raconte le calvaire d'un groupe d'hommes et de femmes partis de Lybie et qui finalement arriveront à Lampedusa. Panne d'essence, enfant et femme crus noyés, il survit.
En Grèce, des Afghans parlent de leurs conditions de vie misérable, du fait de devoir cacher la nourriture pour qu'on ne la leur vole pas.
Des Soudanais autour du feu discutent de leur soif de liberté et de démocratie. Regrettent que les habitants les considèrent comme responsables de leur misère et même de la misère du monde.
A Patras, les migrants essaient de trouver un camion qui les emportera en Italie. Une fois à bord, les chiens les détectent presque toujours et ils sont arrêtés.
La crise des migrants, mal intégrés en Europe, apparait dans le cinéma en 2009 avec Welcome de Philippe Lioret et déjà le No comment de Nathalie Loubeyre. Celle-ci approfondit donc ce thème avec La mécanique des flux. En 2013-2014, date du tournage, les migrants sont moins visibles qu'en 2015 : cette année là, un million de migrants entrent en Allemagne ; 1 200 migrants meurent en avril par naufrages depuis la Libye vers l'île de Lampedusa ; en août, 71 personnes sont retrouvées mortes dans un camion en Autriche; en septembre, la photo d'Aylan Kurdi (3 ans), retrouvé mort sur une plage de Turquie, fait la une des journaux.
Nathalie Loubeyre avait montré dans No comment des corps et des visages dans la jungle de Calais mais finalement peu de paroles alors qu'ici les paroles des migrants sont très émouvantes. Ce n'est pas tant le lieu de départ ou d'arrivée des migrants qui importe que la sensibilité au courage et à la force des migrants. Ainsi ces Libyens tentant de rejoindre Lampedusa, les Afghans retenues en Grèce, les Soudanais discutant autour du feu de leur soif de liberté et de démocratie ou ces hommes essayant à Patras de trouver un camion qui les emportera en Italie. Le film montre que la force de la vie sera toujours plus forte que les contraintes vexatoires et mortelles qu'on impose aux migrants au lieu de leur donner les moyens de s'intégrer dans nos sociétés qui, de ce fait, y perdent leur âme.
Le violoncelle sur les images des caméras thermiques de surveillance fait entendre la dureté du voyage. Même engagement dans une froide et belle colère avec ces mères tunisiennes montrant une à une, avec quelques pères aussi, les portait de leurs fils partis en mer et dont ils n'ont plus jamais eu de nouvelles. La couple afghan et leur enfant sur fond noir, en appelle aussi au sentiment de révolte face à cette Europe et son hymne hypocrite que laisse sans réponse la dignité des migrants.
Jean-Luc Lacuve, le 06/09/2016