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Out of Africa

1985

Ecouter ici la B. O. de John Barry
Genre : Mélodrame

D'après Out of Africa de Karen Blixen Avec : Meryl Streep (Karen Blixen), Robert Redford (Denys Finch Hatton), Klaus Maria Brandauer (Baron Bror von Blixen), Michael Kitchen (Berkeley), Joseph Thiaka (Kamante), Stephen Kinyanjui (Kinanjui), Michael Gough (Delamere), Suzanna Hamilton (Felicity), Malick Bowens (Farah), Rachel Kempson (Lady Belfield). 2h41.

"J'avais une ferme en Afrique, au pied des collines du Ngong…" Karen Blixen, revenue au Danemark en 1931, écrit La ferme africaine. Elle se souvient de cadeaux offerts, d'une danse... Mais elle préfère raconter son histoire dans l'ordre, comme l'aurait aimé le grand amour de sa vie, Denys Finch Hatton.

1914, au Danemark. Lors d’une partie de chasse, Karen Dinesen, abandonnée par son amant, propose au frère de celui-ci, le baron Bror von Blixen, grand coureur de jupons, homme ruiné, un mariage de raison : elle lui apporte sa fortune, lui son titre. Ils décident d’acheter une ferme au Kenya (alors colonie britannique) pour y élever du bétail.

Dans le train qui la conduit de Mombasa à Nairobi pour son mariage, Karen rencontre Denys Finch Hatton, chasseur de grands fauves, farouchement épris de liberté qui voyage avec son ami Berkeley. Une fois le mariage prononcé, Bror apprend à Karen qu'il a acheté des plans de café et non du bétail comme il l'avait promis. Karen en est fâchée mais plus encore du départ pour de longues semaines de chasse de son mari pour qui elle éprouve amitié et attirance physique.

Karen reçoit la visite de Berkeley et Denys qui acceptent de rester à diner si elle chante ou, a défaut, raconte une histoire. Denys est charmé par l'invention de Karen et lui conseille d'écrire. Il lui offre son précieux stylo pour cela.

Karen se consacre entièrement à ses terres et cherche à améliorer le sort des Kikuyus, les indigènes qui travaillent pour elle. Le chef refuse cependant que les plus grands aillent à l'école de peur qu'ils ne lui disputent son pouvoir alors qu'il sera encore vivant.

La Première Guerre mondiale éclate. Le patriotisme britannique s'enflamme. La Baronne Blixen est sommée de quitter ses terres et de trouver refuge à Nairobi. Karen s'y refuse et décide de se lancer elle-même dans une expédition périlleuse à travers la savane pour fournir à son mari du matériel et des vivres. Elle se perd durant le voyage. Armée d’un fouet elle fait fuir un lion venu dévorer un bœuf tractant le chariot. Denys vient à son secours et lui offre une boussole. Karen rejoint Bror devant la petite colonie anglaise médusée. Karen veut un enfant de Bror.

Mais, en rentrant dans la plantation, Karen découvre que son mari lui a transmis la syphilis. La gravité de son état l'oblige à se soigner au Danemark. Guérie mais stérile, elle revient à Nairobi.

Karen se remet à la tâche et reçoit bientôt la visite de Denys qui lui offre un phonographe. Tandis qu’elle fait face à une lionne, il la conseille sur la manière d’échapper au fauve. Plus tard, il lui offre un vol en avion au dessus des magnifiques paysages du Kenya : chute d'eau, long fleuve, flamands roses et Kilimandjaro.

Denys l'invite à une partie de chasse. Ils sont attaqués par un couple de lions. Karen néglige le conseil de Denys et abat elle-même la lionne qui la charge. Elle sauve par là même leurs deux vies puisque Denys doit rapidement retourner son arme sur le lion qui les prenait à revers. Le soir, Karen et Denis deviennent amants. Denys semble renoncer à son indépendance et laisse quelque affaires chez elle. Mais lorsqu'elle lui demande de renoncer à partir avec la jeune Felicity, il refuse.

Les deux époux se séparent car Bror a trouvé une riche héritière. Karen l'accepte sans aigreur et se remet au travail. Une nuit, la plantation est en flammes. Karen Blixen est ruinée, obligée de vendre ses biens pour rembourser les banques. Le jour de son départ pour l'Europe, Bror vient lui apprendre que Denys s'est tué dans un accident d'avion.

En 1934, Karen Blixen publiait ses premiers récits. Elle ne devait plus jamais retourner en Afrique.

 Cette adaptation de Out of Africa, récit autobiographique de Karen Blixen publié en 1937, commence par la première phrase du livre : "I had a farm in Africa.." suivis de quelques brefs flashes-back puis d'un long flash-back ininterrompu constituant le coeur du film. Celui-ci est pourtant bien plus lyrique et mélodramatique que le récit de l'écrivaine danoise.

Out of Africa

Out of Africa est le titre original du récit tout comme celui du film. Il vient vraisemblablement du titre d'un poème, Ex Africa, que Karen Blixen écrit en 1915. Ce titre est lui-même librement inspiré d'un passage de l’historien romain Pline l'Ancien parlant de la prolifération d'espèces animales singulières sur le continent africain. Il cite un proverbe grec en ces termes : "...unde etiam vulgare Græciæ dictum semper aliquid novi Africam adferre." En français : "...De là vient cette façon proverbiale de parler en Grèce : l'Afrique produit toujours quelque chose de nouveau." Cette expression a été traduite en anglais par Out of Africa always something new.

Les traductions françaises du récit, La ferme africaine, ou du film, Souvenirs d'Afrique, amoindrissent donc la joie profonde de Karen pour tout ce qui se révèle de nouveau dans sa vie en Afrique. Ces traductions ne semblent retenir qu'une série de tableaux réalistes, de récits de voyages qui relatent la vie de l'auteure sur sa ferme au Kenya, sur laquelle elle règne en maître, à la manière d'un seigneur féodal, mais pourvue de la sensibilité d'une Européenne cultivée du XXe siècle.

Dans un style sobre, serti de descriptions sublimes du paysage et du monde animal africains, Karen Blixen raconte ce qui fut une découverte déterminante dans sa vie : celle de l'âme noire. Elle s'insurge contre la médiocrité et les préjugés raciaux des colons anglais et estime supérieurs à bien des égards les Africains.

Sidney Pollack magnifie par la musique de John Barry les sublimes paysages. En mettant l'histoire d'amour au premier plan, en faisant bruler le hangar du café alors que la ruine de Karen fut progressive, Pollack accentue l'aspect mélodramatique. Ce faisant, alors que le livre prône le goût de la découverte et de la nouveauté, le film se contente souvent d'aligner de beaux clichés sans prendre le risque d'exprimer quelque chose d'un peu moins conventionnel que ce romantisme passe-partout un peu suranné... mais évidemment pas désagréable

Les ingrédients du succès

Karen se révèle ainsi une aventurière flamboyante capable d'une longue expédition dans la savane où elle pourrait se perdre, capable d'attaquer un lion au fouet puis d'un abattre un autre la chargeant, d'un coup de fusil précis et imparable. Même précision et détermination dans le choix de ses toilettes, impeccables, et sa satisfaction de recevoir ses hôtes dans sa délicate porcelaine de Chine tout comme dans l'éducation et la protection des Kikuyus. Pour eux, elle ira jusqu'à s'humilier devant le gouverneur pour leur assurer un territoire où ils pourront vivre dignement une fois qu'elle sera partie.

L'humour du film est constant : lorsque Karen parvient jusqu'à la colonie anglaise le cheveu hirsute, Bror, admiratif, rend hommage à son courage d'un simple. "Vous avez changé de coiffure". Plus tard, le même Bror constatant que Denys est l'amant de sa femme, le lui reproche, d'un "Vous auriez pu demander la permission". "Je l'ai fait, répond celui-ci. Elle a dit oui."

Le charme et l'humour du couple Meryl Streep et Robert Redford font le reste. En 1986, le film reçoit sept Oscar : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleure photographie, meilleure direction artistique, meilleure musique de film (écouter ici la B. O. de John Barry), meilleur son.

Jean-Luc Lacuve, le 9 janvier 2018.

 

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