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(1925-2003)
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histoire du cinéma : résistance des corps

1- Mise en scène

Aucun personnage de Pialat ne choisit d'être contre la vie ou en dehors d'elle. Si tous souffrent ou font souffrir, c'est parce que la vie leur échappe ou qu'elle les rejette, qu'ils soient orphelins, abandonnés, mourants, quittés par l'être aimé, en proie à une vocation qui les écrase. A l'origine, pour chacun, une catastrophe initiale, une faille, une blessure, souvent le sentiment d'un abandon, qui les coupent de la vie. Et ce n'est qu'en appuyant sans cesse sur cette blessure, en remuant le fer dans la plaie, qu'il peut rejoindre la vie.

Révolté devant une jeunesse foutue, une vie ratée, un amour détruit ou une foi perdue, Pialat inscrit son cinéma dans le courant des cinéastes où la vérité se degage du corps souffrant du personnage. Avec sa caméra toujours à bonne distance, qui le distingue d'un cinéaste comme Cassavetes, Pialat filme à vif, façonne une image dépouillée de tout artifice afin de cerner l'essentiel : la vérité intime des personnages ; vérité des sentiments, qu'il s'agisse des rapports familiaux ou des rapports amoureux, vérité des extérieurs, vérité du jeu des acteurs. "Le cinéma c'est la vérité du moment où l'on tourne."

Les plans-séquences qui structurent la plupart de ces films donnent aux acteurs une importance maximale. En contre-partie Pialat exige d'eux qu'ils renoncent à toute convention et investissent complètement leurs rôles. Cette équivalence entre vérité intime du personnage et vérité intime de l'acteur est souvent obtenue avec une brutalité verbale dont certains acteurs se sont plains. Pialat, omniprésent, autoritaire, obsédé par ce qu'il veut obtenir procède pourtant à l'inverse de Clouzot, autre despote des plateaux, pour qui les acteurs, loin de devoir révéler l'intimité de leur être, n'étaient que des marionnettes au sein d'une mise en scène corsetée.

 

2-Biographie

Né le 31 août 1925 à Cunihat dans le Puy-de-Dôme, Maurice Pialat prépare d'abord une école d'architecture. Après la guerre, il se tourne vers la peinture et fréquente pendant plusieurs années l'École des arts décoratifs et celle des Beaux-Arts de Paris. Dès le début des années cinquante, entre deux métiers et quelques cours de théâtre, avec une caméra amateur, il s'amuse déjà à tourner quelques petits films.

En 1960, il commence à travailler comme assistant sur des tournages pour le cinéma et la télévision et réalise L'amour existe, un court métrage documentaire qui sera primé au festival de Venise et obtiendra le prix Louis-Delluc. Fort de ce succès, l'année suivante, il met en scène, pour la télévision, un deuxième court métrage (Janine), de fiction cette fois, d'après un scénario de Claude Berri. De 1963 à 1966, il se consacre presque exclusivement à des réalisations pour le nouveau média (films de voyages, documentaires pour la série "Les chroniques de France"…).

En 1969, L'enfance nue propulse Pialat sur le devant de la scène. Ce film bouleversant sur un gamin de l'Assistance publique est acclamé par les critiques. Il obtient le prix Jean-Vigo et des récompenses aux festivals de Venise et de New York. La même année, Claude Chabrol lui propose de jouer le rôle du commissaire de police dans Que la bête meure. Taciturne et peu loquace, il y impose sa lourde stature.

En 1970 et 1971, il travaille de nouveau pour la télévision qui lui a confié la réalisation d'une série de fiction (La Maison des bois) en sept épisodes d'une heure.

A partir de son deuxième film Nous ne vieillirons pas ensemble, sélectionné au Festival de Cannes, en 1972, et couronné par le prix d'interprétation masculine de Jean Yanne, il se consacre entièrement au cinéma. Sur la lancée du bon accueil que reçoit cette histoire d'un homme lassé de sa vie de couple et d'une femme qui affirme peu à peu sa personnalité face à ce mari de plus en plus odieux, il réalise successivement La Gueule ouverte (1974), douloureuse et poignante description des derniers instants d'une femme entourée par son mari, son fils et sa belle-fille. Passe ton bac d'abord (1978-1979), présente l'autopsie d'un groupe d'adolescents du nord de la France, copains et copines sans illusion, et Loulou (1980), conte l'adultère d'une petite bourgeoise attirée par la marginalité d'un loubard. Sélectionné au festival de Cannes, ce dernier film scelle aussi la rencontre de Maurice Pialat et Gérard Depardieu.

A nos amours (1983) est son premier grand succès public. En effet, ses films précédents (à part peut-être Nous ne vieillirons pas ensemble) avaient avant tout été appréciés par les critiques et faisaient surtout de belles carrières dans les ciné-clubs. Ce portrait cinglant et âpre d'une jeune fille en plein désarroi, dans une famille bouleversée (le rôle du père est tenu par Pialat lui-même), considéré par beaucoup comme un chef-d'œuvre, est récompensé par deux Césars (meilleur film ex aequo avec Le Bal d'Ettore Scola, meilleur espoir féminin pour Sandrine Bonnaire) et le prix Louis-Delluc 1983.

Police (1985), anatomie d'un commissariat de quartier dans lequel un inspecteur de police est confronté au doute ; Sous le soleil de Satan (1987) d'après l'œuvre de Georges Bernanos, évoque le combat spirituel, la quête d'absolu d'un humble curé de village. Gerard Depardieu incarne l'inspecteur de Police et le curé de Sous le soleil de Satan où Sandrine Bonnaire est sa partenaire. Un poing levé face aux sifflets d'une partie des spectateurs, une phrase en conclusion de ses " remerciements " : "Sachez que si vous ne m'aimez pas, je ne vous aime pas non plu ", lorsqu'il s'empare de la Palme la cérémonie de remise des prix du Festival de Cannes vont créer un malaise entre le grand public et lui. Écorché vif, furieux de voir la décision du jury contestée, il se refermera un peu plus sur lui-même.

Il faut attendre 1991 pour découvrir Van Gogh, vision d'un réalisateur-peintre sur un artiste en décalage avec son temps. Les images sont somptueuses, la construction narrative d'une grande intelligence. Quant au jeu acéré de Jacques Dutronc, il lui vaudra le César 1992 du meilleur acteur. En 1995, il renoue avec cette vérité des sentiments dans les rapports amoureux et familiaux et retrouve une fois encore Gérard Depardieu pour Le Garçu. Cette chronique douce-amère autour d'un père insupportable et grande gueule, fou d'amour et invivable, de femmes entre deux rives s'avère aussi un regard sensible et pathétique sur l'enfance. Avec ses yeux immenses et l'inconscience de son âge, sa joie de vivre et ses caprices, le petit Antoine (joué par le propre fils du réalisateur) profite des rapports " perturbés " de ses parents autant qu'il les subit.


3- Rétrospective /Bibliographie

Eclipses, revue de cinéma n°58, Maurice Pialat, L'art à vif. Juin 2016.

  Maurice Pialat, "Portraits de Cinéastes" de Cadrage, 2004

 

4 - Filmographie :

Courts métrages :
1957 Drôles de bobines
1958 L'ombre familière
1960 L'amour existe
1962 Janine
1963 Jardins d'Arabie
1964 Pehlivan, Maître Galip, La corne d'or, Byzance, Bosphore
1966 Van Gogh, La Camargue

Longs-métrages :

1968 L'enfance nue
Avec : Michel Tarrazon (François), Marie-Louise Thierry (Mme Thierry, Mémère), René Thierry (M. Thierry, Pépère), Marie Marc (Mémère, la vieille), Henri Puff (Raoul). 1h30.

François, dix ans, est assisté temporaire. Sa mère peut le reprendre mais elle ne lui a pas écrit depuis un an et ne semble guère se soucier de son fils, malheureux de ce rejet. Il vit dans une famille de nourriciers où il a été un peu imposé par Roby, le père, qui voulait un fils. Mais Simone ne peut plus le supporter et exige que l'Assistance publique le reprenne...

   
1970 La maison des bois
Avec : Pierre Dons (Albert Picard), Jacqueline Dufranne (Jeanne Picard), Agathe Nathanson (Marguerite Picard). Sept épisodes pour la télévision, entre 40 et 58 mn.

1917. Avec Marcel, leur fils, et Marguerite, leur fille, Jeanne et Albert Picard, le garde-chasse, habitent une maison au fond des bois. Ils logent également trois petits parisiens donc les papas sont au front. Si Albert et Michel reçoivent régulièrement la visite de leurs mères, le petit Hervé, lui, est sans nouvelle de la sienne. Les enfants partagent leur temps entre l'école et la forêt, ils dénichent les oiseaux et jouent à la guerre, comme les grands. La jeune marquise vient de mourir, le vieux marquis est bien triste, seul dans son château. L'instituteur exalte l'amour de la Patrie : « La France est ma patrie, je l'aime comme mon père et ma mère ». Le bedeau rigole en abusant du vin de messe.

   
1972 Nous ne vieillirons pas ensemble
Avec : Marlène Jobert (Catherine), Jean Yanne (Jean), Macha Méril (Françoise), Christine Fabréga (la mère de Catherine). 1h50.

Jean, « vieil adolescent de quarante ans » et cinéaste raté, est marié à Françoise, une femme de son âge avec qui il continue à vivre, sans doute plus par besoin de protection que par affection. Il a depuis six ans une maîtresse de vingt-cinq ans, Catherine, très amoureuse de lui et qu'il traite avec peu de ménagement, bien qu'il lui soit attaché...

   
1974 La gueule ouverte
Avec : Hubert Deschamps (Roger, le père), Monique Mélinand (Monique, la mère), Philippe Léotard (Philippe, le fils), Nathalie Baye (Nathalie, sa femme), Jacques Villeret, Jean-François Balmer. 1h30.

Autrefois installés à Montreuil, Roger et Monique, un couple de sexagénaires, ont une petite boutique de mercerie en Auvergne. Roger a passé sa vie égoïste à tromper sa femme et à boire des verres de rouge. Monique est atteinte d'un cancer dont elle va mourir...

   
1978 Passe ton bac d'abord
Avec : Sabine Haudepin (Elisabeth), Philippe Parlaud (Philippe), Annick Alane (la mère), Michel Caron (le père).1h45

Lens. En début d'année scolaire, le professeur de philosophie fait un discours qui se veut décontracté et familier mais qui est le même chaque année. Ce qui ne contribue pas à motiver des adolescents à la fois angoissés par le futur examen et peu mobilisés par un diplôme insuffisant pour les protéger contre les emplois médiocres ou le chômage...

   
1980 Loulou
Avec : Isabelle Huppert (Nelly), Gérard Depardieu (Loulou), Guy Marchand (André). 1h50.

Dans un bal, André, petit bourgeois jaloux, gifle, après lui avoir fait de violents reproches, Nelly, sa femme, parce qu'elle s'amuse trop à son gré. Nelly rencontre Louis, dit Loulou, un jeune loubard allergique au travail et elle passe la nuit avec lui. Quand elle revient chez elle au matin, André la chasse sans ménagement, puis la rappelle, mais elle décide de vivre avec Loulou...

   
1983 À nos amours
Avec : Sandrine Bonnaire (Suzanne), Dominique Besnehard (Robert), Maurice Pialat (Roger), Evelyne Kerr (Betty).1h43.

Dans une colonie de vacances, Suzanne, quinze ans, joue On ne badine pas avec l'amour, se querelle avec son petit ami Luc et se donne à un Américain, quitte à le regretter le lendemain. Dans l'appartement-atelier de fourreur, des scènes opposent Roger et Betty, ses parents. Roger décide de partir laissant Suzanne avec sa mère et son frère, Robert, encore sous son œdipe, avec des tendances homosexuelles et des attitudes incestueuses...

   
1985 Police
Avec: Gérard Depardieu (Mangin), Sophie Marceau (Noria), Richard Anconina (Lambert), Pascale Rocard (Marie Vedret, la commissaire stagiaire), Sandrine Bonnaire (Lydie).1h50

L'inspecteur Mangin et ses collègues tentent de démanteler un réseau de trafiquants de drogue maghrébins animé par les frères Slimane. Ils font parler un de leurs complices, Claude Laouki, et arrêtent Simon Slimane, le plus jeune frère, et son amie Noria. Lambert, l'avocat des trafiquants et ami de Mangin, tente vainement de les faire libérer. Marie Vedret, une jeune commissaire stagiaire arrive au commissariat et Mangin ne tarde pas à exercer son machisme à ses dépens...

   
1987 Sous le soleil de Satan
Avec : Gérard Depardieu (Donissan), Sandrine Bonnaire (Germaine Malhorty, dite Mouchette), Maurice Pialat (Menou-Segrais). 1h43.

Médiocre séminariste « récupéré » par l'abbé Menou-Segrais, curé doyen de Campagne, un village du Nord, l'abbé Donissan doute de ses capacités à assumer sa vocation. Habité par une quête d'absolu, hanté par le mal et l'échec de sa mission, il s'inflige des mortifications et ne parvient pas à établir le contact avec les paroissiens...

   
1991 Van Gogh
Avec : Jacques Dutronc (Van Gogh), Alexandra London (Marguerite Gachet), Gérard Sety (Gachet), Bernard Le Coq (Théo). 2h38.

Quand Vincent Van Gogh arrive à Auvers-sur-Oise pour y être soigné par le docteur Gachet, il lui reste deux mois à vivre...

   
1995 Le Garçu
Avec : Gérard Depardieu (Gérard Gardi), Géraldine Pailhas (Sophie), Antoine Pialat (Antoine), Dominique Rocheteau (Jeannot). 1h40.

Le matin au réveil, Antoine joue avec sa mère dans le lit. Le soir le père achète un cadeau pour sa femme, il n'est pas bien certain que le vêtement lui aille, mais il est en solde et il n'a pas le temps de faire mieux. Il lui demande d'acheter un cadeau pour leur fils. De retour à la maison, chacun a son cadeau, même la baby-sitter. Pendant que Sophie va se regarder dans la glace un raccord dans l'axe nous transpose du regard de Gérard à celui de sa femme regardant Antoine sur une plage de l'île Maurice...Dans leur luxueux pavillon de l'Ile Maurice, Gérard est de mauvaise humeur...

   
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