Une nuit de pluie, Isaac, jeune photographe juif réfugié à Régua, petite ville des environs de Porto et locataire de la pension de Dona Rosa, est appelé d'urgence par une riche famille très catholique afin de faire le dernier portrait de leur fille Angelica, une jeune femme morte juste après son mariage. Dans la maison en deuil, Isaac découvre Angelica et reste sidéré par sa beauté. Lorsqu'il porte à son il l'objectif de son appareil photo, la jeune femme semble reprendre vie, pour lui seul.
Rentré chez lui, Isaac développe les photos et le même phénomène se reproduit. La photo s'anime. Mieux même, le spectre blanchâtre d'Angelica vient à sa rencontre sur le balcon et l'enlace. Isaac va remettre les épreuves de ses photographies à la mère d'Angelica alors que l'on enterre celle-ci. Il la poursuit jusqu'au cimetière, donne de l'argent à un pauvre et contemple Angelica une dernière fois dans son cercueil.
Isaac, s'en va photographier des paysans bêchant leur vigne. La nuit, il fait un rêve où Angelica le fait voyager sur la ville et le fleuve.
A la pension, l'ingénieur et sa collègue brésilienne Clementia, parlent de la crise économique en Europe qui les empêche de construire un pont sur le Tage. Leur ami parle de l'antimatière. Isaac est de plus en plus hanté par Angelica. Il rêve d'un oiseau mort et celui de la pension l'est. Il court jusqu'à l'épuisement au sommet d'une colline. Des enfants le découvrent inanimé. Il est ramené à la pension. Le docteur ne peut rien pour lui. Le spectre d'Angelica vient le chercher. Il meurt.
Le film s'ouvre sur un carton où figurent ces vers : "Dansez ! O étoiles qui suivez constantes d'immobiles vertiges mathématiques ! / Délirez et fuyez pour quelques instants la trajectoire à laquelle vous êtes enchaînées". Ceci combiné aux lectures mystiques du jeune juif (un ouvrage illustré avec un ange tenant au creux de la main une étoile de David) et au prénom séraphique de l'héroïne ne laisse pas de doute quant aux intentions de conte fantastique dans lequel va nous embarquer Oliveira.
Le scénario initial avait été écrit en 1952, et Oliveira joue habilement de la confusion des temps. Si les voitures sont modernes, l'appareil photographique l'est beaucoup moins. La discussion sur la crise européenne est plutot contemporaine, celle sur l'antimatière intemporelle. Les trucages jouent aussi la carte des effets à l'ancienne. Les apparitions d'Angelica sont proches de celles de La fille de l'eau (Jean Renoir, 1924) avec des silhouettes phosphorescente et scintillantes ou de La mariée (Marc Chagall, 1950) au sein d'un noir et blanc permanant pour les séquences de rêve.
La
fille de l'eau (Jean Renoir, 1924)
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La
mariée (Marc Chagall, 1950)
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Tout aussi fascinante l'opposition entre l'espace réel, celui du salon de la pension, ou de l'entrée de la chambre d'Isaac et l'espace fantastique, celui du fond de la pièce, de la corde de photographies, du balcon où vient se poser Angelica, et de la toile peinte qui en constitue l'horizon. Isaac va se trouver de plus en plus attiré par le fond de la pièce, l'irréel (Angelica), l'archaïque (les bêcheurs de la vigne) la menace mortelle (le bruit des camions en bas de la route).
Alors que l'oiseau du rêve parvient à s'échapper par la fenêtre, l'oiseau réel, celui de Rosa est mort. C'est le signe pour Isaac qu'il doit partir à sa poursuite dut-il ou faut-il pour cela qu'il en meure. L'étoile Angelica est venue emporter Isaac dans sa course.
Jean-Luc Lacuve le 18/03/2011.
Source : Dossier de presse sur le site d'Epicentre.
Bibliographie : Jean-Philippe Tessé, Une nouvelle Joconde, Cahiers du cinéma n°665, mars 2011.