"Tu m'as quitté pour un autre, je suis parti pour un long voyage afin de survivre à cet abandon (...) Parfois le désespoir est un sentiment calme" dit Frédéric Mitterrand en s'adressant à son amant infidèle sur un plan fixe de leur chambre désertée.

Voyage en avion jusqu'en Somalie sur les traces de Paul Nizan écrivant Aden Arabie. Un avion de chasse dans le ciel vient rappeler que le pays est en guerre contre l'Ethiopie voisine. A l'aéroport de Mogadiscio, Mitterrand repère dans la foule une petite sœur fatiguée de Maria Schneider et constate que dans Profession reporter Jack Nicholson n'a pu changer d'identité.

Du temps d'Haile Selassie, aristocrate féodal, la Somalie était considérée de gauche et l'Ethiopie de droite. Siad Barre , tyran à poigne était racheté par ses options socialistes et défendu par Jean Lacouture dans le Nouvel Obs. Puis l'Ethiopie est passée au communisme, et la Somalie, campant sur les mêmes positions pourtant, est devenue de droite. Régis Debré ne s'y arrête pas. Ce dédain de la Somalie est-ce dû à sa pauvreté, à sa faible population comportant sept fois moins d'habitants que son rival Ethiopien ?

Mitterrand rappelle à son amant leur première nuit ensemble lors d'un voyage en Russie.

Dans ce pays pauvre, Dieu est absent on est loin de l'innocence rêvée de Pasolini. Les soeurs font ce quelles peuvent pour Lutter contre l'excision.

Le rival c'est installé entre Mitterrand et son amant

Le pays est ravagé par la belligérance et Mitterrand se sent plus éloigné des Somaliens que des raisons de son voyage. Il rencontre Carole l'infirmière.

Dans un "vous" majestueux, Mitterrand s'adresse à Marguerite Duras mesurant proximité et distance qui le sépare d'elle au travers des chanteuses, actrices, lieux, auxquels il pense. Dans les villages qu'il traverse, il va toujours au cinéma voir Aguirre ou le Shérif. Les cireurs de chaussures le font penser à Scuscia bien sur.

Son amant avait voulu lui reprendre jusqu'au souvenir des jours heureux qu'il maquillait de reproches. Mitterrand avait accepté de tout lui redonner.

Au retour de son périple alors que l'ascenseur le mène en haut de la tour Eiffel, il peut enfin se venger : "Je t'ai démuni de mon chagrin".

Le film de Frédéric Mitterrand perpétue à sa manière les récits de voyage du XIXème siècle. Il s'agit d'un film épistolaire où le voyageur, qui n'existe qu'en voix off, nous livre ses impressions d'Afrique parallèlement à l'expression de son désarroi amoureux... Les anciens comptoirs coloniaux, l'entretien avec Syad Barr - le dictateur au pouvoir - la rencontre d'une jeune infirmière parisienne qui travaille dans un camp de réfugiés, s'entrelacent aux échos incessants de l'amour perdu, conjuguant la douleur intime à la misère d'un pays déchiré par les luttes internes et la pauvreté.

Le film mêle l'histoire collective (celle de la Somalie) à celle, intime, du narrateur, le malheur du pays à la détresse d'un individu. En ces terres étrangères et arides, ce n'est pas le dépaysement que rencontre le narrateur, mais l'exaspération de ses sentiments et les réminiscences de sa propre culture.

Les images s'accompagnent des mots de Frédéric Mitterrand, dans son parler qui lui est propre : richesse du vocabulaire, textes abondants... Pour illustrer son propos, Frédéric Mitterrand a parfois recours à des extraits de grandes œuvres du cinéma : Des oiseaux, petits et gros de Pier Paolo Pasolini, Le chemin de la vie (Putyovka v zhizn) de Nikolai Ekk, ou encore La Chanson éternelle de Henry Barakat.

 

	Editeur : Montparnasse. Mai 2010.

1h35.