Une banlieue d'Italie, "entre Cuba et Istanbul". Un père et son fils cheminent. Ils viennent de nulle part, on ne sait pas où ils vont. Ils rencontrent un corbeau beau parleur, très préoccupé par les grands problèmes du monde selon Freud, Marx ou Gandhi, qui choisit de les accompagner et, pour passer le temps, raconte cette histoire.
Cela se passait en 1200. Saint-François d'Assise prêchait aux oiseaux. Et il envoyait de par le vaste monde ses frères franciscains pour poursuivre la tâche commencée : apprendre la fraternité à la gent ailée.
C'est pour cela que Frère Cicillo et Frère Ninetto partent sur les routes. Mais comment parler aux oiseaux si l'on ne comprend pas leur langage? Ils apprendront donc à le parier, et cela durera bien des années. Enfin, un beau jour, les faucons les comprennent, les faucons carnivores. Puis ce sont les moineaux qui succombent à ce langage d'amour et de paix. Lorsque les faucons aperçoivent les moineaux, leur véritable nature reprend le dessus : ils les dévorent. Mais la vie est un long apprentissage, leur dira Saint-François, et il ne faut pas rester sur un échec.
Le corbeau a fini son histoire, les deux voyageurs croisent une troupe de baladins qui les ennuie, puis une jolie auto-stoppeuse près d'un champ de blé. Ils continueront leur chemin avec elle... et finiront par manger le corbeau dont le babillage incessant commençait à les fatiguer.
Le corbeau du film était, pour Pasolini, "une sorte de métaphore irrégulière de l'auteur, dont les vérités ne peuvent que fatiguer, Socrate sublime et ridicule que rien n'arrête et qui ne doit jamais mentir". Quant aux deux voyageurs, ils symbolisaient la douceur, la force du coeur que n'a pas corrompue la force de la raison, Pasolini avouait d'ailleurs se réclamer du film de Rossellini, Onze fioretti de François d'Assise, qu'il considérait comme l'oeuvre maîtresse de son auteur.
Pasolini tournait pour la première fois avec Toto et Ninetto Davoli. Ils furent à nouveau les héros, l'année suivante, des sketches La terre vue de la lune (segment des Corcières) et, pour Davoli de Comment sont les nuages ? (Segment de Caprice à l'Italienne). Toto, célèbre acteur comique italien, qu'on disait fils de prince, mourut quelques semaines plus fard. Ninetto Davoli, jeune paysan calabrais, devait jouer dans presque tous les autres films de Pasolini, et dînait encore avec lui le soir de sa mort.