Fin de l'été 1930. Deux corps enlacés ont été pris dans les filets de pêcheurs du petit port espagnol d'Esperanza et ramenés sur la plage. Janet alerte son oncle Geoffroy. Il recueille le livre que les deux amants semblaient encore tenir dans leurs mains. Des phrases mystérieuses résonnent en lui "La main mouvante écrit, ayant écrit... L'amour se mesure à ce que l'on accepte de lui sacrifier..." L'oncle Geoffrey se souvient.....
Au printemps précédent, archéologue et érudit, il avait découvert un manuscrit hollandais du XVIIe qui se présentait comme la confession du hollandais volant mais la beauté de la soirée l'avait incité à rejoindre la taverne où il savait retrouver son amie Pandora, chanteuse d'Indianapolis, belle, élégante, adulée de tous. Elle était en compagnie du poète Reggie Demarest qui sombrait dans l'alcool pour elle, de Stephen Cameron , pilote automobile britannique qui tente de battre le record du monde et de Janet. Reggie fête désespérément l'anniversaire de sa rencontre avec Pandora dans un club de Londres. Il se suicide quand elle refuse sa demande en mariage.
Quinze jours plus tard. Pandora n'éprouve aucun remords au grand dam de Janet qui soupire pour Stephen Cameron. Pandora entraine Stephen avec elle et lui demande comme preuve d'amour de jeter sa voiture, construite avec soin pendant deux ans, du haut de la falaise. Ce à quoi elle répond par une promesse de mariage ; puisque c'est le 9 mars, 9e jours du 3e mois, elle épousera Stephan dans six mois, le 3e jour du 9e mois.
Mais le soir même, intriguée par un yacht ancré dans la baie, dont on dit qu'il appartient au "Hollandais volant" de la légende, Pandora s'y rend à la nage. L'embarcation est déserte : aucun homme d'équipage. Seul à bord : Hendrick Van Der Zee, en train de peindre un tableau de Pandora, qui dans la mythologie grecque représente la femme originelle, et qui ressemble trait pour trait à la chanteuse. "Ce n'est pas moi du tout mais c'est ce que j'aimerais être" s'interroge Pandora. Hendrick suggère qu'elle n'a pas trouvé ce qu'elle cherchait et se nourrit de destruction et de fureur. Furieuse, Pandora efface son visage du tableau. Hendrick en fait un symbole, un œuf, mère de l'humanité. Pandora regrette son geste. "Plus tard je tacherai de vous peindre sans perdre le symbole; je pourrai peindre sous votre apparence, la déesse que tout homme désire en secret" promet Hendrick. Pandora, amoureuse de lui, l'invite à son hôtel.
Pandora a laissé Stephen récupérer sa voiture dans la mer, presque intacte. Geoffrey demande à Hendrick de l'aider dans sa traduction du manuscrit du dix-septième siècle narrant l'odyssée du "Hollandais volant", et a tôt fait de découvrir qu'il se trouve, en fait, aux côtés de ce dernier. Convaincu d'être trompé par sa jeune épouse, qui avait elle aussi les traits de Pandora, Hendrick l'avait poignardée, trois siècles plus tôt. Condamné à mort, il avait prononcé des paroles blasphématoires demandant à errer pour l'éternité puisqu'il ne pourrait trouver sur terre une femme fidele. Mystérieusement avant son exécution, il pu s'enfuir et regagner son navire. Un rêve étrange lui révéla qu'il serait condamné à l'immortalité, et ne pourrait être délivré que par l'amour d'une femme, à condition que celle-ci soit prête à mourir pour lui. Et ceci pour le faire comprendre ce que c'est que l'amour. Depuis, seul le navire se commande sans équipage, mu par une force surnaturelle, il erre sur les mers, ne pouvant côtoyer les humains qu'une fois tous les sept ans pendant six mois. Pandora ne peut être que la femme de son salut. Et, en ce 3 août, elle ne sait encore si elle épousera Hendrick dans un mois.
C'est alors que survient le célèbre torero Juan Montalvo, venu rendre visite à sa mère, une gitane qui vit là depuis toujours. Juan, violemment épris de la jeune femme, se bat contre un taureau rien que pour elle, Hendrick et Geoffrey. Mais Juan se met en colère lorsque, rendant visite à sa mère, celle-ci refuse d'expliquer les conséquences de la figure de la mort qu'elle reteint de son jeu de cartes. Sur la plage, le 20 août, Stephen bat son record du monde, deux parcours à 397 km/h, effaçant le précédent de de 350km/h.
Lors de la fête qui suit, Janet prend violemment Pandora à partie, lui reprochant son manque de sentiments. Pandora rejoint Hendrick sur la plage où la fête se poursuit. Celui-ci récite un poème anglais : "La mer de la foi aussi a été jadis haute. Le monde qui semble s'étendre devant nous comme une terre de rêve ne connait ni joie, ni amour, ni lumière, ni certitude, ni paix, ni remède pour la douleur... Mais nous sommes ici-bas comme sur une plaine obscure parcourue de cris d'alarme confus du combat ou d'ignorantes armées s'affrontent dans la nuit (Dover beach, Mathew Arnold, 1867)". Pandora l'embrasse et lui avoue son amour. Elle se déclare prête à mourir pour lui. Hendrick refuse ce sacrifice et la rejette.
Juan a compris que son rival n'est pas Stephen mais Hendrick. Un soir, il le poignarde. Mais l'homme, bien sûr, est immortel. Destin fatal pour le torero qui, du centre de l'arène reste stupéfait d'apercevoir sur les gradins sa victime, bien vivante, et se fait mortellement blesser par le taureau. Irrésistiblement attirée par Hendrick, Pandora veut maintenant connaître son secret et, malgré les recommandations de Geoffrey, le rejoint sur son yacht, alors qu'il l'avait fuie, par amour, refusant qu'elle soit sacrifiée pour lui. Un soudain et violent orage éclate, renversant l'embarcation, et unissant pour toujours les deux amants dans la mort...
Albert Lewin a écrit et produit lui-même Pandora suite au refus de la MGM de participer au film dont l'ambition parait démesurée. Il mélange rien moins que le mythe grec de Pandore assimilé à L'Eve de l'ancien testament ; le mythe nordique du Hollandais volant ; l'archéologie grecque et phénicienne au travers de l'oncle Geoffrey ; l'Europe des des années 1930, berceau de la "Génération perdue" de F. Scott Fitzgerald avec Reggie, le poète qui se suicide lors des premières séquence; le surréalisme enfin au travers du personnage principal qui est aussi un peintre qui fait le portrait de Pandora avant de la rencontrer.
Le film est le premier de Lewin entièrement en couleur même si ses trois précédents films incluaient des séquences en couleur pour montrer des tableaux. Ici aussi, la séquence du tableau est particulièrement soignée. Pour Hendrick, Pandora est la bien-aimée des dieux. Ils lui donnèrent le précieux coffret qu'elle ne devait jamais ouvrir. Pandora était la première femme, l'Ève grecque, dont la curiosité nous couta le paradis terrestre. Lorsque, mis en colère par Hendrick, Pandora efface son visage, Hendrickci modifie son tableau : "J'ai eu tort de la peindre d'après une femme réelle, si belle soit-elle. Pandora est une abstraction de la femme, épouse et mère, l'œuf originel dont on peut imaginer toute l'humanité éclose. Par hasard, vous lui avez apporté l'élément inattendu qui manquait. Aucune œuvre d'art n'est achevée sans hasard, l'inattendu, la surprise sont indispensables.
Le tableau lui-même est inspiré des œuvres de Giorgio de Chirico et notamment de La muse inquiétante. On y retrouve la même accentuation de la perspective avec les lattes de bois pour y disposer objets et bâtiments dans la profondeur et des ombres fortement marquées. L'œuf du visage remplace la figure du mannequin avec le même souci d'abstraction. La peinture de Man Ray commandée pour le film n'est pas utilisée. le tableau que l'on voit est une peinture à la Chirico de Ferdinand Bellan. Mais la photograhie d'Ava Gardner est bien l'oeuvre de Man Ray
Le syncrétisme de Lewin s'étend de la culture phénicienne au surréalisme contemporain avec l'échiquier de Geoffrey, création de Man Ray, ami d'Albert Lewin et acheté à Londres à Roland Penrose et Lee Miller.
Le film s'ouvre par quatre vers du Rubaiyat d'Omar Khayyam
La main mouvante écrit. Et va ayant écrit
Ni ta piété ne le saura, ni ton esprit
Fléchir pourqu'elle remonte à la ligne et l'efface
Ni tes pleurs d'un seul mot n'en laveront la trace
Jean-Luc Lacuve, le 24 juin 2018.