Il est 17h30 dans la gare de Milford, petite localité de la banlieue londonienne. M. Godby, un cheminot, essaie de dérider la patronne du buffet de la gare qui ne semble pas aujourd'hui vouloir répondre à ses avances. A côté d'eux, un couple prend un café en silence. Ils sont dérangés par la bavarde Dolly Messiter qui demande à Laura Jesson, qui comme elle habite Ketchworth, de lui présenter l'homme assis à côté d'elle. Il s'agit du docteur Alec Harvey qui attend le train de 17h40 pour Churley. Il partira la semaine prochaine pour l'Afrique du Sud. Alec Harvey se lève, presse l'épaule de Laura et s'en va, au tout dernier moment pour rejoindre son train. Quand Dolly Messiter se retourne après avoir commandé un chocolat pour grignoter avec son café, elle est stupéfaite de constater l'absence soudaine de Laura. Celle-ci franchit pourtant bientôt de nouveau la porte du buffet de la gare. Elle semble si mal que Dolly lui commande un cognac avant que toutes deux ne prennent le train pour Ketchworth. Chez elle, Laura embrasse ses deux jeunes enfants, un garçon et une fille, qui l'attendaient pour se mettre au lit puis descend rejoindre son mari au salon. Il lit son journal et elle reprend son ouvrage de couture. Meurtrie par son indifférence, Laura, le cur lourd, s'adresse à lui dans une sorte de confession muette pour relater ce qui vient de lui arriver ces dernières semaines.
Il y a deux mois comme tous les jeudis, Laura s'était rendue à Milford pour y effectuer quelques achats, emprunter un livre à la bibliothèque et aller au cinéma. Sur le quai de la gare, une poussière lui rentre dans l'il. Un homme qui attend également un train la lui enlève ; il est médecin et s'appelle Alec Harvey. La semaine suivante, elle le rencontre par hasard à la sortie d'un magasin et ils échangent quelques mots. Le jeudi suivant, Alec revoit Laura par hasard dans un restaurant bondé, où elle l'invite à s'asseoir à sa table pour un repas en tête-à-tête. Ils se rient des musiciens amateurs du restaurant et décident d'aller ensemble au cinéma. Ils apprécient la compagnie l'un de l'autre, et s'arrangent pour se revoir. Bientôt, ils sont surpris de sentir que leur relation, innocente et banale au départ, peu à peu se transforme en quelque chose de plus profond.
Pendant une courte période, ils se rencontrent furtivement, vivant constamment dans la crainte d'être surpris par l'une de leurs connaissances respectives. Après plusieurs rencontres, ils décident de se retrouver dans une chambre appartenant à un ami du docteur, mais le couple est surpris par le retour inattendu de ce dernier. L'épisode fait prendre conscience à l'un comme à l'autre des amoureux que leur futur ensemble est impossible. Pour ne pas blesser leurs familles, ils décident de se séparer. Le médecin se prépare à partir pour Johannesburg, en Afrique du Sud.
Ils passent un dernier jeudi ensemble, presque muet de la douleur de devoir se quitter. A 17h30, au buffet de la gare, tandis qu'ils vivent avec la plus grande émotion leur dernier moment ensemble, Dolly Messiter, s'invite et bavarde sans s'arrêter et sans avoir conscience du désarroi qui étreint le couple. Ils se rendent compte que leur est dérobée la chance de se faire de sincères adieux. Quand le train d'Alec arrive : Dolly ne se tait toujours pas, et Alec s'en va en ne pouvant donner à Laura qu'un ultime geste désespéré, sa main appuyée sur son épaule. Laura espère un court moment qu'Alec a raté son train ou n'a pas eut le courage de le prendre mais Alec ne revient pas et c'est l'express qui est annoncé sur le quai. Bouleversée, Laura se précipite vers les rails. Les lumières du train express lui giflent le visage au moment où elle se ressaisit, après avoir eu l'envie de se jeter sur la voie. C'est ainsi qu'elle retourna, bouleversée et sur le point de s'évanouir, au buffet de la gare.
Chez elle, Laura semble toujours hagarde. Le mari de Laura montre soudainement qu'il n'a pas été complètement indifférent à la détresse de sa femme au cours des dernières semaines : en prononçant les mots "Ton rêve n'était pas heureux. Merci de m'être revenu", il la prend dans ses bras alors qu'elle sanglote sur son amour envolé.
Elle est mariée et mère d'un garçon et d'une fille. Il est aussi marié et père de deux filles. Ces deux êtres apparemment rangés et imperméables à toute passion vont pourtant vivre, à la suite d'une rencontre fortuite sur le quai de la gare, la plus passionnée des histoires d'amour.
Tous deux sont disponibles à davantage que ce que la vie leur donne, le ressentent et ressentent cette disponibilité chez l'autre. C'est ce sentiment de vacances qui ne demande qu'à être comblé (que Lean reprendra dans Vacances à Venise), qui est à base du sentiment amoureux entre eux. Face à des personnages tout emplis d'eux-mêmes et sans recul vis à vis de leurs préoccupations quotidiennes (le mari, Dolly, M. Godby et la patronne du buffet, la commère Leftwitch, la musicienne amateur), ils possèdent chacun ce supplément d'âme qui les détache du quotidien. Alec est le médecin généraliste de Churley mais, une fois par semaine, il travaille également comme spécialiste à l'hôpital local. Laura aime la littérature et le cinéma mais, comme le note Alec, elle est trop saine pour se croire un artiste du dimanche comme l'est la ridicule joueuse de violoncelle.
Au grès de leurs jeudis passés ensemble, s'installe entre eux la complicité des amants attisée par ce qu'ils voient au cinéma (la bande annonce des Flammes de la passion) ou la beauté de la nature. L'adultère n'est pour autant pas consommé, moins par sens des convenances que par ce qu'ils pressentent le vertige qui les entrainera alors et la destruction de leur cellule familiale respective.
Témoin de la violence de cet amour, le concerto pour piano N°2 de Rachmaninoff mais surtout la reprise de la scène initiale commenté par la voix intérieure bouleversée de Laura. Cette séquence a pour point d'orgue le hors champs de la première : son départ sur le quai. Alors que, dans la séquence initiale, on restait avec Dolly Messiter, la caméra ne quitte plus Laura dans la seconde occurence de la scène. Pour témoigner de son vertige, alors que la sirène de l'express emplit le champ sonore, la caméra débulle en zoomant sur le visage de Laura.
Les quatre plans suivants sont aussi débullés et la conduisent au bord du suicide
avant que le rebullage du plan ne coïncide avec son retour à la raison.
La fin est loin d'être un happy end réconciliateur ou un sacrifice à la morale. Certes, Laura accepte de se réfugier dans les bras de son mari mais le dernier plan, sur lequel s'inscrit le mot fin, est celui de la gare déserte, celui de son amour enfui.
Jean-Luc Lacuve le 07/07/2011
Wikipédia : Le film est adapté d'une pièce en un acte de Noel Coward Still Life (1936), qui appartient à un groupe de dix courtes pièces connues sous le titre d'ensemble Tonight at 8:30, et qui étaient destinées à être jouées par Gertrude Lawrence et Coward lui-même en différentes combinaisons de chaque fois trois pièces par représentation. Toutes les scènes de Still Life ont pour décor le buffet de la gare, fictive, de Milford Junction.
Le film fut en grande partie tourné à la gare de Carnforth dans le Lancashire, qui faisait alors la jonction entre les chemins de fer de Londres, des régions du centre de l'Angleterre et d'Écosse. Outre le fait qu'une gare animée était nécessaire pour l'histoire, l'endroit était suffisamment éloigné de Londres pour éviter les coupures d'électricité, cinéma oblige, le tournage ayant eu lieu au début de 1945, avant que la guerre ne fût terminée. Le buffet de la gare fut recréé au studio de Denham. La gare de Carnforth Station conserve encore certaines caractéristiques d'époque qu'elle avait au moment du tournage et demeure un lieu de pèlerinage pour les fans du film. Les extérieurs en ville ont été tournés dans des endroits proches de Denham à Londres ou Beaconsfield.