Accueil Fonctionnement Mise en scène Réalisateurs Histoires du cinéma Ethétique Les genres Les thèmes Palmarès Beaux-arts

Réglement de comptes

1953

Voir : Photogrammes
Genre : Film noir

(The Big Heat). Avec : Glenn Ford (Dave Bannion), Gloria Grahame (Debby Marsh), Jocelyn Brando (Katie Bannion), Alexander Scourby (Mike Lagana), Lee Marvin (Vince Stone), Jeanette Nolan (Bertha Duncan). 1h29.

Le policier Tom Duncan se suicide en laissant une lettre où il révèle la corruption de l'administration de la ville qui est sous la coupe du gangster Mike Lagana. Dave Bannion soupçonne qu'il y a une autre raison au suicide de son collègue quand Lucy Chapman, une entraîneuse, lui apprend qu'il était en parfaite santé et décidé à divorcer pour elle.

Le lendemain, il reçoit l'ordre d'abandonner l'enquête, mais ne s'y résout pas : Lucy a été assassinée. Bannion défie Lagana et l’accuse d’avoir tué Lucy. Un attentat est alors dirigé contre lui, mais c'est sa femme Katie qui périt dans l'explosion de leur voiture. Bannion confie sa fille à son beau-frère et, après avoir été renvoyé de la police pour avoir mis en cause ses supérieurs, se lance seul dans la lutte contre Lagana.

Debby, la maîtresse de Vince Stone, un sadique homme de main du gangster, lui fait des avances : jaloux, Stone la défigure en lui jetant du café bouillant au visage. Réfugiée chez Bannion, elle lui révèle les agissements de la bande.

Debby, qui sait que Bertha Duncan a demandé qu'on publie la lettre de son mari s'il lui arrive malheur, la tue. Ensuite, elle se rend chez Stone et le brûle à son tour au visage. Celui-ci tire sur elle et la blesse mortellement. L'arrestation de Stone provoque l'écroulement de Lagana et Bannion reprend sa place dans la police.

Dave Bannion est un policier ordinaire appréciant comme il se doit une vie conjugale épanouie, femme aimante et spirituelle et enfant attachante. Il n'a rien d'un idéaliste, d'un justicier ayant besoin d'enfourcher le cheval d'une justice abstraite.

Du drame social au film noir

Pris au piège de sa seule honnêteté, Dave Bannion se trouve prisonnier d'une toile de plus en plus odieuse qui le contraint à réagir. Il n'accepte pas dans un premier temps la dénonciation de Lucy et s'est pour prévenir Mme Duncan d'un chantage possible qu'il s'en retourne la voir une seconde fois après son enquête initiale. Le premier grain de sable est le refus de celle-ci d'indiquer la date d'achat d'une maison de campagne. C'est ce détail anodin pour le spectateur mais révélateur d'une vie au-dessus des moyens d'un policer normal qui avait alerté Dave Bannion.

Sur ce terrain du soupçon, le meurtre atroce de Lucy, torturée à la cigarette ne peut laisser Dave indifférent. Les ordres de son supérieur, le commissaire, puis les insinuations du patron du bar La retraite, le convainquent qu'il s'agit bien d'une affaire de corruption contre laquelle il va devoir lutter. Cette bataille qu'il sait difficile, dangereuse pour lui, il demande à Kate l'autorisation de la mener. Le coup de fil menaçant envers sa femme est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Ainsi s'en va-t-il menacer Lagana chez lui sous le portrait de sa mère. Celui-ci donne l'ordre à un homme de main de le tuer mais c'est Kate qui est victime de la voiture piégée.

Lang a alors dressé le portrait social d'une ville de province dominée par la morgue des puissants, secondés par des psychopathes, et acceptée des citoyens sans morale (le patron de La retraite, Mme Duncan). Un second film, plus classiquement film noir, débute alors. Dave rend son insigne de policer et devient un homme ordinaire capable, ou non, de basculer dans la même violence que celle qu'il dénonce.

Seuls les déshérités peuvent accomplir la justice

Le chef de la police est corrompu mais c'est toute la hiérarchie policière qui se révèle impuissante à protéger Dave. Celui-ci a chez lui une photographie d'une classe de policiers tous fièrement dressés contre le crime. Mais, tel le commissaire, ils font en fait tous attention à leur carrière, leur retraite ou leur avancement. Même le garagiste de la casse lui déclarera que c'est aux policiers, payés pour cela, de prendre des risques. Lui a femme et enfants. C'est donc une vieille demoiselle boiteuse qui met Dave sur la trace de Larry et Vince. Les hommes recrutés par le beau-frère sont des aventuriers solitaires et Debby ne bascule dans son camp que lorsqu'elle est défigurée. Gloria Grahame avait comparé toute la bande à des acteurs d'un cirque attendant qu'on leur commande de passer au travers d'un cerceau. Sa mort, écoutant Dave lui raconter une vie de famille heureuse, est tout à la fois bouleversant pour elle qui en a été exclue et pour Dave qui va pouvoir réintégrer la vie sociale, en l'occurrence la police, ayant renoncé à abattre mme Duncan et Vince (Le choix de Glenn Ford tout en rondeur face à l'émacié Lee Marvin est fort approprié).

Jean-Luc Lacuve le 17/12/2010.

Lang et la psychanalyse : focus sur la mort de la mère (par Léa Aliamus)

Lang, né à Vienne, est un passionné de psychanalyse. En témoigne particulièrement une séquence de Règlement de compte, celle de la mort de la femme de Dave Bannion.

L’expression même « The Big Heat » (le titre original) peut désigner une révélation importante qui se dévoile après un évènement important, à l’image des désirs refoulés que la psychanalyse tente de mettre au grand jour. Cette scène évoque le complexe d’œdipe éprouvée par la petite fille du couple. Le rôle de chacun des membres au sein d’une famille constitue un des enjeux de la séquence.

Le ton romantique qui ouvre ce passage sur les deux époux est brisé par l’entrée de la petite fille qui déclare ne pas parvenir à dormir. Un conflit inconscient s’établit alors entre la mère et la fille. La première a prévu une sortie au cinéma avec son mari, la deuxième tente de retenir son père pour la mener à son lit. Il est l’objet du désir des deux femmes. Le père va alors la recoucher après avoir plaisanté avec sa femme à propos de l’amour que porte une fille pour son père. Da

ns le premier plan montrant l’enfant dans les bras de son père, la petite fille est portée à la verticale, comme n’importe quel enfant. Mais, dans le second plan où les deux mêmes personnages pénètrent dans la chambre d’enfants, la fille se tient dans les bras de son père, à la manière d’une jeune mariée entrant dans la chambre nuptial, dans une position horizontale. La mère, quand à elle, semble vouloir inconsciemment se débarrasser de sa fille en allant chercher une baby-sitter au lieu d’aller coucher sa fille elle même (rôle qui lui avait été attribué au départ).

La fin de la séquence (l’explosion) est filmée de manière très violente et surprenante : la scène douce de coucher de la petite fille est interrompu brutalement par le bruit de l’explosion accompagné d’un tremblement ressenti par la caméra qui trésaille. Ce moment, qui marque un tournant majeur dans le film et dans la vie de Bannion, surprend et choque le spectateur ainsi que Bannion lui même, qui, apeuré puis terrifié, se jette hors de la pièce pour découvrir ce qui s’est passé. Et pourtant, la petite fille, dans son lit, ne témoigne d’aucune inquiétude. Son visage reste calme et tranquille. La mort de sa mère lui permet à l’avenir d’être la seule femme qui compte pour son père.

Léa Aliamus, le 18/05/2018

Retour