Film composé de treize séquences, annoncées par un titre, et se terminant sur une image figée :
Dominique A enclenche la K7 de son premier album, composé à onze ans, et chante en duo avec lui-même, n'oubliant aucun mot, ravi de cette étonnante fidélité
Un kilomètre à pied : Katerine refait et commente le trajet qui menait de son collège au pavillon familial.
Hélicoptère 1 : Dans un train, la jeune Edie narre un court voyage, manifetement rêvé, en hélico.
Hélicoptère 2 : Visage collé à la caméra, voie ferrée derrière lui, Katerine redit le même monologue, soupirs de chipie inclus.
Deux amis d'enfance de Katerine s'insultent puis se battent dans le jardin de l'un d'entre eux.
Dessine-moi un tonton : la nièce de Katerine présente à celui-ci un dessin de lui puis des dessins étonnement sexués ou morbides de sa mère.
Sur le RN 137 : Aucun automobiliste ne répond aux signes de la main.
Gaétan fait son numéro ; des postures brèves entre deux flahes de lampes d'hôtel. Découragement puis le ventre simule une bouche.
Katerine suit sa femme, Hélène Noguera, sortie acheter un fuit car il a peur qu'elle le trompe
1976-2003 : avec deux amis dans une voiture, où il est question d'opération à cur ouvert. Il estime qu'il s'agit là d'une vraie naissance. L'opération ayant provoqué des sensations que jamais plus il ne sentira. Ses amis se moquent, s'amusent et se disputent..
Katerine dévoile pour Thierry Jousse, ex-rédacteur en chef des Cahiers et désormais cinéaste et ami, la collection en tupperwares de ses crottes, expliquant que c'est d'avoir noué un rapport intime à la merde qui l'assura jadis de son appartenance à l'humanité.
Vers la bouche de métro : Katerine détourne le nom des objets qu'il voit dans sa promenade près du Sacré-cur où il habite, et réalise ainsi un poème dans le genre de ceux de l'Oulipo. Il joue au vrai cinéaste, donne des ordres virtuels, aimerait que le film ne s'arrête jamais et l'arrête pourtant sur une poubelle... dont il nous avait confié plus tôt que tel était son surnom d'adolescent.
Générique avec, en fond sonore, l'énumération de prénoms. Images : nous sommes dans un cimetière ou Katerine lit les prénoms sur les tombes. Deux amoureux se tiennent par la main, la caméra se dirige vers le ciel. Suite du générique. Retour au dernier épisode. Fin du générique.
Chercher à faire au plus simple. Parler de soi, de son enfance, de ses obsessions, de ses amis, de sa femme. Faire fi de la technique du cinéma. Mais, en même temps, ne pas se contenter de tirer le fil de quelques idées simplettes mais faire uvre avec cela.
Cela pourrait être une chanson. Plus sûrement chacune de séquences de Peau de Cochon se rapproche d'une installation plastique à l'image de celles de Sophie Calle à la fois intimes, drôles et grinçantes entre réel et fiction élaborant une poésie universelle en sculptant le dérisoire, l'insignifiant le régressif ou le déchet..
Chacune des séquences part d'un projet simple et s'obstine à refuser la technique du cinéma -ce qui n'est un peu pénible que pour les séquences surexposées où la couleur s'est enfuie-. Pour le reste, chacune des séquences dure suffisemment longtemps pour introduire la notion du risque au sein d'un dispositif que l'on sent longuement médité avec des prises probablement nombreuses.
Le risque, à chaque fois fragile, n'en est que plus émouvant. Katerine trouvera-t-il quelque chose à dire tout au long de son kilomètre ? La petite fille de l'hélicoptère, est-elle sincère ? Qu'est-ce que ce texte (sa reprise par Katerine est hilarante) ? Jusqu'où dégénérera la dispute des deux amis ?
Enfin et surtout Jousse et Katerine arriveront-ils à dépasser le propos qui pourrait être bêtement subversif de la collection d'étrons pour se parler et chercher à s'amuser réellement de cette obsession du déchet ?
Jean-Luc Lacuve le 21/06/2005
Philippe Katerine
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