1ère partie : Paris, 1925. La riche Princesse Marie Bonaparte, arrière-petite-nièce de Napoléon, est l'épouse malheureuse du Prince Georges de Grèce qui n'admet pas de divorcer et avec qui elle a deux filles. Sur le conseil d'un ami médecin, elle part à Vienne et trouve le réconfort auprès d'un étrange docteur à l'origine d'une nouvelle théorie qui fait débat : la psychanalyse. Il s'agit du docteur Sigmund Freud dont la thérapie va rapidement séduire Marie qui, après avoir fait son analyse, souhaite aider les autres grâce à la même méthode...
2ème partie : 1932. Fidèle amie de Freud, Marie Bonaparte est devenue à son tour une psychanalyste de renom - tout en continuant d'assumer avec une belle énergie sa fonction d'altesse royale. Partageant son temps entre Paris et Vienne, elle se soucie davantage de ses enfants, qu'elle s'accuse d'avoir trop longtemps négligés. Face à l'inquiétante montée du nazisme, Marie encourage Freud à se tenir prêt à émigrer à tout instant. Mais, convaincu que les Allemands n'oseront jamais s'en prendre à lui, le célèbre professeur, désormais octogénaire, maintient qu'il ne quittera pas Vienne. Marie Bonaparte n'a désormais plus qu'un seul but : obtenir des autorités un visa de sortie du territoire autrichien pour Freud et les siens...
Marie Bonaparte (1882-1962) était la petite-nièce de l'empereur Napoléon 1er, princesse de Grèce et du Danemark. En 1925, elle se rendit à Vienne pour consulter Sigmund Freud au sujet de ses problèmes de frigidité sexuelle. Il devint son psychanalyste, mais aussi son maître et son ami. Marie Bonaparte était une personnalité hors du commun, qui a utilisé sa position sociale et sa fortune pour promouvoir les théories scientifiques de Freud et soutenir son travail. Elle a traduit ses livres en français, et en 1938 l'a aidé à fuir l'Autriche pour Londres, où il est décédé en 1939. Par la suite, elle a joué un rôle décisif dans la structuration de la psychanalyse française.
Le scénario écrit par Louis Gardel et François-Olivier Rousseau a obtenu le grand prix du meilleur scénario TV remis dans le cadre du FIPA de Biarritz en 2003. François-Olivier Rousseau souligne que Catherine Deneuve a poussé ses auteurs "à aller vers plus d'audace tout le temps".
Le tournage s'est déroulé principalement en Autriche au printemps 2003 : à Vienne, ainsi qu'en Basse-Autriche (châteaux d'Eckartsau et de Tannenmühle) et Haute-Autriche (château Trauttenberg). Des scènes ont également été filmées à Paris, Saint-Cloud, Saint-Tropez, Maresfield gardens en Angleterre, dans les montagnes suisses et en Toscane. La production a un budget de 6,4 millions d'euros, répartis entre 13 partenaires. C'est une coproduction ARTE France, Film en Stock et Pampa Production.
Catherine Deneuve et Heinz Bennent étaient mari et femme dans le film de Truffaut "Le dernier métro". C'est elle qui a suggéré son nom à Benoît Jacquot pour le personnage de Freud. Catherine Deneuve a déclaré en conférence de presse : "Quand je l'ai revu, cela n'a déclenché aucun sentiment nostalgique en moi, c'était comme une rencontre avec un vieil ami que je n'avais pas vu depuis longtemps". La fille de Freud est jouée par Anne Bennent, fille de Heinz Bennent. Christian Vadim joue l'amant de Marie Bonaparte lorsqu'elle avait 16 ans !
Trois plans filmés n'étaient pas écrits dans le scénario : ceux où l'on rase avec un coupe-chou le pubis de Marie Bonaparte. Ces trois plans, absents du scénario et non lus par les producteurs apparaissent à Benoît Jacquot comme la cause, le noyau du film. Le film parle de la psychanalyse, de ce que Freud a voulu montrer et de ce que Marie Bonaparte a voulu propager alors qu'elle-même est une quasi-cinglée. La psychanalyse visait à faire passer le sexe dans le monde du discours et de la représentation. Et c'est bien ici, dans cette séquence que, littéralement, un sexe apparaît durant trois plans et qui est la raison d'être du film. France 2 a demandé d'enlever ces plans.
L'interview de Benoît Jacquot par Franck Garbarz. (souce site d'Arte)
Qu'est-ce qui vous a donné envie de participer à
l'aventure Princesse Marie ?
Je connaissais vaguement l'existence de Marie Bonaparte, mais ce n'était
pas pour moi un auteur de référence. Je savais seulement qu'elle
avait joué un rôle fondateur dans le mouvement psychanalytique
français et qu'elle avait évincé Lacan. Il ne me serait
jamais venu l'idée de lui consacrer un film...
C'est vraiment Catherine Deneuve, avec qui je souhaitais travailler depuis
longtemps, qui m'a imposé comme réalisateur auprès de
la production.
Quelle a été votre contribution au scénario
de Louis Gardel et François-Olivier Rousseau ?
Il fallait que je m'approprie le scénario pour que je m'y sente "chez
moi". Comme je ne connaissais pas Louis Gardel, si ce n'est par ses écrits,
j'ai beaucoup discuté avec lui de scènes que je ne saurais pas
filmer ou au contraire que j'aurais plaisir à filmer. Pour moi, la
relation entre Marie et Freud est une histoire d'amour détournée.
Je tenais aussi à l'idée qu'ils se sauvent l'un l'autre : pendant
le premier épisode, c'est Freud qui sauve Marie, tandis que dans la
deuxième partie, c'est elle qui le sauve des nazis.
J'ai été extraordinairement surpris par la
réceptivité des deux scénaristes à ce que je pouvais
dire. Le franc-parler et les audaces verbales du personnage vous ont-elles
décontenancé ?
L'aspect excessif, extravagant, quasi baroque, du personnage m'a fasciné.
Et j'aimais surtout l'idée de donner l'occasion à Catherine
Deneuve de jouer une telle figure pendant trois heures.
Vous montrez le personnage de Marie dans toute sa complexité,
quitte à en exposer les contradictions : elle se moque totalement des
conventions sociales, mais veut empêcher son fils d'épouser une
femme de petite condition...
Elle est assez snobe finalement ! Elle a un côté Verdurin tout
en étant authentiquement militante de la cause psychanalytique.
Elle est aussi capable d'humilité et sait demander
pardon à ses proches.
Oui, car elle se rend bien compte qu'elle ne les a pas épargnés.
Ce qui ne veut pas dire qu'elle regrette son action en faveur de la psychanalyse.
Dans le même temps, j'ai veillé à ce que son entourage
soit humain et touchant, et pas bêtement hostile et rébarbatif.
Malgré le désordre du monde extérieur,
vous créez dans le premier volet une sorte de huis clos autour de Freud
et de Marie : on perd la notion du temps
et de l'espace... Comme si vous aviez cherché à retranscrire
par l'image le cheminement d'une psychanalyse.
C'est ce que j'ai essayé d'obtenir. J'ai voulu qu'on soit transporté
dans un autre monde, dans ce processus analytique qui fait abstraction du
temps et de l'espace. J'ai surtout cherché à éviter le
traitement hollywoodien de la psychanalyse, comme dans les films d'Hitchcock
et de Lang où les personnages ont des révélations fracassantes
! C'est dramatiquement efficace, mais trop simplet.
La palette de couleurs est dominée par des teintes
grises, sombres, presque désaturées. Or, au cours d'une séance
de psychanalyse, le rouge de la robe
et des lèvres de Marie tranchent singulièrement. Comment avez-vous
travaillé les couleurs et la lumière ?
On a essayé de construire un registre mental qui évoque l'inconscient
et l'analyse. Je voulais que cela se traduise dans la palette chromatique
et les oppositions de couleurs. J'ai essayé de tracer une courbe dramatique
grâce à la lumière, aux couleurs, aux costumes, qui suivent
une certaine trajectoire mentale.
Tout au long du premier épisode, l'Histoire est
reléguée aux images d'archives, sans que les personnages ne
fassent allusion à la montée du nazisme. Pourquoi ?
A ce moment-là de l'intrigue, vers la fin des années 20, les
événements politiques leur sont relativement étrangers.
Jusqu'au dernier moment, beaucoup de grands intellectuels en Europe étaient
inconscients de ce qui se tramait, ou tellement pessimistes que rien ne pouvait
vraiment les surprendre... Le pessimisme freudien était d'ailleurs
l'un des plus virulents.
Le deuxième épisode n'est pas dénué
d'un certain suspense.
On voulait dès le stade du scénario que le premier épisode
soit très intériorisé, qu'il évoque ce climat
mental dont je parlais, et que le second soit beaucoup plus feuilletonesque,
plus romanesque.
L'alchimie entre Catherine Deneuve et Heinz Bennent est
extraordinaire. Comment les avez-vous dirigés ?
Le fait que ce soit Catherine Deneuve qui ait fait appel à moi, et
non l'inverse, m'a donné une aisance et une liberté vis-à-vis
d'elle que je n'aurais sans doute pas eues dans une autre situation. Du coup,
cela nous a permis de développer une relation de complicité,
sans contrainte. C'est donc moins de la direction d'acteurs qu'il s'agissait
qu'une sorte d'alliance pour fabriquer un objet sur lequel nous étions
tous les deux d'accord.
Quant à Heinz Bennent, je tenais à ce que soit un acteur de langue allemande et qui ait l'âge du rôle. A partir du moment où il a accepté de jouer le rôle, il l'a fait avec toute son intégrité. C'est un tournage dont je ne garde aucun regret, aucun remords, aucun repentir - pour une fois !