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Meurtre

1931

(Murder). Daprès le roman de Clemence Dane et Helen Simpson "Enter Sir John". Avec : Herbert Marshall (Sir John Menier), Nora Baring (Diana Baring), Phyllis Konstam (Dulcie Markham), Edward Chapman (Ted Markham), Miles Mander (Gordon Druce), Esme Percy (Handel Fane), Donald Calthrop (Ion Stewart), Marie Wright (Miss Mitcham), S.J. Warmington (Bennett). 1h44.

En plein milieu de la nuit, le couple Markham observe de l'agitation dans la rue. C'est Gordon Druce, le directeur de la troupe de théâtre qui vient frapper chez Diana Baring pour chercher sa femme. Alertés par le bruit, les Markham, un policier et Miss Mitcham, la logeuse de Diana entrent dans le salon et découvrent Diana prostrée devant le corps sans vie d'Edna Druce. Miss Mitcham prépare du thé pour tout le monde mais la police arrête Diana.

Le lendemain la police interroge les acteurs en pleine représentation, Handel Fane puis Ion Stewart ainsi que le régisseur Ted Markham et Dulcie, sa femme. Pour elle, Ion Stewart aurait eu une liaison avec la victime.

Arrêtée puis jugée, la jeune actrice, qui ne se souvient de rien mais dont tout le monde sait qu'elle n'aimait pas la victime, se révèle incapable de convaincre le jury de son innocence. Elle est condamnée à mort malgré la résistance de Sir John, un célèbre acteur que le sort a désigné pour siéger comme juré.

Entendant chez lui à la radio l'annonce de la prochaine exécution de Diana, Sir John est pris de remords. N'aurait-il pas dû batailler davantage pour convaincre les autres jurés de l'innocence de Diana ? Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Sir John décide de mener sa propre enquête, et engage dans ce but les Markham, qui se désespéraient d'être désormais au chômage et menacés d'être chassés de leur logement.

Sir John explique à Ted que le mystère sera résolu lorsque l'on saura qui a bu la fiole de brandy retrouvée vide sur les lieux du crime. Comment expliquer en effet que Diana soit sur de n'avoir pas bu alors qu'elle ne se souvient pas des circonstances du drame ? Ted, ravi d’être engagé comme régisseur dans la prochaine tournée, demande à Sir John d'engager aussi sa femme, Dulcie avec qui il fait toujours équipe. Sir John accepte et fait monter dans ses appartements Dulcie qui attendait en bas. Dulcie est aussi impressionnée que son mari par le luxe dans lequel vit Sir John. Celui-ci la laisse discuter avec son mari, espérant que surgisse une piste. Il est intéressé de savoir que Dulcie a vu un policier partir de chez Diana puis, quand elle a appelé son mari à la fenêtre, un autre policier venir d'un autre coté. Le premier policier n'aurait-il pas pu être le coupable ?

Le lendemain, Sir John est chez les  Markham pour se faire expliquer les circonstances de la survenue des deux policiers. Druce, une nouvelle fois saoul, frappe à la porte de la logeuse de Diana, Miss Mitcham. Ted en profite pour demander à visiter les lieux du crime. Sir John inspecte la pièce et constate que l'on peut entrer par une fenêtre et que non loin de là se trouvent les loges du théâtre. Dans la chambre de Diana, Sir John découvre aussi une photo de lui encadrée avec soin.

Ils poursuivent leur investigations et vont finalement au théâtre. Le gardien signale un lavabo cassé dans une loge occupée par Fane et Stewart et remet à Ted un étui à cigarette oublié. La fenêtre au-dessus du lavabo donne sur la maison de Miss Mitcham.

Il se fait tard dans la nuit et les Markham raccompagnent Sir John dans le logement que Ted a prévu pour lui, celui du policier venu sur les lieux du crime. Sir John regrette par avance le confort du Red Lions mais Ted, tout investi de sa mission pense que c'est mieux de dormir chez le policier car il pourrait découvrir quelque chose.

Le lendemain matin, sir John est réveillé par les nombreux enfants de la femme du policier. Celle-ci révèle qu'un de ces locataires a frappé un jour son fils, Arthur, car il avait découvert un costume de policier que l'enfant croyait être celui de son père. Ce locataire, c'était Fane. Ted vient aux nouvelles et lui affirme que l'étui à cigarette récupéré la veille était taché de sang; il ne pouvait appartenir qu'à Fane ou Stewart. Ted Markham révèle de plus à Sir John que Fane comme Stuart étaient les deux seuls acteurs à pourvoir utiliser un costume de policier. Sir John est convaincu qu'il ne peut s'agir que de l'un des deux qui a commis le crime s'est enfui déguisé en policier. Il pense qu'il va pouvoir se servir de l'étui à cigarette pour faire avouer le nom du coupable à Diana.

Sir John se rend à la prison muni d'un sauf conduit et interroge Diana qui ne veut pas d'un procès en appel qui la condamnerait à la prison à vie alors que "la mort ne peut être pire que le dentiste". Sir John finit par lui faire avouer qu'elle cache un secret au sujet d'une personne que lui a confié madame Druce avant de mourir et que ce secret concerne une personne de la troupe. Sir John insiste pour savoir si elle est amoureuse de cet homme mystérieux; c'est impossible répond Diana car c'est un métis. Il lui lance l'étui à cigarettes avec des traces de sang que, surprise, Diana identifie impulsivement comme étant celui de Fane. Avant de partir elle veut lui après d'autres choses et ils sont sur le point de s'avouer qu'ils s'aiment.

Sir John est maintenant convaincu que Fane est l'assassin. Il va le voir au cirque où il a repris son ancien métier, trapéziste. Il exprime à Ted l'idée de lui tendre un piège comme la pièce de théâtre révélatrice dans Hamlet. Il tend ainsi un piège en proposant un rôle important dans sa future pièce à Fane, celui du criminel dans l'affaire Diana. D'abord surpris, Fane est mis à la torture en jouant l'approche du criminel dans la pièce. Fane est sur le point d'avouer quand il tourne la page du script... et la découvre vide.Il met alors au défi Sir John de lui faire de nouveau jouer la fin de la pièce quand il l'aura écrite.

Mais sir John le poursuit jusque dans sa loge de trapéziste et le harcèle une nouvelle fois. Fane, lors de son numéro dans les airs, est saisi de vertiges, perturbé par la vision de Diana emprisonnée et Sir John sur ses talons. Il préfère en finir et se pend en plein numéro de trapèze.

Sir John découvre dans sa loge une lettre qui explique les circonstances du drame : avant de tuer madame Druce pour qu'elle ne révèle pas son passé de métis, il avait poussé la tête de Diana contre une table ce qui explique qu'elle ne se souvienne plus de rien. Diana est disculpée et vient remercier Sir John qui l'enlace : c'est la fin de la pièce qu'ils jouent ensemble devant un public conquis.

Il s'agit d'un film de détective tel que les méprisera Hitchcock plus tard. L'intrigue est en effet basée sur le seul "whodunits" et les moyens d'y parvenir à partir d'indices : la bouteille de brandy vide, le costume de policier, l'étui à cigarettes taché de sang, le piège de la pièce de théâtre. Fane est toutefois présenté comme un meurtrier attachant, torturé par l'accusation portée contre Diana qu'il aime, résistant au piège tendu par Sir John et avouant son crime avant de se pendre; un bon méchant en quelque sorte, nécessaire à l’intérêt du film.

Noblesse des personnages et comique

Bien qu'il s'agisse d'éviter l'exécution d'une innocente, le film ne manque pas d'humour. Hitchcock se livre en effet à quelques allusions perfides sur la différence de classes sociales entre les Markham : un gros plan sur une chaussette reprisée nous informe de la situation financière du couple Markham alors que les pieds qui s'enfoncent dans la moquette soulignent la différence de classe avec Sir John. Comique de Sir John réveillé par sa logeuse d'une nuit avec ses cinq enfants plein d'énergie. Autre allusion à la culture anglaise : l'idée de faire jouer une "fausse" pièce révélatrice à Fane comme celle au sein de Hamlet. L'allusion disparaîtra de la version allemande.

Plus ambigüe, est la mystérieuse révélation que coûte la vie à Edna Druce. Il s'agit d'un scandale sur les mœurs du coupable. Diana en savait l'existence : Fane est métis. Même si on a vu avec la scène initale de The ring à quel point le public anglais est alors raciste, c'est d'un autre crime aux yeux de la loi qui est sous-entendu: l'homosexualité (par ailler renforcé par les rêles de Fane, deguisé en femme ou son costume de trapeziste). C'est d'ailleurs cette seule référence à l'homosexualité, osée pour lépoque dit-il, que Trffaut évoque dans ses entreteisn avec Hitchcock sans qu'aucun des deux ne s'attarde sur le metissge. Par ailleurs, dans la version allemande c'est d'être un criminel en fuite qui sera reproché à l'assassin. Il est ainsi probable que Hitchcock ait gardé la référence au métissage qui est dans le roman mais ait ajouté la dimension homosexuelle ou bi-sexuelle du personnage qui en fait un double réprouvé pour lequel, Diana à défaut d'amour éprouve de la compassion. Sir John qui se sent coupable d'avoir envoyé Diana en tournée alors qu'elle l'avait sollicité pour intégrer sa troupe permanente tente de la sauver en invoquant que pour une fois ce n'est pas "la vie qui aidera l'art mais l'art (sa mise en scène comme détective) qui sauvera la vie".

Hitchcock expérimentateur

Le premier monologue intérieur du cinéma

Dès le début du parlant, Hitchcock se montre des plus novateurs en inventant le monologue intérieur au cinéma. Le serviteur vient installer un poste de radio qui annonce l'exécution prochaine de Mary puis un S.O.S d'un bateau en détresse oblige à l'interruption des programmes. Le serviteur revient proposer un cocktail et sir John lui demande de convoquer Benett. La radio annonce alors diffuser le prologue de Tristan et Yseult de Wagner. Sir John, seul devant sa glace, repense alors au procès qui a vu la condamnation à mort de Diana. Les remords l'assaillent et nous entendons ses pensées. Pour réussir cette scène Hitchcock avait fait enregistrer au préalable le monologue de Sir John et l'avait fait diffuser au cours du tournage, pendant qu'un orchestre de 30 musiciens, dissimulé derrière le décor, jouait Tristan et Iseult... puisque Sir John était censé écouter la radio.

Surimpression, expression mentale (et muette) de la psychée de Fane

Hitchcock reccourt au procédé classique dans le cinéma muet de la surimpression lorsque Fane se sent incapable de dissimuler davantage son crime. Trapze et culpabilité sont incompatibles et Fane decide alors de son suuicide.

Deux flash mentaux assez malhabiles car déjà exprimés par la parole

Plus malhabiles sont les deux flashes mentaux de Dulcie Markham désirant un en-cas chez Sir John puis de celui-ci rêvant de la table bien garnie du Red Lions. Ces flash d'une durée d'une seule image, redondant avec ce quexpriment oralment les personanges perturbent le déroulé du récit et Hitchcock les abandonnera dans Mary, la version allemande du film. Il reprendra le procédé du flas mental avec plsude succès dans son film suivant, The skin game mais qui en sera alors plsuamorcé par la parole du protagoniqte.

Le film comporte une scène de procès de 18', principalement axée sur la délibération des 12 jurés. Quatre ne votent pas la culpabilité ; l'un préférant s'abstenir d'une décision si difficile, une femme sensible à la suspension de jugement, un autre séduit par l'apparence de Diana et enfin Sir John, ayant la conviction que Diana est innocente parce que, si elle a niée avoir bu le brandy, elle n'a pas cherché à nier le meurtre, disant seulement ne pas s'en souvenir. Les quatre jurés minoritaires se rangent ensuite, un par un, au verdict de culpabilité . Une sorte de préfiguration à l'envers de 12 hommes en colère (Sidney Lumet) ou de Juré n°2 (Clint Eastwood).

Jean-Luc Lacuve, le 23 mai 2025.

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