Le crime était presque parfait

1954

Voir : photogrammes
Genre : Film noir
Thème : Cinéma en 3D

(Dial M for murder). Avec : Ray Milland (Tony Wendice), Grace Kelly (Margot Wendice), Robert Cummings (Mark Halliday), John Williams (L'inspecteur Hubbard), Anthony Dawson (le capitaine Lesgate, Swann). 1h45.

Londres. Craignant que sa riche épouse Margot, amoureuse d'un écrivain américain, ne divorce et ne le prive ainsi de sa fortune, Tony Wendice, ancien champion de tennis, médite de la tuer. Il convoque un ancien camarade de collège, Lesgate, devenu sous le nom de Swann, un petit escroc sans envergure. Par la persuasion et le chantage, Tony oblige Swann à accomplir à sa place le meurtre de sa femme. Tony, au moment du crime, sera vu à son club et aura ainsi un magnifique alibi. Mais les choses tournent autrement que prévu.

Margot se défend comme une lionne et plante une paire de ciseaux dans le dos de son agresseur qui n'y survit pas. Tony amène habilement Scotland Yard à penser que sa femme aurait agi de manière délibérée parce que Lesgate la faisait chanter.

Mais l'inspecteur Hubbard, ayant flairé l'odeur du crime dans les agissements de Tony, lui tend un piège et le confond. Tony avait dit à Swann de prendre la clé sous le tapis de l'escalier et de l'y remettre en partant. Mais puisque Swann est mort, Tony a pensé qu'elle était restée dans la poche du mort. Quand il la trouve, il la replace dans le sac de sa femme. Mais la clé n'avait jamais quitté sa place sous le tapis car Swann l'avait remise à sa place avant même de rentrer.

L'inspecteur qui observe les agissements de Tony voit qu'il comprend ce qu'avait fait Swann et le confond ainsi. La clé du sac à main est celle de Swann, voila pourquoi cette clé n'ouvre pas la porte. L'inspecteur sait que si Tony revient et utilise la clé qui est sous le tapis, alors il ouvrira la porte et se désignera ainsi comme le commanditaire de Swann. Tony revient. La porte s'ouvre. Tony essaie de fuir. Un inspecteur lui barre la route. Beau joueur, Tony reconnait qu'il a perdu et demande à Margot et Mark s'ils pensent arriver à refaire leur vie. Ils répondent par l'affirmative.

Film de circonstance tourné par Hitchcock pour boucler un contrat et considéré, en raison de son absence apparente d'ambition, comme mineur. Hitchcock, dans ses entretiens avec Truffaut enfonce le clou. C'est pourtant l'une des œuvres les plus significatives du maître du suspens.

L'action est pour les neuf dixièmes enfermée dans un unique décor comme l'était La corde et comme le sera celle du film suivant, Fenêtre sur cour. Mais cette virtuosité n'est qu'un leurre pour cacher une vérité sulfureuse qui s'imposait à Hitchcock comme une évidence mais qu'il cherchait à repousser de toutes ses forces, à savoir que le crime représente pour certains êtres l'accomplissement ultime.

Disciple secret de De Quincy et de son "De l'assassinat…", il a dessiné, à côté de criminels complexés et honteux, un nombre plus grand encore de criminels parfaitement à l'aise dans leur peau, créatures sataniques auquel le crime fournit leur seule raison d'être. Parmi eux, le personnage interprété ici par Ray Milland est un des plus inquiétants. S'il ne réussit pas le crime parfait, il n'est pas loin d'être sur le plan psychologique et mental, le criminel parfait, doué d'ingéniosité, d'audace, de persuasion et d'une impassibilité souveraine. John Dall dans La corde avait ces mêmes qualités, mais il agissait par intérim, dominé par l'influence à demi volontaire de son maître (James Stewart) et surtout il était très mal "secondé" par Farley Granger. Par rapport à lui, la seule qualité de l'inspecteur Hubbard est son humour.
"

L'intérêt du procédé en relief (Relief Polaroïd, système binoculaire) doit être relativisé Hitchcock déclarant dans ses entretiens avec Truffaut:"

A.H. L'impression de relief étant donnée surtout dans les prises de vues en contre-plongée, j'avais fait aménager une fosse pour que la caméra soit souvent au niveau du plancher. A part cela, il y avait peu d'effets directement fondés sur le relief.
T. Un effet avec un lustre, avec un vase de fleurs et surtout avec des ciseaux.
H. Oui, quand Grace Kelly cherche une arme pour se défendre, et puis un effet avec la clé du verrou… c'est tout."

La paire de ciseaux et la clé du verrou : deux des principaux effets travaillés avec la 3D

Hitchcock respecte l'unité de lieu du décor unique du théâtre et refuse d'aérer la pièce, allant même jusqu'à refuser de construire une salle de tribunal. Il préfère évoquer le procès par des plans de Grace Kelly sur fond neutre avec des lumières de couleurs tournoyantes derrière elle :

" C'était plus familier ainsi et cela préservait l'unité d'émotion. Si j'avais fait construire une salle de tribunal, le public se serait mis à tousser et il aurait pensé : "Voilà un deuxième film qui commence". Pour la couleur, il y avait une recherche intéressante concernant l'habillement de Grace Kelly. Je l'ai habillée de couleurs vives et gaies au début du film et ses robes sont devenues de plus en plus foncées au fur et à mesure que l'intrigue devenait plus sombre."