Puissant agent électoral, Paul Madvig décide de soutenir la candidature à la mairie de Ralph Henry, en grande partie car il est épris de Janet, la fille de Henry. Celle-ci, au contraire n'aime pas Madvig qu'elle est pourtant prête à utiliser, et elle lui préfère Ed Beaumont, le propre lieutenant de Madvig.
Malgré les objections de ce dernier, sa sur Opal sort avec Taylor Henry, le fils de Ralph Henry, un voyou. Lorsque Taylor est retrouvé assassiné, tout semble accuser Madvig.
Nick Varna, dont Madvig avait précédemment refusé la collaboration, mène une campagne de presse vigoureuse contre Madvig. Apprenant qu'Opal est prête à déclarer que son frère est responsable de la mort de son petit ami, Beaumont intervient avec énergie et affronte le gang de Nick Varna. Il provoque l'arrestation de Janet Henry, accusée d'avoir tué son frère. Ralph Henry avoue alors que c'est lui qui a commis le meurtre au cours d'une violente discussion avec son fils. Madvig s'était tu pour le protéger.
Ed Beaumont est un homme qui passe. Probablement venu de New York, il y reviendra sa mission terminée. L'amitié qui le lit à Paul Madvig, énergique mais beaucoup plus frustre et lourdaud, n'est pas motivée. Peut-être, comme il est dit au détour d'une phrase, Madvig sauva-t-il autrefois la vie de Ed. Quelle qu'en soit la raison, cette amitié est le fil conducteur du film au sein de renversements d'alliances politiques ou de changements du sentiment amoureux toujours possibles.
Heisler se heurte à la difficulté d'adapter le style béhavioriste, comportemental, objectif de Hammett. Le romancier ne dit jamais ce qui se passe dans la tête ou dans le cur de ses personnages : ce qu'ils pensent ou ce qu'ils ressentent, ce à quoi ils croient. Hammett décrit seulement ce qu'ils font et ce qu'ils disent, comment ils s'habillent ou se déplacent. Hammett fonde ainsi une écriture factuelle qui sera repris par l'école des "hard boiled ", les durs à cuir : Raymond Chandler, James Mccain, Horace MacCoy...
Si Heisler peut ainsi typer ses personnages (Madvig changeant de chaussettes sur son bureau), le film, sans recours à la voix off ou à un artifice de construction (flash-back), peut paraître un peu froid.
Et ce d'autant plus que Beaumont, raffiné et intelligent, ne résout pas sa mission par la déduction. Sa méthode est d'intervenir au milieu de ses adversaires et d'attendre qu'ils se contredisent. Ainsi fait-il semblant de se brouiller avec Madvig pour connaître les atouts de Nick Varda et de déchirer la procuration que celui-ci lui tend imprudemment. Ainsi revient-il dans la maison du journaliste de l'Observer pour séduire sa femme devant ses yeux et le contraindre au suicide en détruisant son testament. Ainsi fait-il accuser Janet Taylor pour contraindre son père à avouer être le meurtrier de son fils.
Ed Beaumont, aussi intelligent soit-il, paye ainsi de sa personne et reçoit des coups à n'en plus finir de Jeff, L'homme de main de Varna. C'est cet accouchement douloureux de la vérité ainsi que le dépouillement de la sophistication de Janet lorsqu'elle avoue son amour à Ed qui constituent les moments les plus intenses du film où la psychanalyse affleure dans la litote de l'expression sexuelle : Janet Henry à Ed Beaumont : "Vous me plaisez pour quelques raisons obscures"
Jean-Luc Lacuve le 20/08/2007
Le titre s'explique par le fait que Paul Madvig croit, en soutenant Ralph Henry, avoir obtenu une clé pour entrer chez lui et courtiser sa fille. Ed le prévient qu'il ne s'agit sans doute que d'une clé de verre qui se brisera au moindre accroc.