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The immigrant

2013

Ecouter : la B. O. du film

Compétition officielle Avec : Marion Cotillard (Ewa Cybulski), Joaquin Phoenix (Bruno Weiss), Jeremy Renner (Orlando), Dagmara Dominczyk (Belva), Angela Sarafyan (Magda Cybulski). 1h40.

Janvier 1921, Ewa et Magda, deux sœurs polonaises et catholiques arrivent à Ellis Island. Immigrantes, elles sont à la recherche d'une vie meilleure à New York après avoir fuit la Pologne de l'après Guerre où les Russes ont massacré leurs parents sous leurs yeux. Hélas Magda est mise en quarantaine à cause de sa maladie pulmonaire. Ewa est menacée d'expulsion parce que le capitaine a déclaré des incidents sur le bateau en indiquant qu'elle s'y prostituait.

Bruno, qui prétend être de la Société d'aide aux voyageurs la remarque pour sa beauté et sa maîtrise de l'anglais. Il soudoie un officier pour la laisser partir et l'emmène chez lui. Ewa est mal à l'aise dans le quartier juif et Bruno lui affirme que si elle peut n'être que simple couturière, cela sera insuffisant pour gagner assez d'argent pour soigner Magda et l'empêcher d'être expulsée. Bruno la laisse ainsi danser au théâtre, "le Perchoir du Bandit" où son numéro de danseuses masque à peine la prostitution de celle-ci. Bruno tombe amoureux d'Ewa sans s'apercevoir qu'il ne fait que s'attirer la haine de celle-ci pour l'aider par des moyens que sa morale réprouve. Ewa en butte aux jalousies des autres danseuses et sans argent pour sa sœur, se prostitue

Désespérée, elle part à la recherche de ses parents expatriés vivant à New York. Mais son oncle la livre aux autorités. Il dit avoir entendu dire qu'elle avait eu des ennuis pour avoir eu un comportement illicite à bord du navire en provenance d'Europe, et il se refuse à héberger une prostituée. Les policiers ramènent Ewa à Ellis Island où, une fois de plus, elle est en attente d'être expulsée. Pendant son séjour à Ellis Island, Ewa regarde une performance d'Orlando, un qu'illusionniste qui après sa performance lui tend une rose blanche. Le lendemain matin, Bruno parvient à la faire libérer.

Ewa rencontre à nouveau Orlando Perchoir du Bandit. Il demande à Ewa de monter sur scène pour l'aider dans son tour de lecture de l'esprit, mais les hommes du public commencent à injurier Ewa. La scène se termine par une bagarre entre Bruno et Orlando qui se révèle s'appeler Emil et être le cousin de Bruno.

Après ce scandale Bruno préfère quitter le théâtre avec ses filles que de côtoyer Emil. En plein hiver, Bruno fait défiler ses «colombes» autour de Central Park pour attirer des hommes qui paieront pour coucher avec elle. L'un d'eux entraine Ewa chez elle, payé par Emil qui lui fait part de ses sentiments. Il lui propose de partir avec elle en Californie mais Ewa refuse tant qu'le ne peut partir avec sa sœur. Bruno, qui a pressenti ce rendez-vous clandestin, se précipite chez lui et entre en conflit avec Emil, le menaçant d'un couteau. La police intervient et Bruno est emprisonné.

Emil a renoncé à partir en Californie et se faufile chez Bruno pour voir Ewa. Il promet de lui procurer l'argent pour sauver sa sœur afin qu'ils puissent tous quitter New York. Lorsque Bruno revient, au lieu de s'enfuir comme el souhaite Ewa, Emil entreprend de donner une leçon à Bruno ; Il pointe un pistolet déchargé sur lui et lui ordonne de dire qu'il libère Ewa de son emprise. Emil pousse le calvaire de Bruno jusqu'à appuyer sur la gâchette pour l'effrayer. Mal lui en prend, dans un reflexe désespéré Bruno l'a poignardé à mort en légitime défense.

Surmontant le choc et la détresse de cette mort, Bruno et Ewa jettent le corps d'Emil la nuit dans une décharge ; espérant éloigner l'enquête policière. Mais une autre prostituée avec laquelle Ewa a eu des conflits la dénonce comme meurtrière d'Emil. Bruno tente d'aider Ewa à fuir la police. Rattrapé, il est rué de coups et volé de la grosse somme d'argent qu'il portait sur lui.

Il apprend à Ewa que c'était l'argent qu'il destinait à la libération de sa sœur mais qu'il ne dispose plus désormais de l'argent nécessaire. Ewa supplie sa tante de lui donner de l'argent pour Magda, ce qu'elle fait en cachette de son mari. Avec cela, Bruno paie son contact sur Ellis Island pour libérer la sœur d'Ewa et leur donne les deux billets pour le New Jersey. Ewa et Magda partent, tandis qu'un Bruno meurtri reste à New York avec l'intention de confesser à la police le meurtre d'Emil pour éteindre les poursuites contre Ewa.

Mélodrame où un homme ordinaire, le juif Bruno Weiss, plutôt plus généreux et entreprenant que la moyenne, mais corrompu par la vie newyorkaise, tombe amoureux de la femme qu'il ne fallait pas, la très catholique Ewa. Elle ne fera pas plus de concession que ce qu'exige la libération de sa sœur et partira pour une nouvelle vie alors que Bruno assumera son échec amoureux et la perte de crédibilité dont il jouissait jusqu'alors.

La liberté vue de dos

Le film s'ouvre sur un plan de la statue de la liberté de dos qui, avec un zoom arrière élargissant le cadre, vient saisir en amorce la silhouette d'un homme, debout devant Ellis Island alors qu'un bateau entre dans le port. Ce sera ensuite la longue file des immigrants avec le drame d'Ewa et Magda, l'une passant le contrôle de santé et l'autre non. Une troisième phase de cette première séquence sur Ellis Island montrera le manège de Bruno Weiss, rodant à la recherche de proies dans la fille des immigrantes expulsables afin de sélectionner celles qu'il pourra exploiter dans la troupe au service du speakeasy de sa patronne.

Premier plan du film sur le thème musical élagique composé par Christopher Spelman

Cette très belle, complexe et mystérieuse première séquence, à l'image de celle qui ouvrait La nuit nous appartient, met en place le piège dans lequel va s'enfermer Bruno ; croyant que sa générosité toute intéressée suffira à faire tomber dans ses bras l'incorruptible Ewa. La statue de la liberté newyorkaise n'est ici qu'une liberté sous contraintes et nécessairement corruptrice.

Elle est bien loin de promettre aux personnages une vie heureuse comme il est de coutume depuis le film homonyme, The immigrant, de Chaplin en 1917.

The immigrant (Charles Chaplin, 1917)

Un amour impossible

Bruno, après un accès de colère quand Ewa refuse un premier baiser, espère, qu'en s'abaissant pour obtenir l'argent nécessaire à la guérison de sa sœur, Ewa se raccrochera à lui. Il ne comprend son erreur que lors de la fameuse scène du confessionnal. Filmée en plongée sous une lumière mordorée, Ewa assume sa position de martyre et Bruno est renvoyé à celle de bourreau. Comprenant l'inaltérable pureté d'Ewa que rien ne peut corrompre, il décide alors de l'aider àpartir. Ce qu'il fait trop tard pour déclencher chez Ewa autre chose que le sentiment d'un amour gâché. Elle l'enlace alors qu'il est roué de coups et plus misérable qu'elle mais l'abandonne pour retrouver sa sœur.

Le film reste ambigu sur le personnage d'Orlando. Sa légèreté et la promesse d'un ailleurs font rêver Ewa. On le voit pourtant mal devenu riche d'un coup, ou plutôt en deux nuits de chance au jeu comme il le raconte. Individualiste, il doit son travail à Ellis Island à Bruno. Il est ainsi tout aussi probable qu'il se soit simplement fâché avec le directeur de sa troupe et compte sur son charme pour convaincre Ewa. Bruno qui le connait bien avertit Ewa : le magicien trompe son monde. Ewa accepte la rose blanche et l'écharpe d'Orlando. Mais, elle n'a qu'un but : partir avec sa sœur et se marier. C'est vers cette vie qu'elle vogue.

Ewa dans le dernier plan, magnifique, part ainsi pour une liberté fragile mais pure dans son petit bateau, alors que l'autre partie de l'écran, où s'est formé un subtil slip screen, montre Bruno, s'éloignant, assumant son enfermement dans New York.

Mise en scène d'un split screen symbolique :
Bruno s'approche de la fenêtre et de la glace de l'armoire. La caméra s'éloigne en zoomant sur la fenêtre et la glace pour un split-screen symbolique : chacun des personnages est renvoyé à son destin

Jean-Luc Lacuve, le 14 mai 2020 (texte du 01/12/2013 revu)

 

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