Le film s'ouvre sur une série de chèques signés pour faire un film (acteurs, techniciens, laboratoire...). Deux voix off, l'une féminine, l'autre masculine expliquent que pour faire un film, il faut de l'argent et que pour avoir de l'argent, il faut des stars. Et pour avoir des stars, il faut une histoire; une histoire d'amour en général. Yves Montand (lui, Jacques) et Jane Fonda (elle, Susan Dewitt) se promènent sur des bords de Seine déserts: Elle lui demande : " Tu m'aimes ?" "Oui, j'aime tes yeux, j aime ta bouche, j'aime tes genoux, j'aime ton cul, j'aime tes cheveux, j'aime tes mains". "-Alors tu m'aimes totalement ?". "- Oui et toi ?". "-J'aime ton front et j'aime tes jambes et j'aime tes couilles et j'aime tes épaules et j'aime ta bouche". "- Tu m'aimes totalement alors ? " oui, totalement"
Les voix off explique que le film doit entre précisément situé, dans une France avec des paysans, des citadins, des bourgeois, petits et grands. A la télévision, Léon Zitrone présente les désaccords entre Pompidou et Jean-Jacques Servan-Schreiber.
Jacques fait des films publicitaires. Il cherche une mannequin qui laissera parcourir ses fesses par son amant rasé avec les rasoirs Remington. Susan est journaliste pour une radio américaine, American Broadcasting System. Elle a demandé à son mari de l'accompagner dans une usine de charcuterie industrielle, Salumi, sans savoir qu'elle est occupée par ses ouvriers. Elle devait interviewer le patron, Marco Guidotti, dans le cadre d'une enquête sur le patronat français. Celui-ci lui explique alors qu'un « petit débrayage » était prévu par la CGT. Mais des ouvriers extérieurs à ce syndicat ont pris le pouvoir et bloqué totalement l'usine.
"Salumi, si tu continues, la classe ouvrière te bottera le cul" chantent les ouvriers à leur patron à la tête de l'usine depuis septembre 67 mais qui n'avait jusqu'alors jamais été "contaminé "par Mai 1968". pour lui , les meneurs relèvent de la psychiatrie. ce sont des inadaptés qui s'expriment par des coups. Il n'y a plus de lutte de classe mais une collaboration de classe qui concourt à une prospérité inégalée, au progrès matériel permanent. Il y a certes déshumanisation et pour certains une accumulation de jouissances qui conduit à l'écœurement. Mais cette révolte n'est qu'un feu de paille : tout va bientôt rentrer dans l'ordre.
Le délégué CGT, union syndicale pour des négociations, pas de négociation sous la menace et prétexte à son intransigeance; industrie se concentre 173 accords de fusion ou d'absorption ont été signées. Cinq géants contrôlent 25 % du marché. Se mettre à l'échelle européenne. Depuis 10 ans productivité en hausse de 66%, profits en hausse de 25% mais pas les salaires, malgré mai 68, le taux horaire moyen dans la branche de l'agroalimentaire est de 4,80 francs de l'heure. Une stratégie globale pour faire plier les patrons. Sortir de la domination du grand capital monopoliste, action politique
Frédéric, le gauchiste, explique que le mouvement est né de la correction infligée à deux petits chefs qui les emmerdaient depuis deux mois et faisaient sauter leurs primes. Il explique que à chaque incident sur la chaîne, c'est l'ouvrier qui est responsable avec une retenue de 10 % sur la prime. La CGT, c'est toujours comme si l'ouvrier devait se battre contre des fantômes. Le syndicat ne parle qu'avec des chiffres avec des tracts aussi "imbitable" que les discours de VGE. "Les chiffres ça empêche d'agir plus qu'autre chose ; Mao ça faisait peur à tout le monde. Maintenant ça fait rire". "Au moins on aura rigolé un peu" se console-t-il.
Le patron a envie de pisser. Les ouvriers lui imposent de se plier aux mêmes règles qu'eux : trois minutes pour atteindre des toilettes dégueulasses et faire face à leur occupation éventuelle. A bout, le patron casse une fenêtre de son bureau pour pisser.
Par la suite, Susan interroge ces ouvriers qui expliquent combien les conditions de travail et les rapports de classe sont durs dans l'usine. Georgette parle avec une voix toute douce de la chaîne et des caresses des petits chefs qui sont "ensuite avec toi comme des chiens si t'as pas fait semblant de marcher" et des blagues salaces des collègues. Elle parle de la crèche, des repas à préparer, des enfants à aller chercher à la maternelle, de la peur d'avoir un enfant au lit le soir. Les médecins qui font peur avec la pilule. Sa collègue lui repproche sa petite voix. Il faut parler fort parce qu'autrement c'est mou; ça donne pas envie de se battre . Chanson gauchiste 'Monsieur le patron, cette fois ça ira mal pour toi"
Après une journée et une nuit, Susan et jacques sont libérés. On leur explique les conditions de travail : "surtout il y a l'odeur"; "le transport des viandes c'est lourd", les gestes répétitifs du poussage. La cadence empêche de penser à autre chose. Parler comme la CGT, non les chefs mais aussi parler des faits nouveaux faut pas se contenter de faits vrais comme si le journaliste découvrait, savait même pas que ça existe, alors il s'apitoie, il pleurerait presque mais il arrive jamais à monter la lutte et à montrer comme les choses changent, comme l'ouvrier est content alors et pas sinistre comme on le montre d'habitude.
Apres cinq jours, la radio apprend que les forces de l'ordre ont évacué l'usine. Jacques retourne à son travail. Il réalise une publicité pour les collants Dim. Il explique qu'il était cinéaste, mais, après mai 68, il s'est rendu compte qu'on ne pouvait plus faire de films comme avant, c'est-à-dire comme si mai 68 n'avait pas existé. Confronté à cette impossibilité de continuer à faire des films, il a décidé pour gagner sa vie de devenir réalisateur de films publicitaires. Il n'avait pas envie d'adapter un roman de David Goodis. Aujourd'hui, il pense à un film politique amorcé il y a trois ans, à préface pour Mahogany de Brecht.
Susan essaye de faire un sujet sur l'occupation de l'usine à laquelle elle a assisté mais n'y arrive pas. Elle explique, qu'en France depuis trois ans et demi, elle était journaliste culturelle avant mai 68 mais qu'elle est passée à des sujets plus sociaux avec les événements, ce qui lui convient mieux. Grâce aux relations de Jacques, elle a pu faire des portraits de Cohn-Bendit et Geismar. Elle est devenue, spécialiste du gauchisme mais après, ses sujets sociaux n'ont plus intéressé. Ce qui est difficile pour elle c'est que dans la radio pour laquelle elle travaille tous les articles ont l'air d'être dits de la même voix, et que cette voix ne convient pas pour raconter ce qu'elle a vu dans l'usine.
Le matin au petit déjeuner le couple s'engueule. Susan conclut que l'intimité sexuelle de leur début ne suffit plus : il faut penser plus largement leur histoire, en lien avec le social.
Sur les lieux de tournage de son film publicitaire, Jacques repense à son attitude dans l'usine occupée et se décide, faute de mieux, à reprendre son travail de cinéaste et son attitude d'intellectuel engagé. Revenu au bureau, il reçoit un appel de Susan. Il préfère rester travailler que de l'accompagner au supermarché. Chacun d'eux doit compter sur ses propres forces pour avancer.
Dans le supermarché carrefour, Susan prend des notes. Elle aimerait ne pas parler de transformation urbaine mais plus concrètement des gens qui achètent dans ce supermarché générant 700 MF de CA par jour où personne ne parle à personne. Au milieu de rayons, un militant, CGT fait la promotion d'un livre où il s'agit de changer de cap avec le PCF : 4,75 Francs au lieu de 5,50. Des militants gauchistes le prennent à partie ; "Au lieu de vendre votre bouquin comme des légumes, expliquez votre politique"; ce dont il est incapable. Les gauchistes remplissent alors les chariots des consommateurs et les dirigent vers la sortie au cris de "c'est gratuit". Les CRS interviennent et sont pris à partie : "fascistes"," assassins".
De retour à Paris dans un café, les voix off reprennent leur dialogue :"Et voila tous les films ont une fin : il y a elle ou lui qui dit "J'ai eu peur que tu ne reviennes pas". Et puis il y a lui ou elle qui dit :"Tu as eu raison d'avoir peur". Oui, il y a des films où le spectateur quitte la salle en disant : lui et elle sortent d'une crise sans doute pour entrer dans une autre et que ça c'est la vie. Mais dans ce film on les laisse, lui et elle, en train de se regarder et on dira simplement que, lui et elle, ils ont commencé à se penser historiquement. Puisse chacun être son propre historien, alors il vivra avec plus de soin et d'exigence : moi toi, lui, elle, nous, vous. Les voix off disent "Moi France 1972" sur un travelling de paysage urbain désolé en plein hiver en alternance avec "Il y a du soleil sur la France" de Stone et Charden.
Le carton final « Ce film est un conte destiné à ceux qui n’en tiennent aucun » est un jeu de mot où histoire et argent sont considérés comme des contingences nécessaires à la réalisation d'un film qui n'aura de valeur que s'il propose une forme nouvelle, adapté à ce qu'il décrit: ici une façon ludique de faire face au reflux de mai 1968 et donc d'abandonner un cinéma purement militant devenu inadapté.
Les histoires d'amour se pensent mal en général
En s'ouvrant par un chéquier le film montre la contrepartie nécessaire du cinéma, l’argent. Après les échecs répétés du groupe Dziga Vertov pour faire diffuser par les télévisions les films que celles-ci leur ont commandés et payés, Godard et Gorin décident de revenir au film cinéma. Ce sera Tout va bien. Ils comptent sur des stars pour obtenir des financements. Jane Fonda et Yves Montand sont choisis pour leurs positions politiques. Jane Fonda s'était engagée contre la guerre américaine au Vietnam. En contrepartie de l'emploi des stars, il faut pour qu'elles acceptent de jouer une histoire et une histoire d'amour en général. d'ou aussi une allusion transparente au debout du Mépris avec ses questions sur les parties du corps aimées et sa formule "je t'aime tendrement, totalement tragiquement. Si l'amour se dit total, il n'est toutefois ni tendre ni tragique. Il s'agit en effet de compter et de penser
Nécessiter d'élargir le cadre de la relation amoureuse, de l'intimité sexuelle à l'environnement social. Jacques dit qu'il finit par se demander ce qu'ils font ensemble. Susan lui dit plutôt de commencer à penser. jacques reprend : "Je commence à me demander ce qu'on fait ensemble : on se retrouve, on va au cinéma, on bouffe on baise, c'est tout ou à peu près. J'oubliais : tous les deux ou trois mois, on s'engueule. Et j'ajoute que j'en ai marre. Susan réplique Je suis d'accord avec tes rubriques "cinéma, bouffe baise". Mais pour penser ton insatisfaction, tu dois penser ce qu'il y a autour de ces rubriques. On ne peut pas penser la sexualité en soi. Ta question "qu'est-ce qu'on fout ensemble", c'est avoir une seule image dans la tête (photo: la main d'une femme sur la queue d'un mec). Colle-la toi sur la tête et pense que sans doute, cela te satisfait moins qu'il y a trois ans. Moi aussi j'ai cette image dans la tête mais j'ai besoin aujourd'hui d'une image de lui au travail. Faire le point sur cette honnêteté (faire de la pub plus que des films);
Le rôle de l'intellectuel engagé
En juin 1971, Le congrès d'Épinay permet à François Mitterrand, nouvel adhérent du Parti socialiste, d'en devenir le premier secrétaire et d'en prendre le contrôle, sur une ligne qui aboutit, un an plus tard au Programme commun de gouvernement d'union de la gauche entre le PS, le PCF et le MRG. Il est alors le candidat naturel à la prochaine élection présidentielle de 1974 et va gagner les législatives de 1973.
Concomitamment les multiples fractions gauchistes sont en cours d’éclatement. Le 25 février 1972, le militant maoïste Pierre Overney est abattu par un vigile de l’usine Renault. Son enterrement est la dernière grande manifestation gauchiste. Mais le 8 mars, l'enlèvement de Robert Nogrette, chef-adjoint chargé des relations sociales à Billancourt, libéré deux jours plus tard, est condamné par le PS et le PC. Tout va bien semble ainsi prendre acte de la fin du gauchisme et d'une forme de purisme révolutionnaire aussi bien social qu'artistique.
Le film s'interroge sur le rôle que les intellectuels peuvent jouer dans le processus révolutionnaire et sur comment mettre ses propres pratiques d'artiste en question pour les révolutionner.
Dans un premier temps, Jacques s'est dit satisfait de tourner des publicités , « oui, une activité débile et passablement dégueulasse », mécanique professionnelle qui lui permet de continuer à faire ce qu’il aime ; mais en repensant à l'usine occupée; il retrouve la flamme du changement avec les ouvriers dont il a constaté le bonheur de faire des trucs nouveaux : "Ce qu'ils faisaient c'était le produit de mai 68. C'est aujourd'hui en 1972, quatre ans après que je vois les choses clairement : la volonté de lutte des uns et les pantalonnades des autres. Les pantalonades c'est le membre du parti communsiqte qui suit la ligne du parti :"C'est le parti qui le dit à quel point convergent les activités de la police gaulliste et celle des groupes Geismar".
Pour moi ce qui a commencé à poser un problème, c'est quand j'ai refusé de continuer à faire le même boulot mon boulot habituel intellectuel progressiste : une petite signature pour le Brésil et le Vietnam, une petite visite aux grévistes de la faim, un petit quart d'heure de présence dans un meeting à la mutualité. Je me suis éloigné du PC d'accord mais sans voir que je transposais dans le gauchisme une façon d'agir et de penser mon rôle d'intellectuel que j'avais apprise au PC. Mon boulot, c'est faire des films, trouver des formes nouvelles pour un contenu nouveau
Il s'appelle Gilles il est né le 19 avril 1951. Il est élève d 1ère C au lycée Thiers, mort le 10 juin. Continuer la lutte de classe
Dunkerque, Hénin-Liétard, Vallourec, Béziers, Faulquemont, Nanterre, Ferodo, Valentine, Nantes-Batignolles... Palais des sports, Peugeot-Montbéliard, affaire Guyot, Pennaroya, Berliet-Montplaisir, Le Mans, prison de Toul, Renault-Billancourt
Se penser historiquement, d'une part chanter avec Stone et Charden : Il y a du soleil sur la France " et ne penser à rien d'autre et, d'autre part demander à réfléchir avec l'autre et non plus avec
L’avantage de l’histoire, qu’elle soit celle de l’amour, des luttes ou du cinéma, c’est qu’elle nous laisse le choix.Les aspirations aux mieux entre des ouvriers, brimés par les petits chefs, les syndicats et le patronat
Une forme nouvelle
Donner à chacun sa chance; discours très documenté du syndicaliste, patron joyeusement cynique, ouvriers inventifs et réjouissants. Slipt-screen avec l'usine sans quatrième mur décor de studio où l'on voit toutes les pièces en même temps et travelling de dix minutes dans le supermarché. Travelling gauche droite puis droite gauche deux fois 10'; les farces faites au patron quia envie d'aller pisser; Jane Fonda et Yves Montant qui qui interprent eux mêmes l'ouvrière et l'ouvrier dont on leur decrit la dureté du travail. le fait de chosir sa voix pour parler de ce qu'on vit. Intrusion du souvenir du conflit de Flins en pleine campagne avec. le meurtre de Gilles Toutain, l'élève de 1ere.