Les Rolling Stones, phénomène social et culturel, enregistrent Sympathy for the Devil, pour leur futur album Beggar's Banquet. Of, une lecture d'un roman politico-pornographique. Les Black Panthers fusillent des femmes blanches en lisant les pensées des principaux leaders Noirs. Iain Quarrier lit Mein Kampf dans son sex-shop tandis que les acheteurs giflent deux pacifistes pro FLN et anti-Vietnam.
Dans Londres, Eve Democracy peint des slogans est interrogée par des journalistes. Sur la plage, lieu d'un tournage, un noir et le metteur en scène tentent d'aider Eve Democracy, abattue par un fasciste. Son corps drapé d'un voile blanc maculé de sang est placé sur le bras élévateur d'une caméra entre un drapeau rouge et un drapeau noir.
One + One c'est Godard plus les Stones. Le film monte en parallèle des séquences de répétition des Stones et des séquences ou les Black Panthers énoncent des textes révolutionnaires. La musique des Stones relève du blues. D'un blues blanchi par l'Angleterre. D'où l'intérêt de mettre en vis à vis "blues people" de LeRoi Jones sur la dégénérescence de la musique noire. Cette musique sans artifice des origines devient une musique laborieusement acquise par les blancs.
One+one une équation en marche qui, comme les luttes politiques, cherche à s'étendre plus qu'à se résoudre. Le 29 décembre au National film theater, Godard frappe son producteur. Celui-ci avait remonté le film pour faire écouter le titre Sympathy for the devil en entier. Or une chanson en entier c'est une chanson avec une fin. Iain Quarrier, qui (fonction prémonitoire ?) interprète le vendeur fasciste de revues porno, la fait même entendre deux fois puisqu'il modifie la fin du film en enchaînant sur le mouvement de caméra qui emporte Eve Democacy sur une grue de cinéma entre un drapeau rouge et un drapeau noir, une succession d'images arrêtées avec des filtres de couleur. Cela lui permet ainsi de faire entendre une deuxième fois en entier Sympathy for the devil.
Du coup, il transforme en afféterie pop, bien de l'époque, ce qui se voulait un pur mouvement symbolique sans effet dramatique. La version de 68, appelée par Iain Quarrier Sympathy for the devil comporte aussi deux autres changements, plus mineurs : le logo "Cupid production" au début et la suppression de quelques phrase de la nouvelle politico-pornograhique de Godard alors que Brian Jones est de dos.
Le film est illustré de dix cartons peints : The stones rolling, Outside black novel, Sight and sound, All about Eve, Hi Fiction Science, The heart of occident, 1 plus 1 makes 2, Inside black syntax, Changes in society, Under the Stones the beach.
La scène avec Eve Democracy, All about Eve, rappelle quelques thèmes chers à Godard. Eve est plus pure encore que, Ophelie ou Cordelia (prénom sur lesquels l'interroge aussi les journalistes), elle est née à Budapest. Critique de la collusion entre la politique et les média "l'Amérique au Vietnam, c'est la guerre pour la télévision en couleur " mais surtout :
Critique contre la culture et les intellectuels :
Apologie de la drogue et du sexe :
La musique a été pervertie mais la drogue et le sexe probablement aussi sous la forme des journaux pornographiques ou du roman assez explicite lu par le narrateur : "D'avant en arrière, sa puissante queue investissait le con détendu. Leurs culs se déhanchaient sous les coups de la queue de Brejnev...".
Plus légers, les jeux de mots de Eve Democraty : croiser verticalement MAO et Art (sur une voiture) Marx et seX (sur une affiche), horizontalement FreuDemocraty (sur le parapet de la Tamise), cineMarxisme (sur un mur) vietcong puis sovietcong (sur un portail), " F.B.I. + C.I.A. = T.W.A. + Pan Am".
Analyse lucide des dissensions des groupes révolutionnaires celles au sein des Black Panthers sont comme celles entre Staline et Mao entre les bolcheviks et mencheviks. Qui prendra la tête de la révolution, le noir ou l'ouvrier blanc. Scission entre les intégrationnistes (les romantiques pour qui parler conduira à la révolte), les africanistes, les réalistes et détestation commune des progressistes.
Jean-Luc Lacuve, le 28/04/2008