Le lit de la vierge

Le lit de la vierge Marie avance sur l'eau. Jésus monte à bord, désespéré. Tout va mal. Mais Marie le réconforte en lui lisant le journal, des fugitifs est-allemands ont été arrêtés par la police ou tués alors qu’ils franchissaient le mur. Jésus, en colère, demande à son père de redescendre sur terre. Marie le réprimande de parler aussi mal, lui chante une berceuse et l'encourage à aller dans le monde prêcher. Jésus ne sait comment parler aux hommes. Marie lui donne un haut-parleur.

Jésus arrive à Jérusalem sur un âne. Il est poursuivi par quatre cavaliers qui l’injurient. IL s’arrête prendre des fruits tendus par une femme et est de nouveau poursuivi par les cavaliers. L’un d’eux le fait tomber à terre, dans un ruisseau

Le Lit de la vierge, réalisé en 1969, est le quatrième long métrage de Philippe Garrel, alors âgé de 21 ans. Il est produit par le groupe Zanzibar, c’est-à-dire entièrement financé par un mécène, Sylvina Boissonnas. Cette dernière permet à Garrel de filmer en totale liberté. Dans l’effervescence pré-68, le groupe Zanzibar (mot découvert dans un poème de Rimbaud) se forme au Festival du jeune cinéma à Hyères, autour de Philippe Garrel, Bernadette Lafont et la monteuse Jackie Raynal. Zanzibar, laboratoire de création cinématographique, picturale, musicale, est empreint des préoccupations de l’époque : l’ésotérisme, l’érotisme, la révolution situationniste, l’antipsychiatrie et Artaud.

Pierre Clémenti, Daniel Pommereule, Jean-Pierre Kalfon incarnent les nouveaux dandys aux cheveux longs, tandis que Garrel, athée, s’intéresse à la symbolique chrétienne et revisite, de Marie pour mémoire au Lit de la vierge, les personnages évangéliques. La première égérie de Garrel se nomme Zouzou, elle a joué dans trois de ses films et interprète la mère du Christ dans Le Lit de la vierge, mais aussi Marie-Madeleine.

Le Lit de la vierge propose une parabole autour de la Vierge Marie et de Jésus Christ, tournée en scope noir et blanc en Bretagne, en Italie et au Maroc. Garrel enregistre l’errance de Pierre Clémenti en Christ douloureux, dans un univers hostile et désertique. Le film est composé de longs plans-séquences qui évoquent à la fois les stations du chemin de croix et les expérimentations formelles de Warhol et Godard. Dans ce magnifique poème sur la sainteté impossible, Philippe Garrel exprime à sa façon les désillusions de l’après 68 et la violence de la répression policière.