1776, Albany, dans l'État de New-York, on célèbre le mariage de Gilbert Martin et de Lana. Aussitôt après la cérémonie, les époux partent en chariot vers l'Ouest, vers le pays de Gil, la vallée des Mohawks à Deerfield, où il a bâti sa maison. C'est en réalité une cabane en ruine qui déçoit profondément Lana dès qu'elle l'aperçoit. A peine remise de sa déception, elle est terrifiée par l'apparition de Blue Back, un indien catholique ami de son mari. Ces émotions s'ajoutent aux fatigues du voyage et la pousse à vouloir rentrer immédiatement chez elle.
Mais une fois ce moment de découragement passé, elle se livre avec énergie aux travaux des champs. Son mari la présente à ses amis les plus proches, ceux du fort sur les plaines de German. Le vieux général Nicholas Herkimer prépare les hommes, bons enfants, à la guerre avec l'Angleterre, devenue inévitable et avec les amérindiens dont on ne sait quel camp ils choisiront tant les promesses des Tories anglais sont spécieuses.
Bientôt Lana attend un enfant. Selon la coutume du pays, les gens du voisinage viennent défricher la terre et couper des arbres pour le couple nouvellement arrivé. Poussés par le borgne Cadwell à la solde des Anglais, les Indiens font un raid dans la région, incendient les fermes et se livrent au pillage. La maison et la récolte sont brûlées. L'enfant de Lana n'a pas vécu. C'est au tour de Gil d'être complètement découragé.
Ayant tout perdu, les deux époux se placent comme domestiques chez Mrs McKlennar, veuve d'un général et encore très vigoureuse malgré son grand âge. Les Martin ont une petite maison pour eux deux. A l'église, le pasteur, après son sermon, lit des annonces d'intérêt général et exhorte les fidèles à aller combattre contre les Anglais. Gil va partir à la guerre. Du haut d'une colline, Lana regarde s'éloigner son régiment.
Plus tard sous la pluie et dans la nuit, les soldats reviennent en piteux état. Avec sa lanterne, Lana recherche son mari et le trouve, blessé à l'écart de la route. Pendant qu'on le soigne, il fait le récit interminable de la guerre. Lana dormira à coté de lui à même le sol. Le lendemain, on emporte le cercueil du général Herkimer qu'il fallait amputer et qui n'a pas survécu à l'opération.
Gil se meurt d'angoisse pendant que sa femme accouche. Il sera éperdu de bonheur en tenant dans ses bras son premier né. Plus tard, alors que Gil berce l'enfant, Lana murmure : "Mon Dieu, faites que cela dure toute la vie ".
1781. Nouveau raid indien, la veuve meurt et lègue sa ferme aux Martin. Il faut aller chercher des secours à Dayton. C'est le trappeur Joe Boleo qui effectue une première tentative mais il est pris par les indiens. Le pasteur doit le tuer d'un coup de carabine pour éviter qu'il ne soit brulé vif par les amérindiens devant le fort. Gil effectue une tentative à son tour. En courant toute la nuit, poursuivi de près par trois indiens, il parvient jusqu'à Dayton. Les soldats arrivent in extremis pour sauver quelques hommes et les femmes retranchées dans l'église. Les fermiers ont gagné et Blue Back arbore fièrement le bandeau de Cadwell qui ne pourra plus nuire.
La guerre d'indépendance a pris fin, Corwallis s'est rendu à Washington à Yorktown la semaine passée. On hisse au sommet du fort le nouveau drapeau américain : 13 bandes pour les colonies et 13 étoiles en cercle pour l'Union. "Il faut se remettre au travail. Il y a tant à faire" dit Gil à Lana qui acquiesce.
Premier film de Ford en couleur, Sur la piste des Mohawks alterne scènes de guerre (incendie de la maison, pillage, départ puis retour de l'armée, siège du fort, course pour chercher du secours) et scènes de bonheur familial (travaux des champs, solidarité dans le défrichage, naissance de l'enfant). C'est bien la préservation de ce bonheur, symbole des aspirations de la nation américaine qui se construit, qui justifie d'entreprendre la guerre contre les Anglais.
Comme dans la très grande majorité des films portant ce sujet, l'affrontement avec la nation d'origine n'est pourtant pas montré. Ce sont les indiens qui sont aux premières loges, manipulés par Cadwell. La guerre reste hors champ, décrite dans toute son horreur par cet unique plan de Gil en racontant la fin à Lana. Un plan de 3' vient saisir Henry Fonda avec un léger panoramique circulaire. Le plan est interrompu par la préparation de l'opération par le général puis est repris pendant 1'30. Ce plan interminable (4'30) que Ford coupe sans doute pour éviter de le faire apparaitre comme une performance esthétique est à la hauteur de la tragédie : sur les 600 soldats partis au combat, seuls 240 restèrent en vie.
Jean-Luc Lacuve le 21/08/2014
Notes :
Les Mohawks (dénommés également Agniers) sont l'une des six grandes nations iroquoises, qui sont, d’est en ouest : les Tuscaroras, Sénécas, Onneiouts, Onondagas, Cayugas et Mohawks. Ces derniers ont donné leur nom à la rivière de l'État de New-York. Longue d'environ 230 km, elle prend sa source dans le Comté de Oneida et se dirige vers le sud-est. Elle se jette dans l'Hudson près d'Albany. Elle traverse les villes de Schenectady, Amsterdam, Utica, et Rome. Conjointement avec la Canal Érié, la Mohawk relie l'Hudson et le port de New York aux Grands Lacs.
Dans le passé, la rivière a été largement utilisée pour le transport des marchandises, des immigrants entre les hauteurs de l'Allegheny et des Adirondacks. Sa vallée fertile a attiré les premiers colons, et a été le théâtre de nombreuses batailles durant la Guerre de Sept Ans et la Guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique. Le surintendant des Indiens, sir William Johnson, épouse une Mohawk, Mary Brant, et utilise des guerriers mohawks dans le dernier conflit entre Français et Anglais pour s'approprier le continent. Johnson meurt avant le début de la guerre de l'Indépendance américaine, à laquelle les Mohawks participent en 1777, sous le commandement de Joseph Brant, tout juste rentré d'Angleterre. Brant et ses alliés mohawks infligent souvent la défaite aux Américains, mais ils sont finalement forcés d'abandonner leurs maisons. Celles-ci sont confisquées et utilisées par les colons rebelles.