Shiraz, ancienne capitale de la Perse, à 900 kilomère au sud de Téhéran. Rahim est en prison depuis deux mois à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Il bénéficie d'une permission de deux jours et va retrouver son beau-frère sur le chantier de rénovation des tombes royales. Il lui affirme avoir les 75 000 tomans qui lui permettront de rembourser partiellement son créancier afin qu’il lève sa plainte; ce qui lui évitera de retourner en prison. Ils doivent se retrouver un peu plus tard chez le créancier, Braham. Un peu septique son beau-frère lui prête sa voiture et Rahim rejoint alors Farkhondeh, la femme qu'il aime et qui a trouvé un sac plein de 17 pièces d'or qu’ils tentent de vendre dans une échoppe spécialisée.
Mais le cours de l'or a baissé et Rahim préfère attendre pour vendre que Braham soit bien disposé. Or Braham refuse de retirer sa plainte tant que les chèques de caution pour le reste de la dette ne lui parviennent pas du beau-frère. Or, manque de chance, celui-ci est à cours de chéquier. Rahim décide alors de changer de stratégie et de rendre le sac à sa propriétaire en ménageant une mise en scène qui pourrait tourner à son profit...
Le film pourrait ressembler au Voleur de bicyclette (1948) où un homme obtient un emploi inespéré avant de le perdre parce qu'on lui a volé son vélo alors qu'en compagnie de son fils il a écumé la ville en vain pour le retrouver. De Sica frappait son personnage d'un seul coup du sort pour lui faire parcourir ensuite divers strates de la société italienne. Farhadi construit en revanche une petite mécanique de coups du sort qui se retournent contre son personnage pour l’acculer à l'échec.
Il y a un certain sadisme à s'acharner ainsi sur un personnage qui ne fait qu'enjoliver un peu la réalité : la machine à calculer fonctionne mais pas le stylo; ce n'est pas lui qui a trouvé le sac mais celle qui l'aime mais c'est bien lui qui a pris la décision de rendre le sac. La somme pour monter son entreprise n'était pas un prêt bancaire mais obtenue auprès d'un usurier. Malchance que le beau-frère n'ait pas de chéquier, que la propriétaire soit une femme qui souhaite conserver l'anonymat car son mari doit ignorer qu'elle a une petite fortune personnelle lui permettant de faire face aux coups du sort. La malchance veut aussi que Rahim soit calligraphe, un métier en voie de disparition, d'où pour rembourser sa dette la nécessité d’un revenu régulier de fonctionnaire à la préfecture. Or, re-malchance, le chef de bureau de celle-ci est particulièrement précautionneux.
Le film donne ainsi la pénible impression d'être pris en otage devant les souffrances sans cesse infligées à son personnage principal. Reste les rôles du fils bègue et de Braham, le créancier lucide. Celui-ci en veut à Rahim d'avoir, non seulement ruiné sa sœur, mais aussi dû sacrifier la dote de sa fille pour faire face à son obligation de garant du prêt. La somme est exorbitante : 300 000 tomans. La fille de Braham est ainsi probablement la dénonciatrice auprès du chef de bureau. D'un côté la niaiserie, de l'autre la haine et,au milieu, les sacrifiés, l'enfant et l'amoureuse. Décidément, Asghar Farhad est le cinéaste de la souffrance continue.
Jean-Luc Lacuve, le 28 décembre 2021.