1928

Appelé par son ami Roderick Usher, qu'inquiète la santé fragile de sa femme, un vieil homme, Allan, se rend à la demeure de son compagnon, un lugubre manoir perdu en pleine campagne, au milieu des étangs et des fondrières. Le lieu a mauvaise réputation dans la région et le voyageur aura du mal à trouver une carriole qui veuille l'y conduire.

Le maître de céans l'accueille. Il vit là dans une étrange réclusion avec sa femme, Lady Madeline, et un docteur attaché en permanence à sa personne. Comme ses ancêtres, Roderick peint avec acharnement. Son unique modèle est son épouse, que les séances de pose épuisent. On dirait que la vie s'échappe d'elle pour se communiquer au tableau : « C'est là qu'elle est vivante ! », s'écrie Roderick, émerveillé. Allan s'efforce de le calmer, mais en vain. Dépité, il s'éloigne de cette ambiance délétère pour quelques heures. Sur ces entrefaites, Madeline, épuisée, s'effondre au pied du tableau. Roderick, en proie à une sorte d'hallucination, continue de peindre. Allan, qui est de retour, le ramène à la réalité : sa femme est morte ! Le fait est confirmé par le docteur, mais Roderick nie l'évidence. Persuadé qu'elle n'est qu'endormie, il s'oppose à ce que l'on cloue le cercueil où est déposé le cadavre de sa bien-aimée. Il faudra s'y résoudre cependant, et on enterrera la défunte dans la crypte du parc.

Dès lors, les jours vont s'écouler à Usher dans une effrayante monotonie. Roderick joue de la guitare, mais ses nerfs sont à vifs. Par une nuit d'orage, il croit entendre la voix de Madeline. Tandis qu'Allan est plongé dans la lecture d'un vieux grimoire, il s'élance comme un fou dans le parc : Madeline, en robe blanche de mariée flottant au vent, lui tend les bras... Il la rejoint dans un élan d'effusion éperdu, tandis que la foudre s'abat sur le manoir, qui est bientôt la proie des flammes. Allan et l'unique domestique se sont enfuis à temps. Quant au couple, enlacé, il regarde s'effondrer la maison Usher...

Le scénario qu'Epstein "tire d'après les motifs d'Edgar Poe" comme il le précise, s'inspire pour l'essentiel de deux contes : celui qui donne son titre au film et Le portrait ovale. Celui-ci est exploité dans la première partie du film tandis que celui-là fournit la structure générale du scenario et celle de la seconde partie

Le portrait ovale est une métaphore de l'obsessin vampirique par l'absorption progressive du modèle par la toile peinte : "Les couleurs quil étirait sur la toile étaient tirées des joues de celle qui était assise près de lui" écrit Poe. La première partie du film s'attache à peindre cette obsession jusqu'à son accomplissement : l'achèvement du tableau et la mort de Madeline (Dans la nouvelle de Poe, Roderick et Madeline sont frère et soeur). La seconde partie prend la forme d'une méditation onirique sur le temps et son dérèglement, qui conduit au terme d'un long crescendo visuel, à la destruction de la maison Usher, lieu hanté et maudit.

Epstein réalise son film de février à mai 1928. Pour les extérieurs, tournés de nuit, il choisit la Sologne et la Bretagne. Les scènes d'intérieur qui constituent la plus grande partie du film, sont filmées aux studios Menchen et Eclair d'Epinay-sur-Seine dans des décors conçus par Pierre Kéfer.

Epstein n'a que trente ans mais il est bien conscient d'être à une étape clé de sa carrière. Son entreprise de production est un échec commercial et il sait que la chute est probablement le dernier film qu'il va réaliser en toute indépendance. Il sait également que le cinéma est à un tournant décisif de son histoire, avec le passage au parlant qui s'annonce imminent. Quelques semaines après l'avoir achevé, il entreprendra un projet tout différent, sans scénario écrit, sans acteurs professionnels sans décors de studio :  Finis Terrae. Il n'assistera même pas à la première de la Chute le 4 octobre 1928, au studio 28, trop occupé à achever le tournage de son nouveau film à Ouessant.

Test du DVD

Editeurs : Potemkine et Agnès B. Juin 2014. Coffret 8 DVD. 100€

 

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Avec : Jean Debucourt (Sir Roderick Usher), Marguerite Gance (Madeline Usher), Charles Lamy (Allan), Fournez-Goffard (le médecin). 1h01.
La chute de la maison Usher
Genre : Fantastique
DVD
Thème : Peintre au cinéma