Invictus

2009

Genre : Drame social

Avec : Morgan Freeman (Nelson Mandela), Matt Damon (Francois Pienaar), Langley Kirkwood (George), Grant Roberts (Ruben Kruger), Bonnie Henna (Zindzi), Marguerite Wheatley (Nerine Winter), Tony Kgoroge (Jason Tshabalala), Patrick Mofokeng (Linga Moonsamy), Matt Stern (Hendrick Booyens), Julian Lewis Jones (Etienne Feyder) . 2h02

11 février 1990. Entre deux terrains de sport, celui luxueux où les blancs jouent au rugby et celui, misérable où les jeunes noirs jouent au football, apparaît la voiture de Nelson Mandela, libéré de la prison où il était détenu depuis 27 ans. L'entraîneur blanc commente la situation : les chiens sont lâchés.

Des images d'archives montrent les discours de Mandela prononcés entre 1990 et 1994 où il arrive au pouvoir comme président. Est inclus le discours de Durban, "Prenez vos machettes, prenez vos couteaux, prenez vos fusils, et jetez les à la mer".

28 avril 1994, 4 heures du matin. C'est le lendemain de l'élection victorieuse de Mandela. Celui-ci se réveille et s'en va courir à pied en compagnie de ses deux gardes du corps. Une camionnette qui roule à vive allure leur fait peur. Elle livre des journaux.

Mandela arrive au palais présidentiel alors que l'équipe de De Klerk fait ses cartons. Il demande à ceux qui souhaitent servir leur pays sous son autorité de bien vouloir rester. Brenda, sa chef de cabinet, approuve.

Jason son chef de la sécurité s'inquiète pour le match de rugby contre l'Angleterre où le président sera exposé. Il demande des hommes supplémentaires. C'est l'équipe blanche des gardes de De Klerk qui apparaît lui faisant croire à une arrestation. Il proteste auprès de Mandela mais celui-ci lui fait comprendre que la nation arc-en-ciel qu'il souhaite commence ici.

Mandela vient saluer l'équipe des springboks dans un stade qui n'est pas acquis à sa cause et où flottent nombre de drapeaux du temps de l'apartheid. Mandela vient saluer quelques supporters et s'en va, manqué de peu par un gobelet de boisson. Le match est un désastre et le président de la fédération de rugby dit n'avoir aucun espoir pour la coupe du monde dans un an. Un conseiller du président lui dit qu'il peut sans doute s'en réjouir car la commission contre l'apartheid va bientôt decider de changer le nom et les couleurs de l'équipe.

Les springboks enchaînent les défaites. L'entraîneur est remplacé mais François Pinnar, le capitaine reste à son poste. Cela satisfait Mandela. Le comité Décide de remplacer le nom des Springboks. Mandela s'y oppose. Il sait qu'au lendemain de l'Apartheid, son pays reste divisé sur le plan racial et économique. Profondément convaincu qu'il peut rassembler son peuple grâce au langage universel du sport, il parvient à restituer le nom des Springboks.

Il convie Pienaar et lui parle du poème Invictus qui lui permit de ne pas se décourager durant les 27 ans de captivité. Il oblige aussi l'équipe à faire une opération de communication au sein des township avec pour slogan "une équipe pour un pays".

Le 25 mai c'est le match contre l'Australie que l'Afrique du sud remporte 27 à 18. Elle gagnera ensuite les quarts de finale contre les Samoa et la demi-finale contre la France.

C'est enfin le triomphe de la finale gagnée contre la Nouvelle-Zélande.

Apres avoir exploré des traumatismes récents de l'Amérique, celui du patriot act dans L'échange et de la mondialisation dans Gran Torino, Eastwood nous propose un film politico-sportif, sur l'histoire contemporaine de l'Afrique du Sud.

Si, dans Mémoire de nos pères, il s'attachait à décrire ce que cachait l'image unanimiste des soldats plantant leur drapeau au sommet d'Iwo Jima, il contribue bien ici plutôt à forger une légende celle de Mandela se donnant pour objectif d'incarner la réconciliation de son peuple, encore profondément divisée sur le plan racial et économique après la fin de l'apartheid en 1991, par les victoires d'une équipe qu'il soutient dorénavant alors qu'elle a longuement symbolisé la domination blanche.

Le film se construit avec une grande économie de moyens autour de séquences qui sont autant de propositions appelant à l'inspiration, au pardon et à la volonté d'être ensemble.

Si l'équipe de rugby menée par François Pienaar est l'équipe centrale du film, d'autres équipent gravitent autour d'elle, l'équipe des gardes du corps, l'équipe de la famille de François, l'équipe des assistantes de Mandela, Brenda et Mary. Ce retour incessant dans chacune des équipes permet au film de ne pas se diluer dans une description socio-économique du pays. Le père de François vaut pour tous les Afrikaners, Eunice la servante pour tous les noirs pauvres alors que Brenda et Jason incarnent toutes les attentes politiques des vainqueurs de l'élection de 1994.

Une trop faible part d'ombre

Une seule équipe ne fonctionne pas, celle de la famille de Mandela. Cette part d'ombre s'incarne dans le panoramique ascendant qui démarre sur le collier dans un tiroir pour monter chercher le visage de Mandela, désabusé, en train de se raser. Elle s'incarne par le rejet de ce collier par Zindzi qui suit les traces de sa mère absente, Windie beaucoup plus radicale que son mari. Elle s'incarne enfin par le renoncement de Mandela à sa marche de quatre heures du matin lorsqu'il est interrogé sur sa famille par son nouveau garde du corps.

La part d'ombre aurait aussi pu concerner les attentats possibles et la violence, passée ou actuelle, des blancs. On regrettera qu'Eastwood nous propose pour cela deux fausses pistes. D'une part la camionnette qui surgit dans la nuit juste après qu'un garde du corps ait dit que la ponctualité de Mandela en faisait une cible facile. D'autre part la présentation du capitaine de l'avion inspectant le stade juste après la séquence ou le même garde du corps dit qu'ils sont toujours à la merci d'un fou croyant entendre la parole de Dieu. Même si les deux séquences se concluent par un beau plan : les journaux s'interrogeant sur la capacité de Mandela à gouverner et l'avion s'élevant dans les airs avec, gravé sous les ailes "Bonne chance bokke" (séquence par ailleurs véridique) on peut trouver cela un peu court. La part d'ombre aurait pu aussi concerner la lutte trop molle contre le sida durant le mandat de Mandela.

La situation politique est toute entière à la gloire de Mandela. Elle s'incarne dans le panoramique de la situation de 1990 ; panoramique auquel répond la même voiture de Mandela empêchée d'avancer par blancs et noirs mêlés, écho de l'image de la main blanche et de la main noire tenant la coupe du monde. Les images d'archives qui font le pont entre 1990 et 1994 par la séquence de transmission du rugby aux enfants des townships et par le contraste entre le stade aux couleurs de l'ancien drapeau en 1994 et celui aux couleurs du nouveau lors de la finale de la coupe.

Le sport, sous-produit du combat politique

Invictus est sans doute bien meilleur que le Allez France ! de 1964 de Robert Dhéry où celui-ci incarnait un passionné de rugby, partant pour Twickenham afin d'assister au match France-Angleterre dans le cadre du tournoi des Cinq Nations.

Pourtant les matchs de rugby apparaissent ici plus comme un passage obligé que comme des moments d'émotion. C'est sur le terrain politique que le combat a été gagné et ici rien ne se joue rien sur le terrain sportif avant la finale. Eastwood s'en tient à l'histoire.

Le 25 mai l'Afrique du Sud bat Australie (27 - 18) et s'ouvre ainsi les portes de quarts de finale sans les épouvantails que sont l'Angleterre (qui sera battue par la France) et la Nouvelle-Zélande. Eastwood fait ainsi l'économie des deux autres matchs de poule, gagnés facilement par l'Afrique du Sud, le 30 mai sur la Roumanie (21 - 8) et le 3 juin sur le Canada (20-0) pour montrer ce quart de finale gagné sur les Samoa (42-14). Le match du 17 juin sous la pluie gagné contre la France (19 -15) grâce à un arbitrage complaisant est survolé pour se concentrer sur la finale gagnée 15-12 sur la Nouvelle-Zélande. La défense des Springboks pour contrer Lomu consista à placer deux ou trois joueurs sur le grand côté, ne lui laissant ainsi pas d'espace. Aucun essai ne fut marqué et le score était de 9-9 après 80 minutes. Chaque équipe marqua une pénalité dans la première partie du temps additionnel et l'Afrique du Sud s'imposa grâce à un drop de Stransky à huit minutes de la fin.

Inspirer ses troupes

Les séquences de transmission sont habituellement les plus réussies chez Eastwood. elle consiste ici dans la scène de rugby avec les enfants dans les townships et dans la scène entre Mandela et François Pienaar. Pour la première fois est abordé le poème invictus. On voit ensuite Mandela l'écrire pour l'offrir plus tard au capitaine puis le poème sera entendu, off, lors de la visite de la prison de Robben Island.

Jean-Luc Lacuve, le 19/01/2010

Invictus est un court poème de l'écrivain anglais William Ernest Henley (1849-1903), cité à de très nombreuses reprises dans la culture populaire, ce qui contribua à le rendre célèbre. Le titre latin signifie "invincible" et se fonde sur la propre expérience de l'auteur puisque ce poème fut écrit en 1875 sur son lit d'hôpital, suite à son amputation du pied. A l'origine, ce poème ne possédait pas de titre, celui-ci fut ajouté par Arthur Quiller-Couch en 1900.

Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbow'd.

Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate:
I am the captain of my soul.

  Depuis l'obscurité qui m'envahit,
Noire comme le royaume de l'enfer,
Je remercie les dieux quels qu'ils soient
Pour mon âme indomptable.

Dans l'étreinte féroce des circonstances,
Je n'ai ni bronché ni pleuré
Sous les coups de l'adversité.
Mon esprit est ensanglanté mais inflexible.

Au-delà de ce monde de colère et de larmes,
Ne se profile que l'horreur de la nuit.
Et pourtant face à la grande menace
Je me trouve et je reste sans peur.

Peu importe combien le voyage sera dur,
Et combien la liste des châtiments sera lourde,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.

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