Dans l'hotel restaurant de Thionville-sur-mer, ville imaginaire de la côte atlantique, Michel Cayre, tente de joindre au téléphone Vera Baxter qui est venue pour louer une villa au bord de la mer pour l'été. Il est venu avec elle, la veille au soir. La maitresse du mari de Vera l'a deja averti que l'on a vu sa femme avec un autre homme. Dans l'hotel restaurant, une inconnue se trouve là.
Vera Baxter est pour l'heure terrée dans cette villa isolée de Thionville-sur-Mer. qu'elle est venue louer. Elle, qui n'a jamais aimé que son mari, Jean, se confie à une ancienne maîtresse de ce dernier. Elle lui raconte comment il a payé très cher Michel, journaliste, pour qu'il devienne son amant, lui qui était si volage. Vera en a beaucoup souffert, songeant parfois au suicide.
Puis c'est l'inconnue qui lui rend visite. Les deux femmes arpentent le living-room de cette grande villa moderne presque vide. Durant tout l'après-midi, et jusqu'au coucher du soleil sur l'océan, Vera Baxter répond aux questions de l'étrangère qui pourrait aussi être son double.
Vera a aujourd'hui 37 ans. Elle sortait tout juste de pension lorsqu'elle s'est mariée à l'âge de vingt ans avec Jean Baxter que du reste elle avait connu très tôt, son mari étant l'ami de ses frères. La richesse de Jean a été aux prises de fluctuations importantes. Ainsi, lorsque Christine est née, il s'est ruiné pour la première fois, puis s'est " renfloué " à la naissance de Marc. Aujourd'hui, il a beaucoup d'argent. Vera a vécu au rythme de ces oscillations financières. Au-delà de ces flux, elle est restée fidèle à son mari pendant ces dix-huit années. Il n'en est pas de même pour Jean. Tandis que son épouse se confie à "l'inconnue", il se trouve avec une autre femme, un "mannequin", à Chantilly. Ce n'est pas la première fois. Il est souvent parti avec des femmes dont il était persuadé qu'elles étaient celles de sa vie. Et à chaque fois, Jean s'éclipsait sans prévenir. Mais c'est toujours lui qui a recommencé à téléphoner. D'ailleurs ses absences ont été ponctuées, sans faute, d'envois de chèques, afin d'assurer la permanence du couple par ce lien. Jean est un homme d'argent, " ordinaire, sans imagination ", joueur, coureur, mais dont la seule qualité est d'en être conscient. Et depuis dix-huit ans, Vera l'aime et dépend de lui.
Une musique continue ne quitte jamais le film. Ce pourrait être des étrangers, peut-être entrés dans une villa voisine et qui font une fête. Cette turbulence extérieure maintient Vera Baxter en vie. Ou alors, c'est "la musique Vera Baxter", le bruit primitif qu'elle fait. Femme fidèle, sans homme, comme les sorcières d'autrefois ou les femmes de marin, elle est en intelligence avec la nature.
Véra Baxter vient de la pièce Suzanna Andler (Théâtre II, 1968) et donnera lieu au roman ou à un scénario : Vera Baxter ou les Plages de l'Atlantique (1980) où Marguerite Duras se reproche d'avoir chosi uen femme comme deuxième visiteuse et non un homme :
"Je rappelle que Véra Baxter vient de Suzanna Andler, pièce écrite en quelques semaines — sorte de gageure boule-vardière — pour mon amie Loleh Bellon. Un changement décisif a été apporté à cette première version lorsque j’ai décidé de le filmer : l’intervention d’un troisième personnage appelé tantôt «le client de l’Hôtel de Paris», tantôt «l’Inconnu». Ce personnage a éclipsé l’amant, Michel Cayre, qui est devenu un personnage secondaire de telle sorte que l’histoire d’amour de Véra Baxter n’est plus vécue sous nos yeux mais racontée par elle à un tiers inconnu d’elle. Sorte de dédoublement de l’amant, cet homme inconnu ? Sans doute.
Le scénario publié ici Véra Baxter ou Les plages de l’Atlantique est celui d’après lequel aurait dû être tourné Baxter Véra Baxter. Même si en majeure partie les dialogues sont ceux du film, ils sont reçus ici de façon radicalement différente. Cela parce que ce troisième personnage, celui qui vient voir Véra Baxter à la fin de l’après-midi, est un homme.
J’ai déjà dit le tort que j’avais eu de le remplacer dans le film par une femme. Il s’agit là d’une erreur si grande, si grossière que même une actrice comme Delphine Seyrig n’a pas pu la corriger. Je ne veux pas revenir là-dessus sauf pour dire que si jamais l’histoire était reprise, soit au cinéma soit au théâtre, ce serait cette version-ci qui devrait être retenue et non pas celle du film ou de cette première pièce intitulée Suzanna Andler.
Au théâtre, mise à part la première scène d’exposition des faits, celle du bar, tout devrait se passer à l’intérieur de la villa où est terrée Véra Baxter. Les visites de la villa pourraient être gardées. Tandis qu’elles se dérouleraient les voix seraient off sur la scène vide. L’épisode de Chantilly devrait être supprimé. Les modifications du texte seraient minimes, elles devraient aller de soi, se rapporter surtout à la visite de Monique Combes, à la promenade des deux femmes dans la forêt. Des fenêtres, des portes vitrées devraient être prévues par lesquelles les gens regarderaient, verraient les parcs, la mer, la turbulence extérieure, le soir qui vient. (Marguerite Duras, préface à Vera Baxter ou les Plages de l'Atlantique).