L'amour et les forêts

2023

Genre : Drame social
Thème : Le couple

Festival de Cannes 2023 D'après le roman éponyme d'Eric Reinhardt. Avec : Virginie Efira (Blanche / Rose), Melvil Poupaud (Gregoire Lamoureux), Dominique Reymond (L’avocate), Romane Bohringer (Delphine), Virginie Ledoyen (Candice), Marie Rivière (Mère de Blanche), Guang Huo (Tony), Laurence Côte (Catherine), Bertrand Belin (David). 1h45.

Quand Blanche croise le chemin de Gregoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.

Le choix de raconter cette histoire du seul point de vue de la victime est tout à l'honneur de Valérie Donzelli. Faire de l'emprise le sujet d'un thriller à la Hitchcock serait vraisemblablement indécent. Mais peut-être une autre forme que celle prise par le film est possible.

En effet, ici aucune des deux parties du film,  vie de rêve et  vie de cauchemar, n'échappe à l'ennui et à la pesanteur. La narration à partir du bureau de l'avocate installe dès l'abord l'échec du couple. Mais comme Blanche ne voit rien, aucun indice n'est donné non plus au spectateur qui sait pourtant que toute cette idylle est fausse. Reste à Valérie Donzelli le soin d'agrémenter sa mise en scène de filtres de couleurs ou de jouer sur les champs contrechamps pour faire admette le double rôle de Virginie Efira, incarnant les deux jumelles. Les relations sexuelles épanouies du couple n'indiquent  pas davantage les excès à venir, pas plus que l'antipathie somme toute assez naturelle entre Rose et Grégoire. Pour qu'une femme se fasse piégée par l’emprise, il faudrait que son bourreau se soit d'abord montré parfait sous tous rapports. Ne reste que le départ de Normandie sous la pluie en chanson qui préfigure peut-être la tragédie en renvoyant aux Parapluie de Cherbourg.

La seconde partie, qui voit l'emprise de Grégoire se resserrer sans relâche, n'échappe pas à l'ennui du dispositif narratif. Bertrand Belin, homme des bois surgit tout droit de D. H. Lawrence n'est pas même donné comme un leurre dans lequel Blanche pourrait tomber de nouveau, semblant croire que son salut ne peut venir que d'un homme.

La fin n'est guère crédible : un infirmier et une institution en totale empathie avec Blanche et une compagne de chambre tout aussi immédiatement acquise à sa cause. Mais surtout ils viennent comme des éléments hétérogènes résoudre ce que le piège mis en place jusqu'alors avait d'inexorable. Faut-il y voir un acte militant, redonner l'espoir, dans ce qui constituerait alors un film dossier sur l'emprise ?

Jean-Luc Lacuve, le 3 juin 2023.

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