Tom, un jeune publicitaire de Montréal, vient de perdre son amant. En permanente blonde et blouson de cuir, il vient assister aux funérailles de Guillaume dans la ferme familiale. Dans cette ferme à la fois moderne et coupée du monde car sans réseau téléphonique, il ne trouve personne et s'endort après avoir découvert une clé près de la porte. C'est la mère de Guillaume, Agathe, qui le réveille. Il constate qu'il n'était pas attendu : Agathe espérait la visite de la compagne supposée de son fils. Tom décide alors de se faire passer alors pour un simple ami du mort. Il est aussi surpris d'apprendre que Guillaume avait un frère, Francis, dont Agathe lui apprend qu'il tient la ferme depuis le décès de son mari.
Francis est lui très au fait des relations qu'entretenait son frère avec Tom et il vient menacer Tom dans la nuit lui intimant l'ordre de n'en rien révéler à sa mère et de partir dès la cérémonie des funérailles terminée. Lors de celle-ci, Tom est incapable de prononcer le discours préparé et Francis vient le menacer une nouvelle fois dans les toilettes, lui ordonnant de revenir à la maison pour rassurer sa mère.
Tom suit d'abord le gros pick-up blanc de Francis et Agathe mais, soudain dégouté de cette atmosphère toxique, renonce à récupérer sa valise pour fuir au plus vite la brute homophobe qu'est Francis et rentrer à Montréal. Il se ravise pourtant et revient vers la ferme. Francis est très mécontent et lorsque Tom lui déclare vouloir tout dire à sa mère une course poursuite s'engage entre les deux hommes. Tom a le tord de s'engager dans un champ de maïs qui lui entaillent bras et visage. Qui plus est, il est facilement rattrapé par Francis qui lui inflige une sévère raclée. Agathe ordonne à son fils de s'occuper de Tom et de lui montrer les travaux de la ferme. Francis se montre agréablement surpris de la douceur avec laquelle Tom traite les bêtes.
Les mains en sang, Tom est ému d'avoir accouché un petit veau et Francis de son côté semble un peu plus à l'aise avec Tom acceptant que celui-ci l'admire comme il admirait son frère. Tom et Francis dansent le tango dans la grange et Francis avoue en avoir assez de sa mère et espère qu'elle meure pour se sentir libre. Agathe a tout entendu et Francis en veut à Tom d'avoir provoquer cette situation.
Ainsi Tom décide-t-il de partir. Mais c'est sans compter le double jeu de Francis qui a immobilisé sa voiture sur quatre parpaings. Tom se venge en faisant, à table avec Agathe et Francis, une description bien vulgaire des rapports sexuels supposés entre Sara et Guillaume. Lors d'une viré de nuit, les deux hommes sont bien proche de devenir amants mais Tom doit se contenter d'une séance de strangulation érotique
Tom appelle Sara à la rescousse. Francis tente de l'intimider mais Sara ne se laisse pas faire. Elle est ahurie de voir à quel point Tom s'est soumis à l'emprise de Francis et se prépare à l'aider à moderniser sa ferme tout en dévalorisant son métier de publicitaire. Sara apprend aussi à Tom que Guillaume lui était infidèle. La détermination de Sara séduit Francis qui débarque Tom du pick-up devant l'arrêt de bus afin de pouvoir faire l'amour avec Sara avant son départ. Tom entre dans le café ou le barman lui révèle pourquoi Francis vit de manière solitaire, interdit d'entrer ici. Il y a plusieurs années il a tailladé la bouche d'un adolescent qui draguait son frère et s'apprêtait à révéler son homosexualité.
Le matin, Tom se réveille dans une chambre où le lit de Francis a été rapproché du sien. Il découvre aussi que les journaux d'adolescence de Guillaume ont été ouverts. Pressentant le drame, il fait précipitamment sa valise et s'enfuit de la ferme à pied, une pelle à la main. Il est vite rattrapé par le pick-up de Francis. Tom parvient à se cacher au fond d'un bois et même à voler le pick-up de Francis, effondré du départ de Tom.
Tom rejoint Montréal, ville brillante et illuminée, mais où les quelques passants entraperçus ne lui laissent pas espérer une vie exaltante dans l'immédiat.
Tom à la ferme est adapté, avec sa collaboration, d'une pièce de théâtre homonyme du dramaturge québécois Michel Marc Bouchard. Elle met en scène une relation sadomasochiste entre Tom et le frère aîné de son amant défunt, Francis. Celui-ci brute homophobe cherche à se protéger de ses propres pulsions qui, selon lui, fragiliserait encore un peu plus sa mère. Parallèlement Tom, sentant son charme agir sur Francis alors qu'il n'a pas encore fait de deuil de son amant, hésite sur ce qu'il va pouvoir faire de sa vie.
Tom à la ferme est donc l'histoire d'un deuil vécu, d'une part, par un jeune homme romantique et, d'autre part, par 'une famille qui s'est retranchée dans la négation de ce que fut leur frère et leur fils. Ces trois personnages doivent faire le deuil de Guillaume dont on ne saura jamais comment il est mort. Le deuil passe par le désarroi et la violence qui les lient un temps.
Xavier Dolan joue habilement du peu de décors une longue route de campagne, une ferme, sa cuisine, et sa chambre d'enfants, une étable, une salle des fête et un café pour faire s'entrechoquer les plans. Il alterne leur échelles en favorisant souvent les gros plans (mains ensanglantés ou entrainant un cou, visage écrasé par la violence d'une main, visage de Agathe ou Sara au bord de l'explosion). La balafre du jeune amant de Guillaume place aussi le film sous la descendance des films s'inspirant de la cruauté de L'homme qui rit (du film homonyme de Paul Leni jusqu'au Dalhia noir ou Batman, The Dark Knight).
Mais le film emporte moins l'adhésion par son côté thriller psychologique que par la suprême beauté de ses plans : les mots d'amour désespérés écrits au feutre bleu sur un couvre-lit blanc, les plans de routes ensoleillés sur la musique des Ronds dans l'eau, Tom en vert et noir sous les lumière du bar, son visage halluciné dans la nuit près à mourir étranglé, l'échappée finale sur Montréal. Dolan, jamais avare de références artistiques émouvantes, propose de placer cette danse de mort à laquelle échappe in extremis son personnage principal sous le signe de Psychose et de La mort aux trousses.
La référence à Psychose s'impose avec la séquence du flash de terreur sous la douche qui suit l'agression de Francis dans la nuit et sa venue derrière Tom, attablé au petit déjeuner. Mais elle s'impose aussi par la figure de la mère possessive qui maintient Francis éloigné de ses pulsions sexuelles. La séquence du tango dans la grange, superbement lyrique et étrange, se termine par la venue de la mère qui a tout entendu mais qui saura aussi très bien oublier ce qui mettrait fin à l'emprise qu'elle a sur son fils. Dès sa première apparition, Agathe réveille Tom du rêve d'une famille qui saurait le reconnaitre comme l'amant de Guillaume. Le visage d'Agathe ressemble à celui de la mère empaillée de Norman Bates. La névrose du personnage se fait jour lors de la découverte des journaux intimes de son fils qu'elle fait semblant de n'avoir jamais lus. La fuite finale soudaine de Tom s'explique par les deux lits rapprochés dans la chambre d'enfants et le carton des journaux intimes ouverts. Agathe a disparu comme lors de l'arrivée de Tom mais cette offrande montre que, cette fois, elle s'est réveillé de sa névrose et que les conséquences en seront sans doute terribles pour Tom. Cette fois, il ne demande pas son reste et s'enfuit, terrifié, pelle à la main. La petite mare vers laquelle il fuit est peut-être un rappel de celle où la voiture de Marion, repêchée à la fin de Psychose.
En parallèle à ce film de terreur sous lesquels sont placées les figures de Francis et de sa mère, La mort aux trousses entoure de son romantisme la figure angélique de Tom. Certes il lui faudra en passer par les coupures du champ de maïs mais eel voyage final vers Montréal, même sil est effectué seul, rappelle aussi le tunnel salvateur qui emporte monsieur et madame Thornhill.
Jean-Luc Lacuve le 20/04/2014