Hi, Mom !

1970

Voir : Photogrammes

Avec : Robert De Niro (Jon Rubin), Allen Garfield (Joe Banner), Abraham Goren (Le pervers du théâtre), Lara Parker (Jeannie Mitchell). 1h27.

dvd

Jon Rubin vient pour louer un appartement au 148 Suffolk street dans Manhattan. Le logeur lui demande bien plus des 45 dollars de l'annonce alors que l'appartement est pourtant complètement délabré. Mais Jon accepte lorsqu'il découvre la vue sur l'immeuble d'en face de l'autre côté de Laguardia place.

Il a en effet l'intention de filmer l'intimité de ses voisins depuis sa fenêtre et est encouragé en cela par un producteur de cinéma pornographique, Joe Banner, qui prétend faire de l'art voyeur : "Salon du film contemporain : dollar instantané pour art érotique" prétend sa publicité.

Joe Banner fournit ainsi à Jon 2 000 dollars pour l'achat d'un téléobjectif et de la pellicule super8. Jon a sélectionné quatre fenêtres sur les 270 de l'immeuble : celles des secrétaires, du révolutionnaire, du play-boy et de la femme au foyer. Il ne se passe toutefois pas grand chose, ni chez les secrétaires où les deux secrétaires qui ont des soupirants s'en vont toujours de l'appartement en laissant une troisième qui se morfond seule ; ni chez le révolutionnaire, Gerrit ; ni chez la femme au foyer, mme Mitchell qui a acheté une caméra, ni chez le play-boy qui couche toujours ses proies sur un matelas au raz du sol, hors de portée de caméra. Jon décide donc de séduire Judy Bishop la secrétaire délaissée.

Jon prétend venir de la part de "ABC Ordinaflirt" site de rencontres qui lui aurait donné l'adresse de la jeune femme. Le site s'est trompé d'adresse lui fait-il croire après un coup de téléphone simulé. Il n'a alors aucune peine à convaincre Judy de profiter des billets de cinéma achetés. Il la séduit aussi sans peine en se prétendant victime du même Roger Parks du lycée Jim Thorpe qui dépucela Judy et le trompa avec Barbara, sa femme. Judy veut coucher el soir même avec Jon mais cela n'entre pas dans les plans de celui-ci et il lui donne rendez-vous pour le dimanche. Jon achète en effet un radio réveil et minute à 26,5 minutes le temps qu'il lui faudra pour séduire Judy. La caméra déclanchée par le radio-réveil se mettra alors en marche, ce qu'il pourra surveiller au moyen d'une ampoule rouge qui s'allumera en même temps.

Le dimanche Jon entre chez Judy mais ne sait pas comment occuper les 26 minutes en question car elle se donne à lui immédiatement. Il prétexte alors l'achat de préservatifs qui lui permettent de revenir juste à temps.

Fier de son expérience, il montre le film fraîchement développé à Joe Banner mais celui-ci est furieux du résultat. Jon n'avait pas pris garde à l'instabilité de son pied de caméra et, au lieu de filmer ses ébats avec Judy, la caméra s'est affaissée vers l'étage du dessous un le révolutionnaire montrait son sexe blanc sur son corps peint en noir.

L'expérience cinématographique ayant échouée, Jon se tourne vers le théâtre. La
La télévision nationale intellectuelle (N. I. T.) présente son journal de la révolution noire où des activistes proposent aux passants de venir assister au happening militant "Be Black Baby" où ils expérimenteront ce que c'est qu'être noir en Amérique.

Jon qui a vu des affiches où le show proposait des auditions pour le rôle du flic parvient à se faire engager: là des noirs maquillés en blancs brutalisent des blancs grimés en noirs qui ressentent l'humiliation extrême d'être noir en Amérique…

Si le show est un succès, il n'en est pas de même de la guérilla urbaine menée ensuite par les activistes qui seront tués sous les coups de la violence blanche.

Trois mois après, Jon, désormais vendeurs d'assurance et possesseur du chien Daisy est marié, avec Judy enceinte mais affolé par la suppression de son feuilleton, Peyton Place, et l'achat d'un lave-vaisselle d'occasion blanc au lieu du jaune neuf qu'elle souhaite. Devant ce fade bonheur domestique, Jon décide d'appliquer la guérilla urbaine. Il fait sauter la buanderie de la coopérative communautaire.

Le reportage télé qui suit montre des passants pas plus traumatisés que cela ; l'un est peiné d'avoir perdu son portefeuille, un autre est satisfait de cette destruction qui donnera bien plus d'espaces verts. Joe King, psychiatre explique que la raison de cette destruction est la pression sociale énorme, l'écart eux qui ont tout et ceux qui n'ont rien. C'est alors qu'entre dans le champ Joe Rubin, expert en démolition après dix-huit mois au Vietnam : " Je reviens du Vietnam, on a ravagé le pays là-bas. 500 000 hommes ont vu des bras arrachés, des visages exposés, des couilles coupées. Le reporter lui demandant plus de modération, Jon salue sa mère : Hi, Mom !

La France découvre De Palma avec Sœur de sang (1973) et le metteur en scène sera, jusqu'à Body double (1984), associé à la revisitation du cinéma d'Hitchcock. Ses six premiers films appartiennent néanmoins à la mouvence du Nouvel Hollywood qui conteste la politique étrangère américaine.

The wedding party, film de fin d'études est commencé en 1963 avec des fonds privés mais terminé en 1969 après la sortie de Greetings. Le producteur, Charles Hirsch, propose alors à De Palma de réaliser une suite de Greetings qui avait connu un énorme succès dans le circuit universitaire. Le film devait ainsi s'appeler initialement Son of Greetings... et sortira en vidéo en France sous le titre Les nuits de Manhattan.

De Niro qui avait rencontré De Palma pour une audition lors de The wedding party n'est pas l'alter ego à l'écran du réalisateur mais il apporte sa forte personnalité et notamment sa vaste garde-robe dont la veste militaire qu'il ressortira dans Taxi driver.

Pour De palma, l'élection de Nixon, en 1968, marque l'échec de la révolution et le triomphe de la société de consommation. Le premier plan marque le désordre total, le monde en ruine qu'elle implique. Néanmoins, à la fin du film, la petite cellule blanche mitraille les révolutionnaires noirs. Ne reste plus qu'à tout faire sauter pour rétablir l'ordre par les armes.

La révolte afro-américaine est à l'avant-garde de la révolte anti-consommatrice. Le film prend acte de la révolution des mœurs. Sa crudité sexuelle conduira à son classement X (le film sera néanmoins distribué en salle), notamment par son plan sur un sexe masculin, blanc sur un corps peint en noir, pourtant ainsi désérotisé par l'attitude professionnelle de l'artiste révolutionnaire.

La séquence Be black baby ne se contente pas de montrer la crédulité du public bourgeois. Nous ne sommes plus bien installé dans la chambre de James Stewart dans Fenêtre sur cour. De Palma réinvente le voyeurisme d'Hitchcock, le décortique pour passer de la peur à la terreur. Nous ne sommes plus installés dans la fiction en couleur mais forcés à participer à un happening éprouvant en noir et blanc.

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films, mai 2010. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20€

Suppléments :

  • Présentation du film Samuel Blumenfeld (7 mn).
  • Percevoir / Décevoir (22 mn), une analyse de Jean Douchet
  • bande annonce.
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