Battement de coeur

1940

Avec : Danielle Darrieux (Arlette), Claude Dauphin (Pierre de Rougemont), Saturnin Fabre (Aristide), Jean Tissier (Roland), André Luguet (L'ambassadeur), Junie Astor (L'ambassadrice). 1h37.

Arlette est jeune et jolie, mais elle est pauvre, de plus la voici lâchée dans Paris, sans ressources puisqu'elle sort d'une maison de redressement. Pauvre mais honnête, Arlette cherche du travail et, sur la foi d'une petite annonce, se présente chez monsieur Aristide. Ce vieux coquin de belle allure dirige tout simplement un cours très particulier où le vol est enseigné. Arlette est charmante, elle a des dispositions et lorsque Aristide la laisse se débrouiller seule, elle s'en prend à un monsieur élégant, mais fin et avisé, qui plutôt que de la faire arrêter, l'emmène jusque chez lui.

Ce monsieur distingué est un ambassadeur qui craint fort que sa femme ne le trompe avec un attaché d'ambassade du nom de Pierre de Rougemont. L'ambassadeur a raison; sa femme lui est infidèle et la preuve de sa trahison réside dans une petite montre où se cache une photo compromettante.

Revêtue de somptueux atours, Arlette doit paraître au bal de l'ambassade - et conquérir l'attaché, puis lui subtiliser le bijou pour le remettre au mari. Tout se passerait ainsi, si l'amour ne s'en mêlait pas. Arlette vole la montre, en retire la photo, rassure l'époux qui la congédie. Le jeune diplomate veut consoler sa conquête d'un soir; il l'enlève, il l'installe chez lui, malgré la jalousie de l'ambassadrice, malgré les remarques de l'ami Roland, malgré les avis d'Yves, un copain d'Arlette. L'amour reste le plus fort évidemment et le cœur d'Arlette la voleuse bat bien fort lorsqu'elle sort de l'église au bras du prince charmant.

Partis en 1938 pour un contrat de sept ans au sein des studios hollywoodiens, le couple Danielle Darrieux - Henri Decoin en était revenu au bout de sept mois. Une expérience écourtée mais néanmoins précieuse, et  Battement de cœur, en est la preuve. Réalisé avant la déclaration de guerre, le film est une comédie "à l’américaine" transposée pour le public français.

Techniquement parfait, bénéficiant d’une mise en scène inventive et de dialogues piquants, Battement de cœur est plein de rebondissements, de gags, de rires et de sourires. Les acteurs sont justes, chacun à sa place et jamais seulement faire-valoir des vedettes, avec une mention particulière pour le fantastique Carette.Danielle Darrieux y interprète Arlette, fugueuse et orpheline qui atterrit dans une école de pickpockets dirigée par Saturnin Fabre, inénarrable acteur excentrique. La petite voleuse se retrouve malgré elle au cœur d’un complot sentimental dans la haute société parisienne, courtisée par un attaché d’ambassade, interprété par le séduisant Claude Dauphin. D’une énergie folle Danielle Darrieux rayonne, tombe amoureuse, chante, danse, rit, pleure. Cette comédie romantique pleine de fantaisie est un splendide écrin pour la jeune actrice.

Le nouveau "Decoin-Darrieux" est prêt début 1940, quelques mois avant la débâcle de juin. « Battement de cœur sortit dans les premiers jours de février 40, comme prévu. Le succès ne fut pas au rendez-vous. La presse reprochait au film l’image débilitante qu’il donnait de la France. Tous ces voleurs ! Et ces gamines aguicheuses en rupture de maison de correction ! Et tous présentés comme des gens charmants, en plus ! Ah ! ce n’était pas avec cette jeunesse-là qu’on allait la gagner, la guerre… Henri ne se formalisa pas. Il était arrivé à un point où, s’il ne faisait pas ce qu’il voulait […], au moins savait-il ce qu’il faisait : il n’en démordait pas, Battement de cœur était son meilleur film à ce jour, Danielle Darrieux n’avait jamais été aussi jolie, mutine, vive et enjouée, et si leur prochain opus à deux cœurs, le bien nommé Coup de foudre, ne faisait pas sauter la banque, il s’engageait à manger sa casquette de capitaine aviateur, visière et petites ailes d’or comprises. ». (Didier Decoin, Henri ou Henry, le roman de mon père, Stock)

Coup de foudre ne verra pas le jour mais Battement de cœur fit finalement un triomphe, bénéficiant d’une seconde sortie après la défaite de juin 1940. Un triomphe tel qu’il en sera à sa cinquante-deuxième semaine d’exclusivité quand sort le film suivant de Decoin, Premier rendez-vous, également type de cinéma que les spectateurs recherchaient pour échapper aux tourments et au désespoir de l’époque.