À Los Angeles, un groupe de cinq adolescents cambriole une riche villa et s'enfuit en courant dans une rue adjacente avec des sacs remplis et un long cadre de tableau sous le bras. Plus tard, au milieu des policiers et des journalistes, l'une des jeunes filles exprime sa désolation d'avoir du commettre des vols. Elle est certaine que c'est une épreuve destinée à lui servir de leçon, à faire émerger son karma puisqu'elle se sent prête à assumer le rôle de leader d'une entreprise caritative.
Un an plus tôt. Marc arrive pour sa première journée dans le lycée friqué de Beverly Hills où ses habits modestes lui attirent indifférence ou mépris des autres élèves. Rebecca s'intéresse pourtant à lui et l'emmène avec sa voiture sur une plage où il rencontre ses amies, la brune Nicki, Sam une amie qui habite chez elle et la très blonde Chloe. Rebecca, Becca pour les intimes, l'invite ensuite dans une boite célèbre où ils croisent Paris Hilton et Kirsten Dunst. Tous ne rêvent que de devenir mannequin ou de créer une marque de mode ou, plus prosaïquement de décrocher un contrat de pub ou de photos. Becca propose ensuite à Marc de "se faire une voiture", c'est à dire de récupérer cartes de crédit ou argent liquide que lés habitants friqués du coin ont abandonné dans la contreporte de leur voiture sans songer à la fermer.
Ayant récupéré 400 dollars, Marc et Becca font les boutiques et s'habillent au mieux. Mais Becca a lu que Paris Hilton doit s'absenter pour une soirée et propose de visiter sa maison. Chacun empoche sac, chaussure ou robes à son gout. Marc, à son tour, propose sur l'insistance de Becca de visiter la maison d'une connaissance de son père en vacances. En sortant Becca s'empare même de la Porsche garée là.
Becca informe ses amies de leur visite chez Paris Hilton et c'est à cinq que, cette fois-ci, ils retournent visiter la villa. Une caméra de surveillance les voit fuir emportant sacs remplis et tableau long sous le bras
Orlando Bloom et Rachel Bilson étant absents, le groupe des cinq visite leur maison. Marc y trouve des Rolex et beaucoup d'argent. Becca et Marc visitent seuls la belle demeure de Lindsay Lohan. Ils sont repérés par une caméra de surveillance mais la vidéo vue à la télévision et postée sur le net est de trop mauvaise qualité pour pouvoir les identifier. Rien ne semble plus arrêter le gang que les médias ont surnommé le "Bling Ring". La villa de Miranda Kerr étant déserte, la gang fait appel à la petite sur de Nicki pour ouvrir la porte en pasaent par la chatière. Cette fois ci aussi, la star porte plainte.
Becca part de la Californie pour rejoindre son père. C'est alors que la rumeur enfle sur le net : tous les amis, toutes les amies auxquels le gang a imprudemment révélé ses exploits font part de leurs soupçons qui parviennent à la police. Un matin, un à un, les membres du gang sont arrêtés à la stupéfaction de leurs parents. La dernière à être arrêtée est Becca dans la maison de son père dans un autre état. Celle-ci n'hésite pas à dénoncer Marc comme le receleur du groupe.
Kate, une journaliste de Vanity Fair, vient interviewer Nicki qui plaide la néfaste influence de mauvaises fréquentations. Elle se dit non coupable pour plusieurs cambriolages et affirme sa volonté d'être leader d'une entreprise caritative. Kate interviewe Marc qui se sentait exclu de ce monde, complexé par sa banalité et qui relève l'aspect névrotique des jeunes adolescents l'admirant sur facebook pour un acte social répréhensible. Cela pourrait se nommer le complexe de Bonnie and Clyde.
Le jour du procès, Nicki fait sa déclaration sur son karma à la presse et demande le respect de sa vie privée. Becca n'a pas un regard pour Marc. Néanmoins ceux-ci sont les plus lourdement condamnés : 4 ans de prison et 8 000 dollars d'amende alors que les trois autres écopent de quatre fois moins.
Marc est emmené comme absent à lui-même dans une prison pour purger sa peine. Apres 30 jours d'incarcération, Nicki est interviewée à la télé où elle parle de sa proximité avec sa star favorite Lindsay Lohan accusée d'avoir volé pour 25 000 dollars de bijoux. Elle manifeste de la condescendance pour elle, étant certaine qu'elle même sera bientôt libérée et aussi célèbre que sa voisine de cellule.
The Bling Ring s'inspire, est-il dit au début du film, d'un article paru dans Vanity Fair, "Les suspects portaient des Louboutin". L'article relatait un fait divers : un groupe d'adolescents friqués de Los Angeles avait cambriolé des villas de célébrités.
En filmant de nouveau des adolescents et surtout des adolescentes dans un milieu social bien particulier, Sofia Coppola poursuit sa description des frustrations de la jeunesse. Le microcosme vit, comme d'habitude chez la cinéaste, en autarcie, ignorant les frontières de son monde. L'état de reproduction permanente dans lequel il entretient sa jeunesse laisse celle-ci prisonniere de ses séduisantes apparences. C'est dans les interstices du récit, le long flash-back que constitue l'essentiel du film et les quelques flashes forward qui y sont insérés, le plan au ralenti que se logent une part de liberté.
De jeunes vampires assoiffés de marques
"L'Amérique a une fascination perverse pour les Bonnie& Clyde" affirme Marc. Pas certain qu'il ait raison, la fascination perverse est pour tous ceux qui accèdent à la célébrité quel que soit les moyens. Ceux offerts à ces jeunes gens sont ceux de leur classe. Etre gosse de riche n'empêche pas de devoir se faire admettre. Le film met d'abord en scène un éco-système où les jeunes adolescents sont prêts à copier, vampiriser, ceux qu'ils admirent. Il suffit d'enfiler le costume de celles et ceux dont ils aimeraient embrasser le style de vie. Rien de plus facile alors de se faire admettre en boite et se prendre en photo façon "myspace angle" et se taguer sur Facebook.
Car une certaine technique est aussi nécessaire : Becca repère
les absences grâce au net et Marc trouve leur adresse sur Google et
le plan d'accès sur Google Maps. L'une des portes vitrées au
moins est restée, en général, non verrouillée
à moins que, comme chez Paris Hilton, la clé soit sous le paillasson.
Là ils vont se gorger de sacs Vuitton, des colliers scintillants griffés
"rich bitch" et de toutes les marques de luxe : Chanel, Prada, Hervé
Léger, Louboutin, Balmain, Rolex.
Ce monde autarcique n'a pas besoin de se protéger d'autrui : jamais besoin de fracturer des portes, de faire sauter des cadenas. Une fois seulement l'alarme de la police retentit pour bien vite s'éloigner. Jamais non plus les stars ne sont menacées.
Une ronde folle éjectant les plus éloignés du centre
de l'inconscience
Sofia Coppola filme cette ronde folle et vide en variant les plans : noir et blanc, plongée, couleurs pops, travelling sur les icones de la mode. Un plan de Becca au visage baigné de lumières filmée au ralenti vient même dire que l'émotion tendre et romanesque existe. Mais la roue tourne et, comme un accident soudain l'avait annoncé, le drame finit par surgir.
Seul l'élément le plus à la périphérie
sera éjecté par la force centripète de cette ronde folle.
Marc est décalé : son père est un distributeur de film
important mais extérieur au monde des stars. Il est aussi le moins
riche de tous. Ses parents s'habillent mal, sa chambre est petite, ses habits
font un peu pitié. Il sera le seul filmé en habit de prisonnier.
Nicki, la plus protégée, saura en revanche tirer partie de cette affaire avec sa philosophie de pacotille. Elle rejoindra bientôt le monde des adultes avec ses cuisines en marbre où l'on boit du jus de betterave, où l'on enseigne la pensée New-Age tirée du livre Le secret, où l'on recherche les qualités morales et spirituelles d'Angelina Jolie, "celles qui serviront à être utile à la planète et aux autres".
Jean-Luc Lacuve le 19/06/2013