Consul de Grande-Bretagne à Florence, Sir Duncombe vient de perdre sa femme. Il apprend la triste nouvelle à son fils aîné, Andrea, gamin d'une dizaine d'années ; par contre, le cadet - Milo, cinq ans - doit continuer à croire sa mère en vacances et en bonne santé. Les deux enfants, très liés l'un à l'autre, passent leurs journées à s'amuser comme des fous, usant la patience de gouvernantes dépassées par leur turbulence. Le père, toujours retenu par ses fonctions, juge hâtivement la conduite d'Andrea comme celle d'un garçon insensible et irresponsable. Celui-ci souffre en silence de la préférence marquée de son père pour Milo, bambin capricieux et charmeur comme on l'est à son âge.
Heureusement, l'oncle Will vient passer quelques jours à la villa. Andrea sympathise avec le vieil homme qui comprend si bien la solitude et le désarroi de son neveu qu'il conseille à son frère d'être plus attentif et paternel à l'égard de son fils aîné. Duncombe emmène alors Andrea à son bureau, projette un voyage à Rome avec lui. Le gamin est ravi. En fait, le petit est jaloux et s'ingénie à retrouver l'exclusivité de l'affection paternelle. Il y réussit pleinement car il a pris froid et doit se faire opérer des amygdales. Le voyage à Rome est annulé, Duncombe est à nouveau fâché et Andrea plus seul que jamais.
Au retour de ses père et frère, Andrea, pour se prouver qu'il est un homme, va jusqu'au bout de son "audaciomètre", cette branche d'arbre vermoulue qui surplombe la mare. La branche casse et, la colonne vertébrale brisée, Andrea meurt sous le portrait de sa mère après que Duncombe, bouleversé, lui ait dit enfin : "Tu es vraiment le fils que tout père voudrait avoir. "
L'incompris, l'un des plus beaux mélodrames de l'histoire du cinéma, apparaît d'abord tout aussi lisse, académique et sans profondeur que le tableau sur lequel défile le générique. Il faudra tout le parcours du film pour aboutir au plan final, celui du père et du fils se reflétant sur la vitre protégeant le dessin de la mère puis s'effaçant pour laisser le dessin sans reflet lorsque meurt Andrea, parti rejoindre celle qui lui aura manqué plus que tout sans qu'il ait jamais pu l'affirmer.
Andrea est la proie de trois douleurs qui se superposent : il souffre, il cache, il échoue. Il souffre de la mort de sa mère et se sent obligé de le cacher car il ne parvient pas à briser l'image de garçon insensible que son père se fait de lui. Il est d'autant plus contraint à l'intériorisation que son père lui demande de protéger son frère et de ne pas laisser s'exprimer sa souffrance. Les rares occasions qu'a Andrea de prouver ses qualités à son père sont gâchées parce que trop préparées et se retournant contre lui. Ne lui reste alors l'affection de son frère, réelle et réciproque, mais trop peu réconfortante pour l'aîné tant le cadet sait l'exploiter à ses fins.
Des signes de la souffrance théâtralisés
Comenci construit son film sur la délivrance des signes, légèrement théâtralisés puisque cumulant souffrance, masque et échec... et appuyés souvent par l'adagio du concerto pour piano en La majeur de Mozart.
La souffrance due à la mère absente se marque sur le plan du visage d'Andréa tendu vers un signe d'espoir lorsque son frère, hors champ, demande à Luisa si sa mère est revenue. Comencini ne cadre pas le visage de Luisa répondant par la négative mais s'attarde sur le visage d'Andrea, souffrant, masquant sa douleur et échouant à trouver un signe d'espoir. Même chose lorsque son père l'appelle depuis le premier étage de la demeure. Ce signe d'une vie qui retournerait à la normale se brise sur la réalité des fleurs éparses que les adultes ont négligé de nettoyer. Andréa fait semblant de ne pas avoir compris qu'une cérémonie funèbre a eu lieu ici. Même souffrance et impossibilité de s'exprimer lorsqu'Andrea jette un "maman" lorsque, à la sortie de la douche, lui manque un peignoir ou lorsqu'il découvre le mot protecteur devant les médicaments.
Andrea est condamné aux échecs répétés du combat de judo, de la veine explication qui suit, de la compréhension par Milo que sa mère est morte dont il est accusé, du cadeau au père offert par Milo, des bleuets sur la tombe remplacés par les roses jaunes. Les instants fraternels avec Milo sont eux aussi teintés de souffrance : les discussions sur la mère le soir d'orage ou sur le lac menant à l'audaciometre. Andrea, rame, se souvient et souffre. Milo a déjà oublié le visage de sa mère et se laisse glisser. "Pour la voir, il faudrait être mort pour de vrai" avait dit Andrea à Milo en parlant de sa mort. Ce sera sa seule victoire.
Jean-Luc Lacuve le 18/01/2011
Editeur : Carlotta-Films, Janvier 2011. Nouveau master restauré. 15 € |
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