Fantômette est face à ses ennemis dont elle se rit avant d'être enfermée dans une machine à laver. Thomas, dix ans, lit ses aventures avec passion, discrètement caché dans l’abri de jardin. Il voit la fête se préparer pour accueillir Bernard et Odile Huissens, les nouveaux métropolitains qui viennent rejoindre la base de l’armée française à Madagascar.
Thomas à pour amie Suzanne, fille du gérant du mess des officiers, qui est heureuse que l'école soit enfin devenue mixte. Elle partage ses goûts pour les aventures de Fantômette et les balades en vélo aux destinations mystérieuses ainsi le bois des amoureux où, sous les bambous, les jeunes gens du coin viennent se déclarer et s'embrasser.
Thomas est le troisième fils de Robert, adjudant navigateur pour les avions de la base, et de Colette sa femme qui semble heureuse de cette vie faite de mutations successives. Ils ont pour amis les Guedj, mieux intégrés encore, nettement plus en tous les cas que Odile Huissens qui regrette Nancy et la Lorraine.
Suzanne a appris à Thomas que le principal pouvoir de Fantômette est de voir ce que les autres, faute d'une attention suffisante, ne remarquent même pas. Thomas voit ainsi se déliter le couple de ses parents : Robert maintient sous son autorité jalouse Colette qui aspire à autre chose qu'à être femme au foyer. Odile à quitté Bernard qui, sentimental, s'est épris de Miangaly, l'une des couturières de parachutes de la base. Leur liaison fait scandale.
Les militaires français ont transporté les militaires de l'armée malgache pour réprimer une révolte paysanne. Celle-ci a pris de l'ampleur et la présence française est rejetée. Les militaires et leurs familles doivent partir abandonnant les dernières illusions du colonialisme. Robert insiste pour faire une dernière photo avant de partir; Thomas refuse mais Collette finit par le convaincre arguant que ce sera la dernière photo de famille; ce que Robert fait semblant de ne pas comprendre.
La nuit avant de partir, Thomas endosse le costume de Fantômette et se rend au bois des amoureux; il voit Bernard Huissens tenter de convaincre Miangaly de le suivre en métropole. Il les suit tandis que Thomas entraîne Miangaly au mess des officiers que son ami Andry ferme bientôt alors que saoul Bernard s'endort. Miangaly rejoint le cortège révolutionnaire qui va accueillir à l'aéroport les prisonniers politiques récemment libérés. Chacun des ex-prisonniers, une femme et deux hommes expriment leur désir de mettre fin au colonialisme et de retrouver une fierté qui ne pourra être réalisée qu'avec le départ des colons.
Film sur l'enfance d'un cinéaste qui apprend à mieux voir : mieux voir les dissensions du couple de ses parents et les illusions du colonialisme. Pour le cinéaste en herbe cette vision est portée par l'énergie merveilleuse, ainsi des exploits de Fantômette, et la beauté, ainsi les mains parcourant la table aragonite ou les reflets lumineux des corps dansants dans la vitre au verre dépoli.
Thomas perçoit certaines choses (le serviteur rabroué pour un tuyau déplacé mal à propos) et n'en voit pas d'autres (l'entrainement des soldats face aux émeutes). De même, toujours installé prés du sol, il perçoit des bribes de conversations qui ne sont pas de son âge dont il ne perçoit vraisemblablement pas le sens immédiatement. Le regard de Thomas voit sans analyser mais perçoit le mystère des choses sous l'apparente bulle de convivialité et de bienveillance de ce groupe de colons.
Robin Campillo ne signale jamais qu'il a été le Thomas Lopez du film. Il faut ses déclarations externes pour s'assurer que cette incarnation est très proche de lui enfant. Cette autobiographie dissoute dans le film de genre, Robin Campillo, l’abandonne dans le dernier quart du film où il se détache de son enfance pour son regard d'adulte qui donne aux Malgaches la pleine puissance de leur parole libératrice.
Jean-Luc Lacuve, le 11 juin 2023