Fidelio, l’odyssée d’Alice 
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Alice habite Marseille mais elle est surtout marin et doit laisser Félix, l'homme qu'elle aime, sur la terre ferme pour embarquer comme mécanicienne, chef en second, sur un vieux cargo, Le Fidelio, pour un contrat d'un mois.
A bord, elle apprend qu’elle est là pour remplacer un homme qui vient de mourir et découvre que Gaël, son premier grand amour, commande le navire. Le Fidelio est par ailleurs le premier navire sur laquelle elle a naviguée qui a simplement changé de nom. Il était déjà vieux à l'époque, il est là près de ses derniers voyages et la compagnie rechigne à remplacer les pièces défaillantes.
Dans sa cabine, Alice trouve un carnet ayant appartenu à son prédécesseur, Patrick Legall. La lecture de ses notes, entre problèmes mécaniques, conquêtes sexuelles et mélancolie amoureuse, résonne curieusement avec sa traversée. Elle-même dans ses rêves érotiques a du mal à distinguer entre Félix et Gaël.
Alice gagne sans difficulté le respect de l'équipage par la parfaite connaissance de son métier. Après un baiser échangé avec Gaël, elle décide de ne plus le laisser approcher pour rester fidèle à Félix. Après une nuit bien arrosée, le second, Frédéric, entre dans sa chambre et la déshabille. Réveillée, elle le repousse énergiquement. Le lendemain matin, elle lui intime l'ordre de ne plus l'approcher. Frédéric, profitant de son autorité de mécanicien chef et de son pouvoir de notation sur elle, lui rit au nez. Recroquevillée dans la salle des machines, Alice trouve les arguments pour réagir. Elle exige de Fréderic qu'il débarque à Dakar sans quoi elle alertera toutes les femmes qui l'ont approché dans leur métier afin de porter plainte. Fréderic sait qu'il n'a pas le choix. A Dakar, Barbereau le remplace comme mécanicien-chef.
L'arrivée à Dakar correspond à l'anniversaire d'Alice. Gaël lui fait "cadeau" d'un bel homme noir qu'elle ramène dans sa cabine. Le lendemain, elle avoue à Gaël n'avoir pas "consommé" tout comme lui-même n'a pas ramené sa "fiancée". Alice profite en revanche de son cadeau d'anniversaire envoyé par Félix : 30 livres ayant pour thème les marins plus un dictionnaire franco-norvégien.
La poursuite du voyage est joyeuse, ponctuée par le passage de l'équateur où le nouveau, Vali, un jeune roumain est soumis au bizutage de rigueur. Un soir Alice se laisse caresser par Gaël puis, n'y tenant plus, fait passionnément l'amour avec lui, abandonnant son poste de veille. Dans la nuit, un black out se déclare et Alice y remédie avec son efficacité habituelle ce qui fait oublier son retard à réagir à la panne. Gaël et Alice s'abritant sous la formule "ce qui se passe en mer reste en mer" décident de profiter plainement de l'ilot de bonheur qui les fait se reprouver jour après jour pour faire l'amour.
En arrivant à Marseille, Gaël foudroie pourtant Alice en lui apprenant qu'il a entamé une procédure de divorce. Emue par cette révélation qui lui ouvre de nouvelles perspectives, Alice se montre réservée avec Félix, venue la chercher, qui regrette aussi de devoir passer leur première soirée chez les parents d'Alice. Ceux-ci sont néanmoins tout à fait charmants mais Alice reste troublée par Gaël qui lui envoie quelques photos compromettantes sur son portable. Un nouvel appel lui apprend qu'elle doit partir le lendemain pour trois mois : elle est nommée chef mécanicienne grâce au rapport élogieux de Barbereau qui doit renoncer à poursuivre le voyage pour raisons de famille. Au moment d'embarquer, Félix lui apprend qu'il a découvert sur son portable une photo d'elle et Gaël, nus au lit. Ils devront discuter à son retour.
Cette fois, Alice va devoir faire un choix et son existence en est considérablement assombrie. D'autant que les problèmes s'accumulent. Nadine Legall n'admet pas le rapport sur la mort de son frère. Elle exige des éclaircissements auprès de Gaël et menace d'alerter la compagnie. Les pièces de rechanges promises ne sont pas arrivées et le bateau risque de tomber en panne à tout moment. Les actionnaires de la compagnie font faire au navire des trajets incertains au grès des spéculations financières sur les marchandises transportées. Alice refuse que Gaël l'approche. Un soir d'ennui, elle se donne à Vali qui lui fait la leçon sur son inconséquence. Alice ne trouve un peu de réconfort que dans l'amitié distante d'Antoine. Un soir la panne redoutée se déclenche avec plusieurs incendies successifs. Alice y fait face mais Gaël est brulé au visage et à l'épaule. Ses blessures étant jugées superficielles par la compagnie, il est soigné à bord.
A l'arrivée à Gdansk, Alice vient retrouver Gaël dans sa chambre mais une ambulance l'a déjà pris en charge. En revenant dans sa cabine elle a la surprise d'y trouver Félix. Mais il est venu pour lui annoncer qu'il lui avait rendu la monnaie de sa pièce en sortant avec une autre fille. Il hésite à faire son choix : "les sentiments bougent" dit-il. Il lui remet le carnet de Patrick Legall qu'Alice envoie à Nadine afin qu'elle comprenne son frère.
Le Fidelio est déclaré bon pour la casse ce qui énerve passablement les Philippins qui craignent pour leur travail. En partant pour un nouvel engagement, Alice remarque le regard d'un beau polonais un peu poupon. Antoine en sourit.
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Alice aime la vie, le grand amour et le sexe, ainsi fait-elle l'amour sur la plage avec Félix puis se masturbe dans sa cabine en mer. Cette composante d'elle-même est affirmée avec la même grâce avec le cunnilingus de Gaël et les scènes d'amour dans la cabine. Son odyssée sur le Fidelio la confrontera en deux parties distinctes, lumineuse puis plus complexe, à l'idéal finalement hors de portée de la fidélité.
L'énergie du Fidélio
Le navire impressionne dès son approche la nuit. La frêle silhouette d'Alice en face du monumental cargo s'ajoute aux quelques rares plans de cinéma où humanité et bateaux se défient comme deux archétypes magnifiques : ceux de E la nave va, (Federico Fellini, 1983) de Breaking the waves (Lars von Trier, 1996)), de 38 témoins (Lucas Belvaux, 2012) ou de Xenia (Panos H. Koutras, 2014). Alice en abordant le navire fait tourner le gigantesque arbre d'acier qui fait avancer le bateau.. Dans la salle des machines, un casque sur les oreilles, où personne n’entend personne, elle donne des ordres précis. Les machines y apportent leurs lots de bruyantes vibrations, de pressions de vapeurs, de fumées et de graisse. Dans la soute Alice devient Mimi-Cracra mais aussi y puise aussi la force, recroquevillée dans la salle des machines, de trouver les arguments contre Fréderic, le chef mécanicien qui aurait pu abuser d'elle. Sur le pont Alice domine la mer au poste de vigie. Elle y est aussi Di Caprio plus que Kate Winslet à la proue d'un Titanic proche de son dernier voyage.. Elle est légère dans sa robe sur le port de Dakar. Elle est rieuse et sensuelle dans la cabine avec Gaël.
Du merveilleux au réel
La première partie est toute entière placée du coté de l'idéal de la plénitude de l'amour infini qu'Alice porte aux machines et aux hommes. Un amour partagé qui les fait avancer et dont elle répare les plaies plus ou moins habilement. Une fois Frédéric expulsé, l'équipage hétéroclite partage une fraternité joyeuse sous la houlette d'un commandant parfait. Les cadeaux y sont merveilleux: 30 livres de marins pour 30 ans, les cahiers d'écoliers colorés du port de Dakar, le journal de Legall si bien écrit ou le "cadeau" sexuel qui confirmera surtout à Alice qu'elle a plusieurs lignes de cœur.
Mais le Fidélio est bon pour la casse. Le Fidélio c'est l'impossible rêve d'une fidélité qui ne serait pas écornée par un autre amour circonscrit à la cabine du marin. Un amour fixe au port d'attache et un premier amour retrouvé en mer. Ulysse succomba à Circée et aux nymphes sans que son amour pour Pénélope soit remis en cause. Mais Alice n'est probablement plus au pays des merveilles et s'aperçoit qu'elle fait souffrir. Pourtant Alice succombe à Vali et le choix entre Félix et Gaël ne sera probablement pas définitif. Les plans accordés à chacun des deux hommes sont aussi beaux les uns que les autres : visage de Gael derriere la vitre où la mer se reflète. Felix quittant le port avec ces mots : "les sentiments bougent".
Le regard vers le beau polonais de Gdansk alors que le Fidelio s'en va vers la casse ne laisse pas entendre autre chose ni présager que la belle Alice accepte d'être autre que ce qu'elle a toujours été : une femme qui aime, plus forte peut-être maintenant d'en connaitre les conséquences.
Jean-Luc Lacuve le 06/01/2015.
A noter parmi les comédiens de l'équipage, la présence de Marc-Antoine Vaugeois, bien connu des cinéphiles caennais.
