Le 30 janvier 1948, alors qu'il se rend à un service de prière du soir, Gandhi, âgé, est aidé pour sa promenade du soir afin de rencontrer un grand nombre de visiteurs et d'admirateurs. Un visiteur, Nathuram Godse, lui tire une balle dans la poitrine. Lors de ses funérailles d'État, la procession à laquelle assistent des millions de personnes de tous horizons est commentée avec éloquence par des journalistes parlant de la vie et des œuvres de Gandhi qui ont changé le monde.
En juin 1893, Gandhi, 23 ans, est expulsé d'un train sud-africain pour être un Indien assis dans un compartiment de première classe malgré son billet. Réalisant que les lois sont biaisées contre les Indiens, il décide alors de lancer une campagne de protestation non violente pour les droits de tous les Indiens d'Afrique du Sud, arguant qu'ils sont des sujets britanniques et ont droit aux mêmes droits et privilèges. Après de nombreuses arrestations et une attention internationale croissante, le gouvernement finit par céder en reconnaissant certains droits aux Indiens.
En 1915, à la suite de sa victoire en Afrique du Sud, Gandhi est invité à revenir en Inde, où il est désormais considéré comme un héros national. Il est invité à entreprendre la lutte pour l'indépendance de l'Inde vis-à-vis de l'Empire britannique. Gandhi accepte et monte une campagne de non-coopération non violente d'une ampleur sans précédent, coordonnant des millions d'Indiens dans tout le pays. Il y a quelques revers, tels que la violence contre les manifestants, l'emprisonnement occasionnel de Gandhi et le massacre de Jallianwala Bagh en 1919.
Néanmoins, la campagne suscite une grande attention et la Grande-Bretagne fait face à une pression publique intense. En 1930, Gandhi proteste contre la taxe sur le sel imposée par les Britanniques via la très symbolique Marche du Sel. Il se rend également à Londres pour une conférence concernant le départ possible de la Grande-Bretagne de l'Inde ; ceci, cependant, s'avère infructueux. Gandhi passe une grande partie de la Seconde Guerre mondiale en prison. Lors d'une assignation à résidence, sa femme décède. Après la fin de la guerre, l'Inde gagne enfin son indépendance. Les Indiens célèbrent cette victoire, mais le pays est divisé par la religion. Il est décidé que la zone nord-ouest et la partie orientale de l'Inde (Bangladesh actuel), les deux endroits où les musulmans sont majoritaires, deviendront un nouveau pays appelé Pakistan. On espère qu'en encourageant les musulmans à vivre dans un pays séparé, la violence diminuera. Gandhi est opposé à l'idée, et va jusqu'à proposer à Muhammad Ali Jinnah de devenir le premier Premier ministre de l'Inde, mais la partition de l'Inde est néanmoins réalisée. Les tensions religieuses entre hindous et musulmans dégénèrent en violence nationale. Effondré, Gandhi déclare une grève de la faim : il ne mangera pas jusqu'à ce que les combats cessent. Les combats finissent par s'arrêter.
Gandhi passe ses derniers jours à essayer d'instaurer la paix entre les deux nations. Il met ainsi en colère de nombreux dissidents des deux côtés, dont l'un, Godse, est celui qui ll'assassine. Gandhi est incinéré et ses cendres sont dispersées sur le Gange sacré.
En 1982, Gandhi remporte huit Oscar et symbolisera pour longtemps ce qu'on attend du Biopic, une alternance entre vie intime du personnage, incarné par un acteur d'exception, et grandes séquences historiques. Cette production anglaise, retardée pendant vingt ans, remplit en effet ce cahier des charges. Les quelques anicroches avec les faits historiques sont des défauts mineurs par rapport au ton constamment hagiographique soutenu par une imagerie de convention: l'histoire en mode carte postale.
Une production retardée pendant 20 ans
En 1962, Attenborough est contacté par Motilal Kothari, un fonctionnaire d'origine indienne travaillant avec le haut-commissariat indien à Londres et un fervent disciple de Gandhi pour discuter d'un film sur Gandhi. Attenborough accepte, après avoir lu la biographie de Louis Fischer sur Gandhi. Il rencontre le Premier ministre Nehru et sa fille, Indira Gandhi, grâce à Lord Louis Mountbatten, le dernier vice-roi de l'Inde. Nehru approuve le film et promet d'aider à soutenir sa production, mais sa mort en 1964 interrompt les préparatifs. Dix huit ans plus tard,Attenborough dédiera le film à la mémoire de Kothari, Mountbatten et Nehru.
David Lean, l'auteur de La route des Indes avait prévu de faire un film sur Gandhi après avoir terminé Le Pont sur la rivière Kwai, apparemment avec Alec Guinness dans le rôle de Gandhi. Finalement, le projet est abandonné au profit de Lawrence d'Arabie (1962). Attenborough approche Lean avec son propre projet sur Gandhi à la fin des années 1960. Lean accepte de réaliser le film et offre à Attenborough le rôle principal. Mais, au lieu de cela, Lean commence à tourner La fille de Ryan. Quand Motilai Kothari décède, le projet est enterré pour la seconde fois.
Attenborough tente de ressusciter le projet en 1976 avec le soutien de la Warner Brothers. Mais la Premiere ministre Indira Gandhi déclare l'état d'urgence en Inde et il est impossible de tourner. Le coproducteur Rani Dube persuade la Premiere ministre Indira Gandhi de fournir les premiers 10 millions de dollars de la National Film Development Corporation of India, présidée par DVS Raju à l'époque, grâce auxquels le reste du financement est finalement trouvé. Enfin, en 1980, Attenborough obtient le reste du financement nécessaire à la réalisation du film. Le scénariste John Briley l'avait présenté à Jake Eberts, le directeur général de la nouvelle société de production Goldcrest qui a levé environ les deux tiers du budget du film.
Le film remporta huit Oscar : meilleur film et meilleur réalisateur pour Richard Attenborough , meilleur acteur pour Ben Kingsley, meilleur scénario pour John Briley, meilleure direction artistique pour Stuart Craig et Robert W. Laing, meilleurs décors pour Michael Seirton, meilleure photographie pour Billy Williams et Ronnie Taylor, meilleurs costumes pour John Mollo et Bhanu Athaiya et meilleur montage pour John Bloom.
L'histoire en mode carte postale
"La vie d'un homme ne peut être comprise dans un seul récit. Il n’y a aucun moyen de donner à chaque année le poids qui lui est alloué, d’inclure chaque événement, chaque personne qui a contribué à façonner sa vie. Ce qui peut être fait est d’être fidèle en esprit au compte rendu et d’essayer de trouver le moyen de se rendre jusqu'au cœur de l’homme. -Mahatma Gandhi."
Ainsi s'inscrit sur l'écran, le préambule du film cette épopée de plus de trois heures qui englobe plus de 50 ans d'histoire et tente de faire la chronique de la vie de l'homme salué comme le père de l'Inde moderne. L'hagiographie ignore le caractère difficile de Gandhi, volontiers grincheux, et semble indiquer qu'il aurait pu ressouder l'unité de l'Inde s'il n'avait été assassiné.
Le personnage de Vince Walker (Martin Sheen), le journaliste du New York Times qui rencontre Gandhi en Afrique du Sud, n'est pas celui qui couvre La marche du sel. Sa représentation à l'écran s'inspire des travaux du correspondant de guerre américain Webb Mille qui ont contribué à changer l'opinion mondiale sur la domination britannique de l'Inde. La photographe Margaret Bourke White ( a photographié Gandhi pour Life magazine en 1946 et fut la dernière personne à interviewer Gandhi avant son assassinat en 1948. Les critiques majeures portent sur la représentation de Muhammed Ali Jinnah, père du Pakistan et défenseur des droits des musulmans en Asie du Sud. Le film a été interdit au Pakistan au moment de sa sortie. L’acteur Alyque Padamsee ne ressemble pas au personnage historique mais surtout il joue dès le départ un rôle de méchant faisant obstruction aux plans de Gandhi ignorant l’engagement inébranlable de Jinnah pour l’indépendance et son rôle durant de longues années en tant qu'ambassadeur de l'Unité hindoue et musulmane.
Jean-Luc Lacuve, le 17 août 2022.