Ivan et Pepa, deux comédiens de doublage, sont amants depuis plusieurs années. Ivan s'apprête à partir en voyage à l'étranger. Pepa apprend qu'elle est enceinte et tente de joindre Ivan qui se dérobe sans cesse. Elle comprend alors qu'il est sans doute en train de la quitter. Après avoir passé un moment de désespoir et mis le feu à son lit, Pepa se reprend. Elle se préoccupe de liquider leur appartement commun et, au cas où Ivan reviendrait, assaisonne de barbituriques une carafe de gaspacho, boisson dont il est particulièrement friand.
En l'espace de quelques heures, la jeune femme découvre en outre l'existence de Lucia, l'épouse bourgeoise et terriblement jalouse d'Ivan, ainsi que celle de leur grand fils Carlos et de sa glaciale fiancée Marisa. Pepa et Lucia comprennent bientôt qu'elles ont été toutes deux doublées par une troisième femme qui doit accompagner Ivan dans son voyage.
Sur ces entrefaites, Candela, la meilleure amie de Pepa, vient lui demander asile : elle a involontairement hébergé deux terroristes et craint d'avoir des ennuis avec la police. Afin de l'aider, Pepa fait appel à une avocate féministe, Paulina Morales, sans savoir que celle-ci est justement la nouvelle maîtresse d'Ivan et que l'avion qu'ils doivent prendre est celui auquel les deux terroristes doivent s'attaquer. Au cours d'une soirée pleine de péripéties, la vaillante jeune femme neutralise quelques importuns (dont un employé du téléphone et deux policiers) grâce à son gaspacho, puis elle se précipite à l'aéroport, juste à temps pour faire à Ivan des adieux sans regrets et l'empêcher d'être abattu par une Lucia déchaînée.
Et tandis que Pepa, le coeur léger, s'engage vers une
nouvelle vie, Ivan et sa maîtresse embarquent pour une destination beaucoup
plus incertaine.
Pendent deux jours et deux nuits, Pepa va essayer de sauver son couple avec Ivan pour, finalement, s'apercevoir qu'elle peut vivre bien plus paisiblement toute seule.
L'hystérie ne va ainsi pas cesser de monter autour des thèmes visuels du gaspacho aux somnifères, du revolver, de l'appartement de plus en plus envahi de personnages au fur et à mesure qu'il est de plus en plus détruit, de poursuites en taxi décoré dans le style mambo. Dans cette comédie aux ingrédients burlesques, la figure de l'évanouissement (Pepa, enceinte, s'écroule à la moindre émotion forte), et de l'endormissement (du fait des somnifères du gaspacho) se fait le contrepoint salvateur de l'hystérie. Il semblerait ainsi que seul l'incorrigible séducteur qu'est Ivan ne parviennent pas à atteindre la connaissance de soi dont feront progressivement l'acquisition les autres personnages. Même la schizophrène Lucia cessera de faire semblant d'être guérie et Marisa profitera de sa crise de sommeil pour rêver de son dépucelage et, ainsi, d'échapper à sa rigidité de vierge.
Pepa et Ivan ne font que doubler Vienna et Johnny Guitare dans le film de Nicolas Ray. Les mensonges que les deux amants du western profèrent l'un pour l'autre n'ont plus la capacité de renouveler leur amour. C'est donc finalement un message plutôt désenchanté que délivre Almodovar au sein de sa comédie en laissant au plan final, Pepa et Marisa abandonnées par leur amant et fiancé.
Almodovar reprendra des fragments entiers de Femmes au bord de la crise de nerfs dans Des filles et des valises, le film que tourne Mateo Blanco dans Etreintes brisées (2009). La scène que remonte, à l'oreille, Mateo Blanco devenu aveugle à la fin du film entre Pénélope Cruz (Lena interprétant le personnage de Pepa) et Carmen Machi (Chon) est la réplique de celle entre Carmen Maura (Pepa) et Maria Barranco (Candela). Candela est ici victime de terroristes chiites et non de trafiquants de drogue mais les deux femmes ont pareillement apprécié l'activité sexuelle de leur amant qui leur a donné la chair de poule même s'ils se sont servis d'elles pour leur activité illicite. Des filles et des valises retrouve non seulement cette scène et les noms d'Ivan et Pepa mais aussi, les motifs de la femme folle d'Ivan, du gaspacho, du téléphone rouge et du lit brûlé et des objets balancés par le balcon.
Jean-Luc Lacuve le 8/05/2012.