Païsa

1946

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Avec : Carmela Sazio, Robert Van Loon, Dots M. Johnson.

1943 Les Américains débarquent sur la côte de la Sicile. Le sergent américain Joe bavarde avec Carmela, une jeune Sicilienne échevelée qui lui a servi de guide jusqu'à un château désert. Il allume une petite flamme pour lui montrer ses photos de famille. Une balle allemande l'abat aussitôt. Carmela tire à la mitraillette sur les nazis et se tue en tombant sur les rochers.

Naples. Un gamin vole les chaussures d'un MP noir complètement ivre. Le soldat retrouve son voleur, mais devant la misère qu'il découvre il part sans insister.

Rome. Six mois après la libération de Rome, Fred, tankiste américain rencontre Francesca, jeune prostituée. Il n'a pas reconnu en elle la belle jeune fille dont il était tout de suite tombé amoureux au début de la guerre et qu'il n'avait pas revue à cause d'un rendez-vous manqué.

Florence. Harriet, jeune infirmière américaine, persuade Massimo de l'aider à traverser l'Arno pour rejoindre Lupo, un ancien peintre devenu chef des partisans. La bataille fait rage. En cours d'expédition elle apprend la mort de son ami.

Romagne. Les moines d'un monastère franciscain accueillent joyeusement trois aumôniers américains. Ils apprennent bientôt que deux d'entre eux n'appartiennent pas à l'église catholique. Au moment du repas, ils décident de jeûner pour ramener le juif et le protestant sur le chemin de la vérité divine.

Les marais du Pô. Un groupe de partisans italiens et quelques soldats américains qui les ont rejoints, sont capturés par les Allemands. Les partisans sont jetés dans le fleuve, les mains liées derrière le dos. Dale, un des Américains, proteste vigoureusement contre ces actes de barbarie. Il est exécuté sommairement d'une rafale de mitraillette.

Après avoir décrit sa cité dans Rome Ville ouverte, Rossellini élargit son champ d'observation, pour passer au pays tout entier. En six nouvelles, il donne un cours d'histoire viscéral, où la guerre n'est plus un combat idéologique, mais une gangrène dont la minutieuse avancée met les entrailles à vif.

1- Sicile : Carméla se transforme en comtesse aux pieds nus.

2- Naples : dénonciation des injustes par ellipses. L'incursion du soldat noir dans les taudis, grouillants de gamins pouilleux et farceurs, n'éveille pas tout de suite les consciences. Seule la fuite du GI qui fait démarrer sa voiture sans entendre le récit déchirant du petit orphelin révèle une gêne. A travers cette scène furtive, apparemment anodine, Rossellini pleure le refus de voir.

3- Florence : on commence par la confusion, mélange des personnages et des langues. L'ordre n'est jamais premier, c'est contraire à la clarté du message et aux théories de la communication. De cette confusion va naître la trajectoire de l'homme et de la femme qui vont parcourir Florence.

Le désordre du début du film, bien qu'il soit organisé, donne l'impression d'un reportage. Rossellini avait mis en place un dispositif lui permettant de faire des zooms sans voir le cadrage, l'opérateur devait s'adapter aussitôt ce qui le mettait en danger mais aussi en situation réelle.

L'histoire de la libération de la ville n'est pas héroïque, elle s'écrit avec des éléments individuels, égoïstes : " Avec ce qui arrive, j'ai autre chose à penser", ou scène des anglais : on s'attend à ce qu'ils donnent des informations sur le déroulement de la bataille, or, eux aussi, discutent de choses qui les intéressent individuellement. Chacun a ses préoccupations personnelles, pas de dessein global, d'idéologie commune. L'égoïsme est très présent. Rien de noble contrairement aux grandes fresques américaines ou russes. L'histoire s'écrit au travers des destins individuels. Pas de misérabilisme, on dirait des gens en vacance (soleil, robes légères). La nature est indifférente à ce qui se passe (pur plaisir de filmer une femme qui marche au soleil). Rossellini n'hésite pas à masquer les personnages principaux qu'il est en train de filmer. La femme et l'homme vont s'entraider pour réaliser chacun son propre but, à la fin on ne saura pas ce qu'est devenu l'homme.