Pierre Choderlos de Laclos, naît à Amiens le 18 octobre 1741. Deuxième
fils dun secrétaire à lintendance de Picardie et
dArtois, d'une famille de robe récente, il est poussé
par son père à s'engager dans l'armée, bien que les perspectives
de promotion soient restreintes, puisqu'il choisit lartillerie, arme
technique convenant à son esprit mathématique. Il est admis
en 1760 à lÉcole royale d'artillerie de La Fère
ancêtre de lÉcole polytechnique.
Il est nommé successivement sous-lieutenant en 1761 puis lieutenant
en second en 1762. Rêvant de conquêtes et de gloire, il se fait
affecter à la Brigade des colonies, en garnison à La Rochelle.
Mais le traité de Paris en 1763, met fin à la guerre de Sept
Ans. Faute de guerre, le jeune lieutenant de Laclos est obligé détouffer
ses ambitions dans une morne vie de garnison : au 7e régiment dartillerie
de Toul en 1763, à Strasbourg de 1765 à 1769, à Grenoble
de 1769 à 1775, puis à Besançon de 1775 à 1776.
Nommé capitaine à lancienneté en 1771 il
le restera durant dix-sept ans jusquà la veille de la Révolution
cet artilleur, froid et logicien, à lesprit subtil, sennuie
parmi ses soldats grossiers. Pour s'occuper, il s'adonne à la littérature
et à lécriture. Ses premières pièces, en
vers légers, sont publiées dans lAlmanach des Muses. Sinspirant
dun roman de Marie-Jeanne Riccoboni, il écrit un assez mauvais
opéra-comique Ernestine, le chevalier de Saint-Georges se chargeant
de la partition. Cette uvre naura quune seule désastreuse
représentation, le 19 juillet 1777 devant la reine Marie-Antoinette.
Lors de cette même année 1777, il reçoit la mission dinstaller
une nouvelle école dartillerie à Valence qui recevra notamment
le jeune Napoléon Bonaparte. De retour à Besançon en
1778, il est promu capitaine en second de sapeurs. Durant ses nombreux temps
libres en garnison, il rédige plusieurs uvres, où il apparaît
comme un fervent admirateur de Jean-Jacques Rousseau et de son roman la Nouvelle
Héloïse, quil considère comme « le plus beau
des ouvrages produits sous le titre de roman ». En 1778, il commence
à rédiger Les Liaisons dangereuses.
En 1779, il est envoyé en mission dans lîle d'Aix pour
assister le marquis de Montalembert dans la direction de la construction de
fortifications contre les Britanniques. Néanmoins, il passe beaucoup
de temps à l'écriture des Liaisons dangereuses qu'il
rédige au cours de ses passages dans l'île mais également
à Besançon et Paris, de même qu'une Épître
à Madame de Montalembert. Promu en cette fin dannée capitaine
de bombardier, il demande un congé de six mois quil passe dans
la capitale française où il écrit ; il sait que désormais
son ambition littéraire doit passer avant son ambition militaire en
impasse. Son ouvrage en gestation contient ses frustrations militaires
navoir jamais pu faire valoir ses qualités lors dune guerre
mais aussi les nombreuses humiliations quil estime avoir subies
au long de sa vie, de la part des vrais nobles, ainsi que des femmes quil
pense inaccessibles. Les Liaisons dangereuses sont donc aussi pour lui une
sorte de revanche.
En 1781, promu capitaine-commandant de canonniers, il obtient une nouvelle
permission de six mois, au cours de laquelle il achève son chef-duvre.
Il confie à léditeur Durand Neveu la tâche de le
publier en quatre volumes qui sont proposés à la vente le 23
mars 1782. Le succès est immédiat et fulgurant ; la première
édition comprend deux mille exemplaires qui sont vendus en un mois
ce qui pour lépoque est déjà assez extraordinaire
et dans les deux années qui suivent une dizaine de rééditions
sont écoulées.
La publication de cet ouvrage, considéré comme une attaque contre
la noblesse, est jugée comme une faute par la hiérarchie militaire.
Ordonné de se rendre immédiatement dans sa garnison en Bretagne,
depuis laquelle il est envoyé à La Rochelle en 1783 pour participer
à la construction du nouvel arsenal, il fait la connaissance de Marie-Soulange
Duperré, qui le séduit et avec qui il aura rapidement un enfant.
Il a 42 ans, elle seulement 24, mais, réellement amoureux, il lépousera
en 1786 et reconnaîtra lenfant. Marie-Soulange sera le grand amour
de sa vie et lui donnera deux autres enfants. Choderlos de Laclos ne ressemble
en rien au séducteur archétype du personnage de Valmont et nen
a aucune des tares. Il nest en rien un séducteur et on le décrit
comme « un monsieur maigre et jaune » à la « conversation
froide et méthodique ». Sa vie sentimentale se limite à
son épouse Marie-Soulange à qui il est fidèle, de même
quil est pour ses enfants un père attentionné.
Par la suite, il participe à un concours académique dont le
sujet est « Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner léducation
des femmes ? », ce qui lui permet de développer des vues plutôt
féministes sur légalité des sexes et léducation
des jeunes filles. Dans ce texte resté inachevé, il dénonce
léducation donnée aux jeunes filles qui ne vise, selon
lui, « quà les accoutumer à la servitude, et à
les y maintenir ». Le thème de lémancipation féminine
avait déjà dans Les Liaisons dangereuses un rôle important.
Le 17 juin 1787, il écrivait au Journal de Paris son projet de numérotation
des rues de Paris.
En 1788, il quitte larmée. Après une période de
recherche personnelle du meilleur moyen de favoriser son ambition et diverses
tentatives pour approcher un grand seigneur, il entre au service du duc dOrléans
dont il partage les idées sur lévolution de la royauté.
La révolution qui éclate est enfin pour lui loccasion
de vivre intensément, il s'engage dans la Ligue des aristocrates, un
groupuscule de petits nobles qui sera interdit par Robespierre. Dès
le début il mène des intrigues en faveur de son maitre et organise
complots et machinations. Les 5 et 6 octobre 1789, il travaille aux journées
versaillaises et rédige avec Brissot la pétition à lorigine
de la fusillade du Champ-de-Mars. En octobre 1790, il fonde le Journal des
Sociétés des amis de la constitution, émis par le Club
des Jacobins. Le 17 juillet 1791, il négocie le rachat des six cents
piques du 14 juillet.
Il se rallie à lidée républicaine et quitte l'exil
à Londres qu'il aurait partagé avec le duc dOrléans
pour un poste de commissaire au ministère de la Guerre où il
a la charge de réorganiser les troupes de la jeune République.
Ce poste de commissaire du ministère est équivalent au grade
de général de brigade. Grâce à ses activités,
il est chargé de l'organisation du camp de Châlons en septembre
1792 et il prépare de façon décisive la victoire de la
bataille de Valmy. À cause de la trahison de Dumouriez, il est emprisonné
comme orléaniste, mais sera libéré sous la Convention
thermidorienne.
Il met alors au point, lors dexpériences balistiques, un «
boulet creux » chargé de poudre, de son invention. En 1795, espérant
être réintégré dans larmée, il rédige
un mémoire intitulé « De la guerre et de la paix »
quil adresse au Comité de salut public, mais sans effet. Il tente
aussi dentrer dans la diplomatie et de fonder une banque sans davantage
de succès.
Finalement, il fait la connaissance du jeune général Napoléon
Bonaparte, le nouveau Premier Consul, artilleur comme lui, et il se rallie
aux idées bonapartistes. Le 16 janvier 1800, il est réintégré
comme général de brigade dartillerie et affecté
à lArmée du Rhin, où il reçoit le baptême
du feu à la bataille de Biberach. Affecté au commandement de
la réserve dartillerie de larmée d'Italie, il meurt
le 5 septembre 1803 à Tarente, non pas lors dun affrontement,
mais affaibli par la dysenterie et la malaria, et est enterré sur place.
Au retour des Bourbons en 1815, sa tombe fut violée et détruite.
(Source : Wikipedia).
La marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont se jouent de la société pudibonde et privilégiée dans laquelle ils vivent. Se livrant à la débauche, ils ne cessent, tout au long du livre, de se narrer leurs exploits au travers des lettres quils senvoient, car ils ne se fréquentent pas ouvertement, et qui constituent le corps de lintrigue.
La marquise de Merteuil décide, pour se venger de Gercourt, de lui faire épouser Cécile de Volanges sa pupille à laquelle elle demande à Valmont de donner une éducation libertine. Au fil des lettres, le lecteur découvre une marquise de Merteuil complexe qui a très jeune décidé de «venger son sexe» (lettre LXXXI). Ses aventures amoureuses deviennent alors des conquêtes dont elle dispose à sa guise. Mariée jeune et veuve très rapidement, elle jouit d’une fortune importante. Par le passé, elle a été l’amante de Valmont et on apprend qu’elle a été la seule femme capable de lui tenir tête. Au début du roman, elle entretient une liaison avec un chevalier (Belleroche), mais après avoir tourné en ridicule le célèbre Prévan, elle trouve le moyen de s’en débarrasser pour se consacrer à Danceny. Son art de la dissimulation lui permet d’être perçue comme une femme vertueuse et elle devient la confidente de ses propres victimes, comme l’illustre exemple de Cécile de Volanges. Elle parvient même à manipuler Valmont en trouvant les mots pour le convaincre de rompre avec la seule femme qu’il ait jamais aimée, la présidente de Tourvel.
Mais, pour rivaux quils soient, ils nen sont pas pour autant à égalité. Le vicomte de Valmont est un homme et, à ce titre, il peut se montrer un libertin flamboyant au grand jour et sans retenue. Les lettres quil écrit à la marquise de Merteuil ne sont que le récit triomphant de ses aventures. Il nen va pas de même pour cette dernière. Si elle se doit de rivaliser avec le vicomte sur le terrain des aventures dalcôve, la marquise de Merteuil, de plus, est contrainte à la dissimulation. Son statut social (elle est marquise), matrimonial (elle est veuve) et son sexe (elle est une femme dans un monde dominé par les hommes) lobligent à la duplicité et à la tromperie.
Si le vicomte use aussi de ces armes, ce nest que pour séduire puis pour perdre, en les déshonorant, les femmes dont il fait la conquête. Il ne fait que prendre un chemin aisé qui ne transgresse que la morale de son époque. Certains diront qu'il se donne la mort pour avoir trahi Mme de Tourvel, d'autres penchent plutôt pour une autre thèse. Le Vicomte de Valmont reste un libertin et il serait trop simple de croire qu'une simple liaison puisse le ramener sur « le droit chemin ». La marquise de Merteuil et lui se livrent un combat à mort dans la dernière partie de l'œuvre, or, sa mort constitue la perte de son adversaire. Il meurt en la privant de sa réputation, chose vitale pour une femme du XVIIIe siècle. Le fait même qu'il remette au chevalier Danceny l'intégralité des lettres de Merteuil laisse à penser que son geste était mûrement réfléchi. C'est en se laissant tuer qu'il gagne leur bataille.
Pour être son égale, la marquise de Merteuil doit, en plus, réussir à sextraire du rôle qui lui est dévolu. elle utilise toute son intelligence pour conserver son indépendance, ses amants et sa réputation. Toute la force du roman réside dans la double narration de ces deux intrigues entremêlées. Le récit de leurs aventures libertines respectives, de leurs stratégies et de leurs péripéties mais aussi le combat quils se livrent lun contre lautre. Un combat qui apparaît tout dabord comme un jeu de séduction pour ensuite se transformer en rivalité destructrice.
En définitive, les deux combattants se prendront mutuellement ce quils ont de plus précieux. Le vicomte mourra en duel après avoir succombé à lamour de madame de Tourvel dont il aura pourtant causé la perte. La marquise de Merteuil perdra sa réputation, que toute sa vie elle sétait attachée à préserver, sa fortune, en perdant un procès et sa féminité quune petite vérole flétrira en la défigurant.
1959 : Roger Vadim, Les
Liaisons dangereuses 1960. Avec : Jeanne Moreau (Madame de Merteuil),
Gérard Philipe (Valmont), Annette Vadim (Madame de Tourvel), Jeanne
Valérie (Cécile Volange) et Jean-Louis Trintignant (Danceny).
1988 : Stephen Frears, Dangerous Liaisons. Avec Glenn Close (Madame de Merteuil), John Malkovich (Valmont), Michelle Pfeiffer (Madame de Tourvel), Uma Thurman (Cécile de Volanges) et Keanu Reeves (Danceny). 1h59.
1989 : Milo Forman, Valmont. Avec : Colin Firth (Valmont), Annette Bening (Madame de Merteuil), Meg Tilly (Madame de Tourvel), Fairuza Balk (Cécile de Volanges) et Henry Thomas (Danceny). 2h20.
1999 : Roger Kumble, Sexe intentions transposition modernisée à Manhattan, avec Ryan Phillippe (Sebastian Valmont), Sarah Michelle Gellar (Kathryn Merteuil), Reese Witherspoon (Annette Hargrove), Selma Blair (Cecile Caldwell) et Joshua Jackson (Blaine Tuttle)
2003 : E J-yong, Untold Scandal. Transposition
dans un contexte historique sud-coréen, avec notamment Bae Yong-jun
et Lee Mi-suk
2012 : Jin-ho Hur, Dangerous Liaisons, film chinois où l'intrigue du roman est transposée dans le Shangaï des années 30, avec Ziyi Zhang, Dong-kun Jang et Cecilia Cheung
Les deux versions de Stephen Frears et Milo Forman de 1988-89 conservent le cadre du XVIIIe siècle français alors que la version de Vadim de 1959 et les suivantes de 1999 à 2012 transposent le contexte historique et géographique.