Editeurs : Potemkine et Agnès B, Octobre 2012. 20 €.

Suppléments :

  • Rip Van Marlowe, un documentaire de Greg Carson, 26min
  • Interviewes de Robert Altman et Elliott Gould, 1970, 9min

 

Philip Marlowe, détective privé solitaire, est aussi un ami dévoué. Lorsque son ami Terry Lennox vient le trouver en pleine nuit, il accepte de le conduire au Mexique sans poser la moindre question. De retour à Los Angeles, il est accusé de complicité dans une épineuse affaire de crime passionnel et de dettes. Le prétendu suicide et les aveux posthumes de Terry devraient mettre fin à l’affaire, pourtant rien ne pourra détourner Marlowe de la vérité : ni les charmes de ses langoureuses voisines hippies, ni la douce Eileen Wade, ni même la disparition de son chat…

Dans la première moitié de la décennie 70, le film noir connait une profonde mutation. Hitchcock met à mal ses héros dans Frenzy (1971) et Complot de famille (1975). Les Sam Spade et Philip Marlowe des années 40 deviennent des policiers aux prises avec une banalisation du mal dans l'exercice de leur métier dont ils ne peuvent sortir indemnes. Ce seront L'inspecteur Harry (Don Siegel, 1971), French connection (William Friedkin, 1971), Les flics ne dorment pas la nuit (Richard Fleischer, 1972), The offence (Sidney Lumet, 1973) et Serpico (Sidney Lumet, 1973). Seul Roman Polanski parvient une dernière fois, avec Chinatown (1974), à redorer le blason terni du détective privé mais dans un Los Angeles reconstitué de la fin des années 30.

En 1973, Altman choisit une voie médiane. Le Philip Marlowe de The Long Goodbye, roman de Raymond Chandler daté de 1953, est transplanté vingt ans plus tard à Los Angeles. Au tout début du film, il semble émerger d'un sommeil de vingt ans en être resté au temps des allumettes. Il est le dépositaire de valeurs qui n'ont plus court : désintéressement, honnêteté, amitié. En cela, il est finalement très proche de l'esprit de Chandler. Il s'en retourne, une fois la vengeance accomplie, en dansant comme à la fin des Temps modernes.

Il semble comme lavé des années 70, prêtes à toutes les compromissions pour de l'argent alors que s'éloigne le rêve d'une contreculture. Tous les personnages semblent enfermés dans des bulles distinctes : le gardien de la villa Malibu qui vit dans le souvenir des grands acteurs d'Hollywood, les beatniks dans le rêve de la contre-culture. C'est l'époque des hippies : on mange sainement, on fait du sport, il faut être cool, tout est très lisse. L'élégance désespérée de Marlowe contraste avec ce laisser-aller comme avec la violence du malfrat qui fracasse une bouteille de coca-cola sur sa compagne pour menacer Marlowe : "Elle je l'aime et toi je ne t'apprécie même pas". La scène avec le chat est emblématique. Marlowe sait qu'on ne peut pas flouer la vie, le chat reste avec lui tant qu'il le nourrit.

Eliot Kasner avait d'abord proposé le film à Bogdanovitch qui voulait engager Robert Mitchum et Lee Marvin. En choisissant Elliot Gould, qui a enchainés les échecs, Altman fait un autre choix. Gould n'a ni le charisme ni le machisme de Bogart ou Mitchum. Il parait naïf et innocent mais sa candeur évite au film de tomber dans le cynisme. Hayden, en scénariste déchu, joue en partie son propre rôle, rongé par le remord d'avoir dénoncé les communistes au sénateur McCarthy. Son suicide évoque celui de Une étoile est née (Cukor, 1954). Le film est ainsi coécrit par Altman et Leigh Brackett mais aussi par les acteurs auxquels il est laissé une large part d'improvisation. Leigh Brackett meurt avant la sortie du film en ayant approuvé les changements.

Altman et son chef opérateur, Wilmoz Zsigmond, font une grande utilisation du zoom notamment pour la mort de Hayden. Il est parfois combiné aux déplacements d'appareils (sur la plage). Wilmoz Zsigmond utilise le postflashage. Il obtient un voile doré hollywoodien qui atténue les contrastes contrairement à la sous exposition ou au Technicolor avec ses couleurs et contrastes très marqués. Le postflashage ou latensification s'effectue sur la pellicule impressionnée. Cela consiste à augmenter le nombre de germes développables en soumettant l'émulsion à un traitement lumineux qui transforme certaines molécules d'iodure d'argent en argent pur. En dosant correctement le traitement, seules les particules d'argent qui ont déjà reçu une lumination lors de la prise de vue vont passer le seuil à partir duquel elles deviennent développables. En pratique cela consiste à sous exposer lors de de la prise de vue puis à exposer le film à l'action d'une lampe de laboratoire puis à développer ensuite normalement le film.

 

Présentation de Jean-Baptiste Thoret

Eliot Kasner propose d'abord le film à Bogdanovitch qui veut Mitchum et Lee Marvin. En choisissant Elliot Gould qui a enchainés les échecs, Altman fait un autre choix, celui d'une grande forme chorale avec démocratisation du rôle de personnages qui préfigure toute les séries télévisées. Le film est coécrit par Altman, Leigh Brackett et les acteurs auxquels il est laissé une large part d'improvisation. C'est vrai pour Gould mais aussi pour Hayden qui, en scénariste déchu joue en partie son propre rôle, connaissant le remord d'avoir dénoncé les communistes au sénateur McCarthy. Son suicide évoque celui de Une étoile est né.

Contrairement à Polanski qui, dans Chinatown perpétue l'intrigue dans les années 30, Altman transpose The long Goodbye de Chandler dans les années 70, prêtes à toutes les compromissions pour de l'argent alors que s'éloigne le rêve d'une contreculture. Tous les personnages semblent enfermés dans des bulles distinctes : le gardien de la villa Malibu qui vit dans le souvenir des grands acteurs d'Hollywood, les beatniks dans le rêve de la contre-culture. L'élégance désespérée de Marlowe contraste avec la violence du malfrat qui fracasse une bouteille de coca-cola sur sa compagne et dit à Marlowe : "Elle je l'aime et toi je ne t'apprécie même pas".

Gould n'a ni le charisme ni le machisme de Bogart. Il parait naïf, innocent et sa candeur évite au film de tomber dans le cynisme. Au tout début du film, il semble émerger d'un sommeil de trente ans en être resté au temps des allumettes. Il est le dépositaire de valeurs qui n'ont plus court, désintéressement, honnêteté, amitié. En cela il est finalement très proche des valeurs de l'esprit de Chandler. Il s'en retourne, une fois la vengeance accomplie, en dansant comme à la fin des temps modernes.

Interviewes de Robert Altman et Elliott Gould (1970, 9')

Pour Gould, la scène avec le chat est emblématique. On ne peut pas flouer la vie, le chat reste avec lui tant qu'il le nourrit.

Rip Van Marlowe (Greg Carson, 2002, 26')

Leigh Brackett meurt avant la sortie du film. Elle avait donné sa bénédiction aux changements. Sur le plateau, on surnommait le personnage, Rip van Marlowe. C'est l'époque des hippies : on mange sainement, on fait du sport, il faut être cool, tout est très lisse.

Wilmoz Zsigmond utilise le postflashage. Il obtient un voile doré hollywoodien qui atténue les contrastes contrairement à la sous exposition ou au Technicolor avec ses couleurs et contrastes très marqués. Grande utilisation du zoom notamment pour la mort de Hayden. Il est parfois combiné aux déplacements d'appareils.

 

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présentent
 
Le privé de Robert Altman