Editeur : Mk2. Avril 2008.

Suppléments:

  • Préface de Luc Lagier (0h03)
  • Dans le labyrinthe (0h42)
  • Les coulisses du tournages (0h26)
  • Entretien avec Gus van Sant (0h13)

Alex écrit sur un cahier chez son oncle dans une maison à Gearhart, au bord de la mer. Le titre est paranoid park, le skatepark le plus renommé et le plus malfamé de Portland. Ecrivant sur un banc près de la mer, il se souvient qu'à son copain Jared qui voulait l'y entraîner, il avait répondu : "On n'est jamais prêt pour paranoid park". Pourtant le lendemain ils s'y étaient rendu.

Contrairement aux films de la trilogie Gerry - Elephant - Last days où la mort est la figure centrale, le crime commis involontairement par Alex est ici le catalyseur d'une transformation. Alex va se libérer des contradictions qu'il subissait jusqu'à présent et tenter de réunifier une vie brisée en plusieurs morceaux.

La figure grotesque et horrible du gardien coupé en deux est à l'image de la vie d'Alex dont la famille est séparée comme sont séparés sa vie entre l'école et le skate, entre Jennifer et Macy. Le meurtre que Gus van Sant montre symboliquement au milieu du film, à la 43ème minute d'un film qui en compte 81, sépare le film en deux. Une première partie construite autour de l'enfouissement du souvenir et une seconde axée sur le cheminement vers la libération de ce qui l'oppresse.

Comme dans La fureur de vivre, film majeur sur l'adolescence, la transformation est acquise au prix d'une mort, le jeune Platon dans le film de Nicholas Ray, le gardien dans le film de Gus van Sant. Paranoid Park reprend la problématique déjà travaillé dans My own private Idaho et Will Hunting du dépassement d'un refuge dans une marginalité sympathique mais sans issue vers une transformation rendant possible l'age adulte. Si le crime est un catalyseur, la réaction qui conduit à la libération et l'unification d'Alex est composée de l'amour de Macy mais aussi d'un processus créateur en l'occurrence l'écriture d'une longue lettre. Et Gus van Sant ne va cesser d'accoler dans une image cristal, d'une part image ou son réel et, d'autre part, image ou son virtuel pensés ou ressentis par Alex.

Rebel without a cause

Dans le titre original du film de Nicholas Ray, c'était moins le personnage interprété par James Dean qui était un rebelle que le jeune Platon qui, abandonné de ses parents, cherchait entre Jim et Judy une famille de substitution. Alex est ici un adolescent qui tente de se trouver une famille d'élection au sein de la communauté des skaters.

Très nettement en manque de figure de l'altérité avec un père et une mère absente, une petite amie qu'il subit plus qu'il aime et un ami qui l'abandonne dès qu'il s'agit de baiser, il reste enfermé en lui-même. Il voit les skaters comme une possible famille de substitution. En attendant Paranoid Park constitue un univers mental coupé du monde réel, une évasion. Les deux premiers flash-back sur Paranoid Park filmés en super8 sont des images mentales, où Alex rêve sa prestation idéale. Les jeux de regards, la position assise, identique au début et à la fin de sa prestation, la musique planante, les ralentis et le bruit sec du retour à la réalité de son ami Jared qui, lui, a effectué un vrai tour de piste, une prestation probablement insignifiante, sont des marqueurs du rêve éveillé.

amorce du rêve (voir: dehors)
retour au réel (voir : paranoid)

Alex n'est pas prêt pour Paranoid Park, c'est à dire prêt physiquement à entrer dans le monde d'une adolescence dirigée vers le monde adulte, et il se contente donc de rêver sa prestation de skate car c'est bien lui, casquette et tee-shirt marron griffé de blanc, que l'on voit évoluer sur la piste.

Mais il devra aussi avoir une vie plus nette avec la séparation assumée de ses parents et sa propre séparation de la famille. Celle à qui il rêve sans encore le savoir est bien sûr Macy. Gus van Sant traduit cette attente avec un flash-forward. Lorsque Alex s'endort, épuisé après le crime accidentel, le raccord se fait sur la scène au café après sa séparation d'avec Jennifer, où Alex avoue qu'il lui est arrivé quelque chose :

"Au moins c'est clair, mes parents ont pris la décision de divorcer. Ces petits problèmes c'est que dalle la guerre en Irak.. Mais il y a autre chose en dehors de la vie normale ; en dehors des profs, des ruptures, des filles.. quelque part. En dehors il y a différents niveaux de choses. Oui, il m'est arrivé quelque chose."

 

Endormi le soir du samedi, Alex rêve de sa recherche de Macy qui aura lieu bien plus tard (voir: Macy)

Dans cette première partie où la chronologie est déstructurée pour faire apparaître la confusion des sentiments d'Alex, ce flash-forward est porteur d'une attente inconsciente. C'est encore tout baigné de cette confiance qu'Alex écrivant voit Alex marchant au ralenti et comme dans un rêve importuné par Jennifer à laquelle il ne raconte rien de son drame du samedi et qui l'entraîne dans une vie d'adulte, celle que avec ses costumes et ses tenues de soirée.

Jennifer : le stéréotype de la vie de couple bourgeoise (voir: Jennifer)

Dans My own private Idaho, Van Sant s'appuyait sur Shakespeare pour faire de Scott un personnage au parcours semblable à celui de Henry V acceptant l'âge adulte après s'être mis sous la protection d'un Bob-Falstaff. Cette transition vers l'âge adulte l'amenait aussi à rejeter Mike, sympathique narcoleptique rebelle sans cause et sans famille que le dernier plan semblait abandonner à une mort aussi douce que tragique. Dans Will Hunting, Will dépassait aussi la fraternelle communauté de marginaux pour assumer son destin d'adulte prêt à prendre les risques d'une histoire d'amour.

Cette histoire d'amour se fait timide avec Macy qui n'ose éffleurer sa main dans le métro et devra prendre tout son souflle pour ce placer in fine dans la lettre-solution qu'elle propose à Alex :

"Tu t'en fous garde là, envoie là, brûle là, l'essentiel est d'écrire une lettre. Après, tu te sentiras soulagé. Ecris à quelqu'un à qui tu peux parler, à qui tu peux te confier ; pas à tes vieux, ni à tes profs. Ecris à un ami, à moi."

Alex répondra positivement à Macy en terminant sa lettre : "Il est tard, Macy je m'arrête là". Mais il lui faudra un long chemin avant d'en arriver là.

 

Un processus d'enfouissement puis de libération

Dans la mise à plat de la recherche de la vérité que constitue l'écriture de la lettre-roman toute la première partie est constituée de séquences qui seront ensuite reprises de manière plus complète et dans un autre contexte sonore après la description du meurtre. La fameuse phrase "On n'est jamais prêt pour Paranoid Park" est d'abord énoncée off avant d'être dite in, le retour après l'accident meurtrier comporte une brève séance de douche reprise plus longuement par la suite dabs un environnement sonore de jungle équatoriale et le coup de fil au père se fait d'abord de manière partielle et sans le son.

La télévision puis le journal lui confirme ce qu'il avait tenté d'oublier comme il tente d'oublier la séparation de ses parents. Mais Alex s'enferme toujours à lui-même sans trouver le moyen d'en sortir.

"J'avais essaye d'oublié mais la photo a tout fait revenir". Ce n'est qu'après un retour sur l'écriture qu'Alex décrit enfin la scène de l'accident criminel dont il est responsable. La situation d'écriture est nouvelle, il est non plus sur le banc près de la mer mais dans la maison et reprend et réarrange les feuilles arrachées de sa narration.

Cette expérience traumatisante aura le mérité de déchirer la passivité dont il faisait preuve jusque là et le décidera à rompre avec Jennifer. Sortant de l'engrenage des parents absents (père halluciné qui quitte le domicile conjugal, mère trop faible pour pousser Alex à avouer, jeune frère qui vomit d'angoisse dans un sac) et d'amis superficiels, il saura, littéralement tiré hors de là par Macy retrouver un visage d'ange derrière les flammes du feu purificateur.

 

L'image cristal : connexion rapide entre le réel et le virtuel

Gus vans Sant affirme qu'utiliser le super 8 lui permet d'explorer "des territoires plus instables". les différences de texture de la pellicule sont redoublés par des durée de plans disparates (lent travelling avant de 3mn15 ou montage rapides de plans aux échelles très différentes) des vitesses de défilement allant du ralenti à l'accéléré et des musiques en apparente inadéquation avec les sujets (Juliette des esprits au générique et Amarcord rupture, 9eme symphonie sur corps mutilé, hard rock au ralenti I can help de Billy Swan dans les couloirs, Elliot Smith sur le feu de camp des plans très lents travelling) passage du flou au net (le père figure mal définie) différence d'exposition lumineuse, envahissement de la bande son par des bruits d'animaux et bien sur montage non chronologique

Ces choix peuvent être justifiés par des raisons formelles (super huit technique légère pour filmer les skaters sur leur planche) ou de circonstance (Doyle connu pour ses ralentis et skates très rapides plus esthétique de les ralentir)

La seconde séquence de rêve sera plus sombre, Alex skatant dans un immense tuyau bétonné.

Filmer depuis les impressions sensibles d'Alex ralentis comme dans éléphant, les moments d'émotions intenses (skates mais aussi marche dans les feuilles d'automne, ou soulagement après l'interrogatoire même si inquiétude il se retourne plusieurs fois) et l'accéléré comme ce qui dépasse sa perception (soit l'agitation du monde dans le générique soit l'affolent au moment où il jette la planche) la musique fait le lien entre les scènes I can help s'arrêtant après le début du long plan séquence pour marquer le début de l'interrogatoire alors qu'à la sortie The white lady loves you more de Elliott Smith raccorde le soulagement d'Alex avec les images de ses amis skaters de Portland

L'image très forte du gardien coupé en deux est donnée comme un symbole qui conduit à un vrai changement que Gus van Sant n'hésite pas à accompagner de la neuvième symphonie de Beethoven. Nous ne sommes pas dans la réalité mais dans l'écriture, le souvenir, le cinéma.

 

J.-L. L. le 26/04/2008.

 

Préface de Luc Lagier (0h03)

Automne 2006, Gus van Sant tourne dans les rues de Portland. Roman de Blake Nelson (Girl, Rockstar superstar 9eme livre). Le livre s'ouvre par une citation de Crimes et châtiments de Dostoevsky. Le roman décrit la culpabilité de cet adolescent tiraillé entre le mensonge et la confession.

 

Dans le labyrinthe (0h42)

Le récit du livre est linéaire et cohérent alors que le récit du film est allusif, mensonger et désordonné reflétant la personnalité d'Alex.
Le roman se compose de sept chapitres qui commencent tous par une date, un lieu, une heure et par le commencement d'une lettre. la mort du vigile est révélée dès le premier chapitre.

Le changement de la texture de pellicule du 35 mm au super huit (technique légère pour filmer les skaters sur leur planche) permet aussi d'explorer "des territoires plus instables". Musiques disparates : Juliette des esprits au générique et Amarcord et comme en rupture avec l'image : 9eme symphonie sur corps mutilé, hard rock au ralenti. Seule la musique d'Elliot Smith sur le feu de camp permetde retrouver uen harmonie entre image et son

Les coulisses du tournages (0h26)


Sans intérêt si ce n'est de montrer le tournage de deux scènes non retenues lors du montage final : confessions à Scratch et ballades en chevaux.

 

Entretien avec Gus van Sant (0h13)

Paranoid park est un roman pour ados très simple, écrit par un jeune adulte. Gus van Sant a écri trois histoires possibles. Le montage suppose un équilibre après le désordre introduit dans la narration. Dans les autres films, le meurtre était au centre de l'histoire. Ici il est plutot le catalyseur. Dans le livre, le gardien est écrasé. Le fait qu'il soit coupé en deux est une idée de Gus van Sant car beaucoup de choses sont coupées en deux comme la famille d'Alex. L'accident se produit au milieu de l'histoire. Les idées légales et illégales. On ne voit pas les parents d'Alex. Il les perçoit comme un peu vague.

Casting à New-York et Los Angeles mais les jeunes de Portland (1 500 auditions) l'ont emporté. Seule Jennifer est interprétée par une professionnelle.

Se fiant sur son expérience passée, Gus van Sant dit que les skaters se sentent libres car ils ne vont pas à la même vitesse que les gens, du moins en milieu urbain.. car pas assez de ciment à la campagne

Chris Doyle connus pour ses ralentis, les skaters vont vite donc naturel de les ralentir. Film proche de La fureur de vivre. Les réponses ont changé mis les questions sont les mêmes

 

 

 

 
présente
 
Paranoid park de Gus van Sant