Editeur : Carlotta-Films. Septembre 2013. Nouveau master restauré haute définition. 17 €.

Suppléments :

  • Oberwald onirique (18mn). En adaptant et remaniant la pièce de Jean Cocteau L'Aigle à deux têtes, Antonioni a réorienté son film Le Mystère d'Oberwald vers une expérimentation phénoménale sur la couleur. Sous l'éclairage d'Aurore Renaut, enseignante en cinéma italien à l'Université de Paris VIII.
  • La bande-annonce

Sébastien, un jeune poète révolutionnaire, s’introduit au château d’Oberwald pour commettre un attentat contre la reine du royaume. Blessé par les gardes, il s’évanouit aux pieds de celle-ci, qui le dissimule dans sa chambre. Vivant recluse depuis l’assassinat du roi, la reine ne demande qu’à connaître un sort similaire à celui de son mari. Elle propose alors un pacte au jeune homme : elle le gardera trois jours à son service, durée au cours de laquelle il devra la tuer, sans quoi elle le livrera au chef de la police, l’ignoble comte de Fœhn. Ils tombent cependant rapidement sous le charme l’un de l’autre…

Sur proposition de la RAI, Antonioni adapte et remanie la pièce de Jean Cocteau, L'Aigle à deux têtes. Comme la télévision avait intéressé Jean Renoir en 1959 avec Le testament du docteur Cordelier où il avait expérimenté le filmage à plusieurs caméras ou comme elle avait intéressé Rossellini dans ses films didactiques et historiques, Antonioni s'empare de la télévision pour faire des expérimentations sur la couleur. Le mélodrame historique baroque de Cocteau va devenir un mélodrame onirique néanmoins ancré dans le drame politique du pays, le terrorisme.

Antonioni, plasticien électronique

A la même époque, Antonioni réalise ses "Montagnes enchantées" minuscules aquarelles qu'il photographie et agrandit de manière démesurée. L'expérimentation vidéo, lui permet de réaffirmer son goût de plasticien électronique. Ce projet va lui permettre en effet de manipuler plusieurs caméras à partir d'une seule console et de mélanger les couleurs sur le plateau sans avoir attendre le retour de rushes du laboratoire. Le tournage dura 64 jours. "Grâce à un correcteur de couleurs, je pouvais, comme un peintre, ajouter du rouge, du vert, du bleu, du jaune. On peut intervenir tant sur les décors que sur le visage des acteurs en modifiant l'image, en modifiant un ton, une couleur en rapport avec la psychologie de l'action".

Les effets de couleurs sont parfois très subtils. A l'aube, le paysage et les bâtiments s'illuminent de l'intérieur et non de l'extérieur ; ailleurs un mystérieux motif apparaît et se déforme sur le mur du château ; et lorsque Sébastian surgit les couleurs du portrait du roi s'intensifient. Les effets sont parfois plus caricaturaux : le méchant, le chef de la police, reçoit une teinte violette au moment où il se montre le plus malveillant.

Tourné en vidéo et transféré par technologie laser sur pellicule 35 mm, l'image cinéma est rudimentaire. Les effets rappellent les origines de la colorisation au cinéma : teinte pour l'évolution des émotions, le halo violet accusateur du comte de Fœhn qui le suit. Le traitement de l'image tire le film du côté du mélodrame onirique plus que de l'histoire.

Un mélodrame marqué par le terrorisme

L'Aigle à deux têtes, écrit en 1946, est d'abord une pièce de théâtre avec Jean Marais et Edwige Feuillère qu'il tourne ensuite pour le cinéma en 1948. Jean Marais avait imposé trois conditions surréalistes : il voulait rester silencieux au premier acte, pleurer de joie au second, et tomber dans un escalier au troisième. Le modèle historique de l'étudiant serait Louis II de Bavière et celui de la reine, Sissi.

Antonioni n'est pas très porté sur Cocteau. C'est un choix de Monica Vitti et Antonioni l'accepte car le texte et l'intrigue simples feront ressortir le travail en vidéo. Avec son scénariste attitré, il adapte le texte avec "un détachement respectueux". Il modernise les dialogues : "J'ai dépoussiéré le texte car ma pudeur s'accommode mal des excès du mélodrame". Son unité de temps et de lieu est respectée.

Le décor aussi est débarrassé des fioritures baroques de la pièce. Le contexte reste aussi presque identique, de la 2e partie du XIX en Autriche à 1903 en Allemagne. Le terrorisme quotidien de ces années là (le film est présenté à Venise en septembre 1980 alors qu'aura lieu en décembre l'attentat de la gare de Bologne) est très présent. "On m'a accusé de fermer les yeux sur la réalité quotidienne et son cortège de violence particulièrement en Italie. C'est faux ! Dans ce scénario dramatique, l'anarchiste, le terroriste et, le policier, l'attentat, qui appartiennent à notre vocabulaire quotidien, reviennent constamment".

La réception critique de l'œuvre est mesurée. Le film, attendu pendant cinq ans après le chef-d'œuvre qu'est Profession reporter, déçoit. Trop différent, il apparait comme le vilain petit canard de l'œuvre d'Antonioni. Comme celui-ci est un peu déçu de cette réception, il dira, quand on l'interroge sur la signification du titre : "le mystère consiste peut-être à savoir pourquoi j'ai fait ce film". Le film ne sort en France qu'en 1989.

 

Oberwald onirique (18mn)

Pour Aurore Renaut, enseignante en cinéma italien à l'Université de Paris VIII, en adaptant et remaniant la pièce de Jean Cocteau, L'Aigle à deux têtes, Antonioni a réorienté son film, Le Mystère d'Oberwald vers une expérimentation phénoménale sur la couleur. L'Aigle à deux têtes, écrit en 1946, est d'abord une pièce de théâtre avec Jean Marais et Edwige Feuillère qu'il tourne ensuite pour le cinéma en 1948. Jean Marais avait imposé trois conditions surréalistes : il voulait rester silencieux au premier acte, pleurer de joie au second et tomber dans un escalier au troisième. Le modèle historique de l'étudiant serait Louis II de Bavière et celui de la reine, Sissi.

Antonioni et son scénariste attitré, adaptent le texte avec "un détachement respectueux". Ils modernisent les dialogues : "J'ai dépoussiéré le texte car ma pudeur s'accommode mal des excès du mélodrame". Le décor aussi est débarrassé des fioritures baroques de la pièce. Son unité de temps et de lieu est respectée. Le contexte reste aussi presque identique, de la 2e partie du XIX en Autriche à 1903 en Allemagne. Le terrorisme quotidien de ces années là (le film est présenté à Venise en septembre 1980 alors qu'aura lieu en décembre l'attentat de la gare de Bologne est très présent. "On m'a accusé de fermer les yeux sur la réalité quotidienne et son cortège de violence particulièrement en Italie. C'est faux. Dans ce scenario dramatique, l'anarchiste, le terroriste et, le policier, l'attentat, qui appartiennent à notre vocabulaire quotidien reviennent constamment. Le texte et l'intrigue simples font ressortir le travail en vidéo. Ce projet de la RAI intéresse Antonioni comme la télévision avait intéressé Jean Renoir en 1959 avec Le testament du docteur Cordelier où il avait expérimenté le filmage à plusieurs caméras ou Rossellini dans ses films didactiques et historiques. Là, c'est la couleur qui intéresse Antonioni : "Grâce à un correcteur de couleurs, je pouvais, comme un peintre, ajouter du rouge, du vert, du bleu, du jaune. On peut intervenir tant sur les décors que sur le visage des acteurs en modifiant l'image, en modifiant un ton, une couleur en rapport avec la psychologie de l'action".

Tourné en vidéo et transféré par technologie laser sur pellicule 35 mm, l'image cinéma est rudimentaire. Les effets rappellent les origines de la colorisation au cinéma : teinte pour l'évolution des émotions, le halo violet accusateur du comte de Fœhn qui le suit. Le traitement de l'image tire le film du côté du conte et de l'onirisme plus que de l'histoire. Antonioni y réaffirme son goût de plasticien électronique. A la même époque il réalise ses "montagnes enchantées" minuscules aquarelles qu'il photographie et agrandit de manière démesurée.

La réception critique de l'œuvre est mesurée. Le film, attendu pendant cinq ans après le chef-d'œuvre qu'est Profession reporter, déçoit. Trop différent, il apparait comme le vilain petit canard de l'œuvre d'Antonioni. Comme celui-ci est un peu déçu de cette réception, il dira, quand on l'interroge sur la signification du titre : "le mystère consiste peut-être à savoir pourquoi j'ai fait ce film". Le film ne sort en France qu'en 1989.

 

Retour à la page d'accueil

 
présente
 
Le mystère d’Oberwald de Michelangelo Antonioni