Editeur : Carlotta-Films. Avril 2012. Nouveau master restauré haute définition. Durée du film : 2h00. 15 €.

 

En 1938, à Zurich, Willie, une chanteuse allemande, aime Robert, un musicien qui appartient à une organisation secrète chargée d’aider les Juifs à fuir l’Allemagne. Le père de Robert refuse cette liaison et fait en sorte que les deux amants soient séparés. La guerre éclate. Forcée de rester en Allemagne, Willie enregistre une chanson, « Lili Marleen », diffusée aux quatre coins du Reich et qui devient un véritable triomphe. Les soldats font de cette chanson leur hymne, les Nazis leur emblème, mais le destin réunit à nouveau Willie et Robert…

Pour Thomas Elsaesser( R. W. Fassbinder : Un cinéaste d'Allemagne ): "Lili Marleen est avant tout un film sur le fascisme qui construit son récit autour d'un effet de montage paradoxal, mais historiquement avéré : la rencontre de hasard entre une chanson d'amour et une guerre mondiale. Le scénario de Purzer était basé sur l'événement central de la vie de Lale Andersen, une série de hasards qu'une chanson - Der Wacheposten (Le poste de garde), paroles de Hans Leip, musique de Norbert Sculze- aura fait surgir. Cette chanson a été le grand succès de l'année 1943, au cours de laquelle elle fut diffusée chaque nuit par radio Belgrade, l'émetteur de l'armée allemande dans la Serbie occupée. D'autres stations et même certaines stations du côté Alliés la reprirent, de sorte qu'elle devint une sorte de signe de reconnaissance commun à tous les soldats confinés dans les tranchées de l'Europe entière. Pendant quelques temps, la chanson fut même interdite par Goebbels, le ministre de la propagande à cause de se tendances défaitistes, mais l'ampleur des protestations obligea vite le régime à lever l'interdiction (…)

L'histoire de Lale Andersen est intéressante aussi. Chanteuse de cabaret d'avant-garde de la fin des années 1920, Lale Andersen, rencontra le jeune compositeur juif Rolf Liebermann au début des années 1930 lors d'une tournée. Libermann qui vivait à Zurich, tomba amoureux d'elle. Les deux amants se retrouvaient souvent à Munich et à Zurich, ce qui ne manquait pas d'attirer les soupçons de la gestapo qui se mit à les surveiller. La question reste ouverte de savoir si le couple s'est effectivement engagé dans des activités politiques. (...)

Le fil narratif de Lilli Marleen suit les circonstances qui forcent les amants à s'identifier aux groupes qui font justement obstacle à leur amour, la résistance juive pour Robert, le show business pour Willie. Les deux personnages se modifient conformément à l'image que se font d'eux les univers auxquels ils ne participent qu'à leur corps défendant, mais, en même temps, ils tentent d'utiliser ces images pour intensifier leur amour. Robert opte pour le monde des devoirs politiques et moraux, dominé à tous égards par la figure de son père, de sorte qu'il finit par se définir entièrement à l'intérieur des limites œdipiennes du patriarcat. L'univers du spectacle, de la scène de l'autoreprésentation que choisit Willie est un synonyme du nazisme. La différence entre les " inscriptions " de Robert et Willie dans l'ordre social symbolique reproduit les rôles traditionnels dévolus à chaque sexe par la société. A l'homme, la loi du père prescrit le devoir, le travail et le déni de soi, à la femme la condition d'image fétiche et le rang d'objet (...)"

Source : Thomas Elsaesser, R. W. Fassbinder : Un cinéaste d'Allemagne. (Centre Pompidou, 2005) P. 251 et 266.

 

 

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Lili Marleen de Rainer Werner Fassbinder