DVD  House by the river de Fritz Lang chez Wild side video

Editeur : Wild Side Video, mai 2007. 1h34 | Anglais & Français

Suppléments : DVD 2 (75')

  • Fritz Lang par William Friedkin : le célèbre réalisateur s'entretient avec le maître (47' - N&B - 1975)
  • Entretien avec Pierre Rissient (critique) (13')
  • Entretien avec Patrick Brion (13')
  • Galerie photos

La fin de l'ère victorienne. Le romancier Stephen Byrne vit dans une villa de style rococo proche d'un fleuve marécageux charriant toutes sortes de débris et d'épaves noirâtres qui font le désespoir de sa voisine Mrs Ambrose. Il est fréquent que les manuscrits de Byrne lui soient renvoyés par les éditeurs et l'écrivain dissimules ses frustrations sous un charme un peu fuyant et une élégance faussement décontractée.Un soir, en l'absence de sa femme Marjorie, il tente de violer leur servante Emily, et comme elle se débat, il l'étrangle....

Ce petit film au budget modeste fut longtemps ignoré. Jamais distribué en France, mais connu de longue date des cinéphiles et passé tardivement à la télévision (1979 puis 2004), il clôt brillamment la série des trois films explicitement psychanalytiques dont les deux premiers opus sont La femme au portrait et Le secret derrière la porte.

Pour le coté psychanalytique, on remarquera la mécanique du désir enclenchée dès l'arrive d'Emily dans la profondeur de champ et surtout dès le regard de Stephen sur la fenêtre de l'étage qui s'éclaire lorsque Emily y pénètre. Ce plan est réaliste : Stephen regarde le fenêtre qui s'éclaire.

vers l'objet du désir : un regard conscient

Il se retourne alors vers sa page qu'il rature. Il se balance sur sa chaise et secouant l'encre de son stylo. Lang insère alors, dans le dos de Stephen, un gros plan de la fenêtre qui ne peut être lu cette fois que comme un flash mental. Celui-ci suggère très explicitement que Stephen pense au corps d'Emily. La fenêtre est vue cette fois d'assez près pour que l'on distingue le dessin du vitrail qui ressemble fort à un pénis en érection.

un inconscient qui travaille

Ce désir qui relie deux espaces séparés, Lang le figure aussi par le double mouvement de l'eau de la baignoire qui s'écoule et dont Stephen écoute la descente dans la gouttière lorsqu'il passe à proximité.

deux espaces maintenant reliés

Son regard s'élançant alors de celle-ci pour atteindre la fenêtre-penis cette fois dans un regard conscient.

pour lancer la machine folle du désir

Lang se gardera ensuite durant toute la durée du film de faire figurer l'étage de la maison vu de l'extérieur et sa fameuse fenêtre. Au-delà de ce petit jeu psychanalytique, le film est remarquable par la progression du remords qu'il met en place.

Les suppléments sont tous passionnants depuis l'entretien mythique de Friedkin avec Lang un an avant sa mort où il raconte sa célébre fuite de l'Allemagne au soir de sa rencontre avec Goebbels jusqu'à l'analyse de l'oeuvre et de son contexte par Patrick Brion en passant par les aventures de la réédition du film obtenue par Pierre Riessient.

Fritz Lang par William Friedkin (47' - N&B - 1975)

William Friedkin interroge Lang sur les débuts de sa carrière. De retour de la guerre, il est embauché par la UFA comme dramaturge superviseur de la narration. Il gagne ensuite la confiance de Erich Pommer.

Lang dit avoir détesté la morale de Metropolis (1927) décidée par Thea von Harbou : "Le médiateur entre le capital, le cerveau, et les mains, les ouvriers, devait être le cœur". Mais, finalement, en interrogeant les étudiants dans les années 60, il se dit que peut-être avait-elle raison.

Lors du tournage de La femme sur la lune (1929), on fait pression pour que le film soit parlant. Lang refuse car l'aternance de passages sonores et de passages sans son briserait le rythme prévu. Devant son obstination, La UFA, qui distribue, rompt le contrat avec la Fritz Lang film company.

M la maudit (1931) est un film plus personnel. Il choisit un inconnu, Peter Lorre, dont les rondeurs et le comportement rendaient a priori incapable de tels meurtres d'enfants. Lang fait jouer de vrais criminels pour la cour de "justice" finale. Pour Lang une phrase, coupée au montage, devait illustrer la morale du film : "il faudrait mieux les surveiller les petites". C'était pour lui plus important que la "justice" rendue.

C'est sur le tournage du Testament du docteur Mabuse (1933) qu'il est convoqué par Goebbels. Il craint d'être inquiété pour les travestissements des slogans nazis qu'il met dans la bouche de Mabuse. "Le citoyen moyen doit détruire les autorités qu'il a créées. Par la suite, sur la débâcle, sur les restes, nous bâtirons notre royaume pour un millénaire." disait Hitler. Lang fait dire la même chose à Mabuse en rajoutant "un millénaire…. de crimes."

Goebbels flatte Lang : Le führer a vu vos films (il n'a pas précisé lesquels). Voici l'homme qui créera le cinéma national socialiste. Lang objecte que sa grand-mère maternelle est juive. "M. Lang, c'est nous qui décidons qui est aryens" lui répond Goebbels.

Lang quitte immédiatement l'Allemagne sans passer à la banque grâce à son passeport pour la France et l'Angleterre avec qui il travaille régulièrement.

"Je hais les interviews. Un réalisateur qui doit s'exprimer est nul. Les films doivent parler pour lui". Deux jours d'interviews les 21 et 24 février 1975. Lang meurt le 2 août 1976.

 

Entretien avec Pierre Rissient (critique) (13')

Pierre Rissient raconte ses difficultés pour ressortir le film au Mac Mahon en 1964. Les droits du roman avaient été acheté pour une période de dix ans qui tombait en 1959. Republic picture, en perte de vitesse, ne produisant rien depuis 1958, ne pouvait plus le distribuer. Un riche collectionneur, David Bradley. Il trouve uen copie 35 mm chez un autre collectionneur américain. Celle-ci passe chez Brion deux fois.

 

Entretien avec Patrick Brion (13')

Ce film jamais sorti en France, Patrick Brion l'avait vu à Bruxelles grâce à Jacques Ledoux à la cinémathèque royale dans une copie sous-titrée bilingue. Republic picture ne possédait qu'une bobine abîmée de l'original ne voulait pas réparer la copie 35 mm. Celle projetée est constituée à partir d'un négatif 16 mm. Très bonne, elle restitue presque la totalité de la luminosité du film.

Le film fait partie du corpus nettement et ouvertement psychanalytique de Lang avec Le secret derrière la porte, La rue rouge et La femme au portrait. Il s'organise à partir d'un élément simple : un homme devient un criminel. Lang disait en effet : "J'en suis venu à la conclusion que l'esprit de chaque homme cache une pulsion latente pour le crime." Thème très hitchcockien. Lang, viennois, connaît Freud et arrive aux USA où ses thèses sont connues et utilisées notamment dans le film noir. Ici symbolisme de l'eau, sa mauvaise conscience le pousse à avouer en laissant son livre.

Pour rapprocher les personnages dans une communauté d'esprit possible pour le crime, Lang transforme l'ami du criminel dans le roman en un frère : il devient lui aussi un assassin en puissance.

Les deux univers du positif et du négatif restent superposés quand un incident vient à les mettre en relation et provoque le drame. Ce peut être le petit garçon de Moonfleet et ici le meurtre accidentel auquel est confronté le héros, plutôt sympathique, un écrivain qui est entraîne par une sorte de machine à tuer plusieurs personnes après ce premier crime accidentel.

La carrière de Lang oppose des maîtres criminels (Mabuse, les Nibelungen) et des êtres très simples, des méchants, héros moyens et sympathiques Jeremy Fox ou ceux interprétés par Edward G. Robinson. Il est le cinéaste du pré nazisme le plus conscient de la montée des périls. On voit dans Les espions, Mabuse, Le secret derrière la porte ou M des sociétés secrètes capables de faire leur propre loi en dehors de la police et de la justice.

Patrick Brion rend hommage à la Republic picture dirigée par Herbert J. Yates, sa spécialisation dans le serial et le western avec des équipes de cascadeurs très bonnes. Production de quelques films de prestige : Macbeth (Orson Welles) : Johnny Guitare (Nicholas Ray) plus certains de Allan Dwan ou John Ford.

 
présente
 
House by the river de Fritz Lang