Editeur : Carlotta-Films, mars 2010. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20€

Suppléments :

  • Entretien avec Helma Sanders-Brahms (11 mn). La réalisatrice d’Allemagne, mère blafarde revient, trente ans après, sur la genèse et la fabrication de son film.
  • Froide figure (26 mn). Par Marielle Silhouette, Maître de conférences à Paris IV. Issue de la même génération que Rainer Werner Fassbinder, Helma Sanders-Brahms a quarante ans lorsqu'elle réalise Allemagne, mère blafarde. Pour raconter son histoire et celle de sa mère, elle construit une vérité entre réalité et fiction et y mêle différents modes de figuration, poésie, théâtre, chant, danse et sculpture.

1939 : alors que les préparatifs de guerre se font de plus en plus ressentir, Lene rencontre Hans. Entre eux naît une histoire d'amour qui aboutit au mariage. Mais avec les débuts de la campagne de Pologne, Hans, mobilisé, doit rejoindre le lieu des hostilités. Les premiers temps, chacun tente de supporter la difficile situation de guerre du mieux qu'il peut.

L'intrigue du film est très proche du Mariage de Maria Braun de Fassbinder réalisé un an plus tôt. On trouve dans les deux films un mariage en temps de guerre, un amour brisé par la séparation, une femme qui espère des jours meilleurs après la guerre mais qui, face au "miracle économique allemand", vis à vis des valeurs humaines est conduite au suicide. Maria Braun se suicide au gaz le jour de la victoire de l'équipe allemande de foot, Lene s'y refuse finalement face à ses devoirs de mère. C'est elle qui permet la transmission. Le film est en effet un hommage de la réalisatrice à sa mère dont est ici racontée la vie avec une réflexion sur la mise en scène de l'histoire exceptionnellement lucide, courageuse, et bouleversante. (voir : la critique du film)

 

Entretien avec Helma Sanders-Brahms (11 mn)

La réalisatrice d’Allemagne, mère blafarde revient, trente ans après, sur la genèse et la fabrication de son film.

Très bien accueilli à la Berlinade en 1980, le film est ensuite complétement dénigré par la presse allemande excepté par Die Zeit. On repproche à Helma Sanders-Bramhs de s'être approprié l'histoire de l'Allemagne à partir de la seule histoire de sa mère. Mais c'est surtout l' esthétique de l'effroi et de la terreur qui gênent, son refus de l'enjolivement.

Elle a choist la citationde Brecht par la force littéraire et l'spect prophétique de ce texte de 1933. Les image documentaires sont les premières images en couleur de l'époque qui proviennent d'archives américaines.

Dénigré en Allemagne, le film devient culte en France, deopusi sa première sortie au festival du film féminin. Il reste un an et demi à l'affiche à Paris.

Froide figure (26 mn) par Marielle Silhouette

Formidable analyse historique et cinéphile de Marielle Silhouette, maître de conférences à Paris IV, sans laquelle on passera sans doute à côté du film.

Issue de la même génération que Rainer Werner Fassbinder, Helma Sanders-Brahms a quarante ans lorsqu'elle réalise Allemagne, mère blafarde. Pour raconter son histoire et celle de sa mère, elle construit une vérité entre réalité et fiction et y mêle différents modes de figuration, poésie, théâtre, chant, et danse.

Lene fait l'expérience de la reconstruction, celle des pères absents avec une forte présence des femmes, des femmes des décombres, celles qui reconstruisent alors que sont appelés au pouvoir fonctionnaires et grands juristes dans l'oubli de la Shoah et une dénazification non réalisée : Hans Globke, Ludwig Erhardt qui prend la succession de Konrad Adenauer de 1963 à 1966, Kurt Georg Kiesinger qui lui succède de 66 à 69 ont été dans l'appareil d'état nazi.

Lene avait souri sur sa maison en ruine. Avec la reconstruction, c'est le retour de l'enfermement dans la maison pour la femme allemande, celle des trois K : enfants, cuisine et église.

Helma Sanders-Brahms réalise en effet un film contre le cinéma pyrotechnique "bon,dit-elle, pour les généraux avec, revolver, meurtres et ketchup ". Elle s'en prend directement là à Hitler un film d'Allemagne et Hitler, une carrière. Helma Sanders-Brahms est à la cherche d'un nouveau réalisme, à la suite de Brecht qui intègre étrangeté et distanciation pour une recherche d'objectivité, de vérité qui passe par la cruauté du regard et par l'affirmation d'une vision personnelle posée sur l'histoire.

Helma Sanders-Brahms refuse ainsi de dérouler sa fable sur un mode continue et fluide, comme une évidence des événements avec une logique interne et nécessaire qui entraîne forcement l'identification du spectateur avec les personnages et, par voie de conséquences, ses effets d'illusion multiples : ennoblissement, héroïsation et pathétisme.

Elle refuse l'enjolivement et opte pour une esthétique de l'effroi et de la terreur avec le viol, la paralysie faciale et de l'extraction des dents (du mordant, de la vie). C'est une femme mise à terre, transformée en gueule cassée.

Cette biographie recourt à des modes de vérité que ce soit le fait que sa fille joue son rôle ou les anecdotes réelles telle la paralysie faciale ou l'extraction des dents. Mais il y a aussi des effets de déréalisation de la réalité : les textes littéraires avec le conte de Grim raconté durant le long exode, les regards face caméra de l'enfant, l'extrait de théâtre tiré du Faust 1 de Goethe, la promenade pascale, ou la longue citation de Brecht qui ouvre le film :. "Ô Allemagne, mère blafarde ! Comment tes fils t'ont-ils traitée pour que tu deviennes la risée ou l'épouvantail des autres peuples ? ..."

Alors que la fiction renvoie sans cesse aux effets de réel, les images d'archives documentaires servent d'accélérateur de la fiction, la rencontre avec l'enfant ou les deux soldats qui quittent le documentaire pour venir la violer. Le cinéma avec son objectif unique examine le monde comme Lene le fit en son temps avec un œil unique, terribre, cruel et lucide.

 

 
présente
 
Allemagne, mère blafarde de Helma Sanders-Brahms