Histoires du cinéma
Voir : Films et cinéastes russes
Le cuirassé Potemkine (S. M. Eisenstein, 1925)
Alexandra (Alexandre Sokourov, 2007)

I- 1896-1914 : naissance d'un cinéma russe.

La première représentation cinématographique publique en Russie eut lieu le 4 mai 1896 à Saint-Pétersbourg au théâtre d'été "L'Aquarium". C'est à la fin de l'année 1907 qu'Alexandre Drankov se lance dans la compétition avec les producteurs étrangers. Dès février 1908, Pathé lance un Cosaque du Don de cent trente mètres qui eut un grand succès, suivi de 22 petits films sous le titre La Russie pittoresque.

A partir de 1908 Alexandre Khanjonkov, moscovite de grande culture voit ses premiers films remarqués par une partie de l'intelligentsia mais sans grand succès commercial jusqu'à La Défense de Sébastopol, en 1911, tourné avec l'appui du tsar Nicolas II qui vit et apprécia le film en avant-première.

A partir de 1912, les producteurs se tournent vers les hommes de lettres pour leur demander des scénarios originaux ou pour adapter des oeuvres littéraires russes classiques. C'est aussi l'époque de l'apparition du star système. De grands acteurs russes devienent populaires comme Maximov et Ivan Mosjoukine puis une jeune actrice d'origine polonaise vite célèbre sous le pseudonyme de Pola Negri.

Les acteurs de théâtre commencent à venir au cinéma. Apparaissent aussi les premiers films réalisés par Yakov Protazanov qui allait devenir l'un des plus célèbres réalisateurs d'avant la Révolution : Les Clés du bonheur (1913). A la veille de la déclaration de la guerre de 1914, même si tous les films produits en Russie n'étaient pas de grande qualité, une authentique réflexion sur le cinéma en tant qu'art était née.


II La guerre 1914 et la révolution de 1917 renforcent le cinéma russe


Paradoxalement, la guerre de 1914 va renforcer le cinéma russe, d'abord en rendant à peu près impossible l'importation de films étrangers. Pendant les années 1914-1917 s'est confirmé le talent de réalisateurs tels que Yakov Protazanov, Vladimir Gardine, Piotr Tchardynine. Bauer favorise le développement du cinéma dans les domaines modernes, Protazanov lui fit faire des progrès importants dans les adaptations littéraires. Parmi les films les plus intéressants des années 1914 à 1917, beaucoup d'adaptations littéraires : Un nid de gentilshommes (1914, Vladimir Gardine), Guerre et Paix (1915, Vladimir Gardine et Yakov Protozanov), Le Chant de l'amour triomphant (d'après Tourgueniev, 1915, Evgueni Bauer), Les Possédés (1915, Yakov Protozanov), La Dame de Pique (1916, Yakov Protozanov).

Dans les jours qui ont suivi la révolution de février 1917, la Société Panrusse des propriétaires de théâtres cinématographiques réunissait 350 délégués pour tenter d'organiser en un syndicat unique et progouvernemental les professions du cinéma. Ce met en place un immense mouvement novateur né dans l'enthousiasme et animé par un grand nombre d'artistes de talent, très jeunes pour la plupart, tous mus par le même désir impérieux de créer un cinéma nouveau au service d'une société nouvelle. Parmi les premiers enthousiastes du cinéma post-révolutionnaire, le poète Maïakovski dont 3 scénarios ont été réalisés en 1918 (le plus connu est La Demoiselle et le voyou réalisé par Evgueni Slavinski). Edouard Tissé, le futur célèbre opérateur d'Eisenstein, fut chargé de filmer le premier anniversaire de la révolution et fut aussi responsable du département cinéma du premier "agit-train" créé en 1918. Le monteur des films documentaires réalisés par Tissé était un jeune cinéaste qui allait faire beaucoup parler de lui puisqu'il s'agissait de Dziga Vertov. Le couple Tissé-Vertov allait créer un nouveau genre : le cinéma-actualité. Parmi les nouvelles personnalités du cinéma Lev Koulechov, qui n'avait que 18 ans en 1917, mais avait déjà été l'élève de Evgueni Bauer et était déjà connu comme décorateur.


La signature par Lénine du décret du 27 août 1919 qui nationalisait la production et la distribution cinématographiques marque la naissance "officielle" du cinéma soviétique. Le contrôle presque constamment exercé par le pouvoir politique sur la création cinématographique a pour effet l'émigration d'un grand nombre de réalisateurs, de producteurs et d'acteurs (parmi eux Ladislas Starewitch, Yakov Protazanov, Joseph Ermoliev, Ivan Mosjoukine, Alexandre Volkoff, Nathalie Lissenko, Alexandre Khanjonkov).

Ainsi la période 1918 -1923 a été à la fois une période de réorganisation du cinéma et celle de l'explosion des idées novatrices. Le nombre de films produits est passé de 12 en 1921 à 68 en 1924. Chargé d'une mission politique et éducative essentielle, cet art populaire aux mains d'une élite enthousiaste allait créer dans les années suivantes des chefs-d'œuvre universellement reconnus.


III - 1924 -1933 : l'apogée du cinéma muet soviétique

C'est à partir de 1924 que sortent les films qui vont donner au cinéma muet soviétique sa réputation internationale de cinéma révolutionnaire ou d'avant-garde. Les premiers d'entre eux, réalisés en 1924, expriment les premières réflexions de leurs auteurs notamment sur le rôle du montage et sur le jeu des acteurs : Les Aventures extraordinaires de Mister West au pays des Bolcheviks de Koulechov interprété par les acteurs de son atelier parmi lesquels les futurs grands réalisateurs Boris Barnet et Vsevolod Poudovkine.

Les Aventures d'Octobrine de Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg, comédie de moyen métrage réalisée par les jeunes fondateurs de la FEKS (Fabrique de l'acteur excentrique) qui deviendront de célèbres réalisateurs.

Kino-Glaz (ou Ciné-œil) de Dziga Vertov, sorte de chronique documentaire où le réalisateur met en œuvre ses idées originales sur le cinéma sans scénario et sans acteurs.

Mais le premier "grand" film vint l'année suivante avec La Grève de Sergueï Eisenstein (1924, sorti en 1925) L'Age d'or du cinéma muet avait bel et bien commencé et devait durer jusqu'à l'apparition très progressive en URSS du cinéma parlant au début des années trente.

Entre 1930 et 1934, période qui correspond approximativement au 1er plan quinquennal (1929-1934), s'étteint le cinémamuet et l'avant-garde. la période est marquée par le suicide de Maïakovski et l'absence de 1929 à 1932 d'Eisenstein parti au Mexique (on trouvera dans le dossier-exposition Que viva Mexico de Kinoglaz une description détaillée de cette tragique aventure qui a privé Eisenstein de la possibilité de réaliser le film qu'il avait tourné pendant 14 mois). Cette période s'achève avec le congrès des écrivains qui marque le début du réalisme socialiste (août 1934) et l'assassinat de Kirov (décembre 1934) et le début des grandes purges.

IV Le cinéma sous Staline

sous l’effet de la terrible phrase d’un Staline grand amateur de cinéma ("Le cinéma est le plus efficace outil pour l’agitation des masses. Notre seul problème, c’est de savoir tenir cet outil bien en main", 1924), le "ciné-monde soviétique" s’est longtemps réduit à quelques noms

Les années 1930 marquent un tournant dans l’instrumentalisation politique du cinéma par le régime stalinien. Au travers de Capaev, film emblématique de cette période réalisé par les frères Vasil´ev, le réalisme socialiste scelle à partir de 1934 un pacte entre l’art et l’État-parti, interprétant désormais toute esthétique en fonction de critères idéologiques. Le cinéma se doit de fournir des modèles de conduite et de participer à la construction de l’Homme Nouveau. Mais l’État-parti ne définit pas toujours des critères uniformes. Ses décisions sont loin d’être appliquées dans les faits et s’accommodent aussi d’arrangements à tous les niveaux du système. Les résolutions sont l’enjeu d’institutions rivales. Peu instruits, les nouveaux cadres staliniens, soucieux de conserver leurs prérogatives et leurs postes, sont plus enclins à agir ponctuellement que dans une perspective de long terme. Pour la censure, le cinéma est à la fois un objet de contrôle et un sujet de préoccupations. Comment appréhender l’ensemble de la filière ? En cas de désaccords, l’autorité politique apparaît comme un intermédiaire, parfois bienveillant, entre l’administration du cinéma et les représentants des cinéastes. Les campagnes idéologiques fondées sur des proclamations et des interdictions s’accompagnèrent aussi de non-dits.

V Le cinéma soviétique de Khrouchtchev à Gorbatchev (1955-1992)

Dans un contexte de guerre froide et de désinformation, la diffusion de films d’un genre nouveau sous un habillage hollywoodien, comme Quand passent les cigognes de Mihail Kalatozov, primé à Cannes en 1957, sert de vitrine pour le pouvoir soviétique. En tant que contre-société, le cinéma contribue aussi à amorcer peu à peu un effondrement graduel du système stalinien si l’on pense à une comédie musicale prémonitoire d’El´dar Rjazanov de 1956, La nuit du carnaval, satire de la bureaucratie. Après la disparition du dictateur, le cinéma se fait davantage l’expression de la société que du régime. L’Union des cinéastes, créée après le XXe Congrès de 1956, pourra servir ultérieurement de contre-pouvoir, mais les cinéastes, majoritairement, ne rentreront pas en dissidence comme certains écrivains de cette époque.

VI Le cinéma russe depuis 1993

 

 

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