Histoires du cinéma

Sous l’effet de la terrible phrase d’un Staline grand amateur de cinéma ("Le cinéma est le plus efficace outil pour l’agitation des masses. Notre seul problème, c’est de savoir tenir cet outil bien en main", 1924), le "ciné-monde soviétique" se réduit à quelques noms sous le règne du dictateur.

Les années 1930 marquent un tournant dans l’instrumentalisation politique du cinéma par le régime stalinien. Au travers de Capaev, film emblématique de cette période réalisé par les frères Vasil´ev, le réalisme socialiste scelle à partir de 1934 un pacte entre l’art et l’État-parti, interprétant désormais toute esthétique en fonction de critères idéologiques.

Le cinéma se doit de fournir des modèles de conduite et de participer à la construction de l’Homme Nouveau. Mais l’État-parti ne définit pas toujours des critères uniformes. Ses décisions sont loin d’être appliquées dans les faits et s’accommodent aussi d’arrangements à tous les niveaux du système. Les résolutions sont l’enjeu d’institutions rivales. Peu instruits, les nouveaux cadres staliniens, soucieux de conserver leurs prérogatives et leurs postes, sont plus enclins à agir ponctuellement que dans une perspective de long terme. Pour la censure, le cinéma est à la fois un objet de contrôle et un sujet de préoccupations. Comment appréhender l’ensemble de la filière ? En cas de désaccords, l’autorité politique apparaît comme un intermédiaire, parfois bienveillant, entre l’administration du cinéma et les représentants des cinéastes. Les campagnes idéologiques fondées sur des proclamations et des interdictions s’accompagnèrent aussi de non-dits.

Qu’en est-il aussi des controverses politiques sur le statut commercial à donner au cinéma après 1928 où les critères de bonne gestion doivent primer avant tout ? On peut se demander si l’élimination progressive de Mežrab-pom et d’un pan du cinéma privé a permis de construire une industrie nouvelle du cinéma, engluée dans les problèmes de planification soviétique et ses échecs. Dès les années 1930, la notion d’ "entertainment" n’est-elle pas devenue sous sa forme soviétisée, à l’instar de son concurrent hollywoodien, un nouveau mode de régulation sociale ? Récemment promu, Šumjackij se rendra ainsi en délégation à Hollywood pour évaluer ces enjeux et projeter un "Kinogorod", une ville utopique dédiée au cinéma à l’instar de son modèle américain. Ces évolutions significatives, contemporaines de l’émergence graduelle d’une société des loisirs, deviennent repérables grâce au cinéma en URSS.

Les principaux films russes de 1936 à 1954
       
       
       
       
       
       
Ivan le terrible Serguei Eisenstein   1938
       
       
       
       
       
Alexandre Nevski Serguei Eisenstein   1938
Au bord de la mer bleue Boris Barnet   1936
Retour