" L'Europe est un musée. Je veux aller dans un pays qui produisait de merveilleux danseurs comme Ginger Rogers. " Georges Balanchine.

En 1933, Ginger Rogers entame plusieurs longues années de collaboration avec la RKO. Le studio vient de produire King Kong, une panoplie de stars - certes moins prestigieuse qu'à la MGM - y travaille, d'Irene Dunne à Constance Bennett en passant par Ann Harding et Joel McCrea. Elle signe un contrat de sept ans à la RKO au cours duquel plusieurs présidents se succèdent de David O.Selznick à Charles W. Koerner.

Cat People, Gunga Din, Top Hat, les productions du studio (moins important que la MGM ou Universal), atteignent le chiffre record de cinquante-cinq films par an en 1939.

Rogers tourne son premier film pour la RKO Professional Sweetheart, dirigé par William Seiter, aux côtés de Norman Foster. Dotée d'un humour dont elle ne s'est jamais départi toute sa vie, elle se fait passer pour une française et rentre, affublée d'une perruque brune, dans le bureau de Mel Berns avec un accent très parisien :

"Excusez-moi, Monsieur Berns, on m'a demandé de passer pour ze maquillage pour ze French bonne dans Professional Sweetheart." 1 (p.105, G. Rogers: Ginger: My, Story).

Elle n'imagine pas, quand elle commence le tournage de Carioca (Flying Down to Rio,Thornton Freeland, 1933) que ce film va marquer le début d'une longue collaboration aux côtés d'un "débutant" au cinéma, Fred Astaire, dont c'était le deuxième film. Astaire était déjà, depuis de nombreuses années, une star importante sur scène à Broadway, mais sa carrière cinématographique commence plus tardivement. Repéré par Selznick à New-York, il vient de tourner avec Clark Gable et Joan Crawford dans Dancing Lady.

Ginger Rogers faillit d'ailleurs ne pas avoir le rôle dans Carioca, elle remplace au pied levé Dorothy Jordan qui se désiste pour épouser le producteur Merian C. Cooper.

Seconds rôles dans Carioca, quand Astaire et Rogers dansent ensemble, pour la première fois à l'écran "The Carioca", ils sont loin d'imaginer le séisme qu'ils vont déclencher… Le film est un succès et donne à la carrière de Rogers un élan qui lui permet de travailler parallèlement pour la Warner dans la comédie musicale 20 Million Sweethearts avec Dick Powell.

"The Carioca" : Astaire et Rogers dansent ensemble pour la première fois à l'écran

Pandro S. Berman, le nouveau producteur de la RKO, réalise que l'association Astaire-Rogers peut rapporter beaucoup d'argent. Il avait vu Astaire sur scène à Broadway dans Gay Divorce et il décide d'en faire un film. Ginger Rogers explique dans son autobiographie que Fred Astaire était réticent à l'idée d'entamer une collaboration permanente à ses côtés :


" Il avait formé un couple de danseurs avec Adèle pendant si longtemps qu'il craignait d'être identifié, de nouveau, avec une autre partenaire. Pendant que je pouvais comprendre ses sentiments à propos de notre collaboration, je n'avais, d'autre part, aucune appréhension à faire plus de films avec lui. Et pourquoi donc en aurais-je eu? J'avais l'occasion d'apparaître dans des films non musicaux par moi-même. Pour chaque film que je faisais avec Fred Astaire, j'en faisais trois ou quatre sans lui. Notre partenariat était limité seulement dans son cas, pas dans le mien. Fred n'avait pas ce luxe ; il était une vedette de la comédie musicale, point. " (p.114, G.Rogers).

Ce qu'elle ne réalise peut-être pas tout de suite, c'est le rythme infernal et la cadence à laquelle elle devient vite soumise… Leur troisième film ensemble Roberta (William A. Seiter, 1935) pose réellement les jalons de ce qui fera la particularité du tandem, leur complicité. Si l'intrigue se traîne parfois en longueur, le film est doté d'un fabuleux numéro de claquettes " I'll be hard to handle " où les deux danseurs exultent et Ginger Rogers relate dans son autobiographie le plaisir qu'elle a eu à tourner cette séquence :

"C'était la première fois qu'un numéro était fait en direct, les claquettes étaient juste comme nous les avons faites, sans ajouts. Mes éclats de rire et ceux de Fred ainsi que mes gloussements….n'étaient pas ajoutés, non plus. Ils étaient réels……Tous les deux, nous aimions danser ensemble. La spontanéité était très réelle et cela me fait rire quand je le vois aujourd'hui.[..] Nous avions un vrai plancher en bois, qui faisait ressortir distinctement chaque bruit de claquettes de la part des danseurs." (p.121, G.Rogers).


Plus tard, les sols en bakélite trop glissants obligèrent à une post-synchronisation des claquettes.

Elle explique aussi qu'en raison de son double emploi du temps, Hermes Pan, leur chorégraphe, est souvent obligé de prendre sa place aux côtés d'Astaire en attendant son arrivée et de "jouer son rôle" pendant les répétitions… Chaque numéro est, en moyenne, préparé huit heures par jour, six semaines avant le tournage.

"Avant que la Screen Actors Guild * ne soit formée, un acteur pouvait être maintenu au travail jusqu'à ce qu'il s'écroule ! Les performances des acteurs laissaient souvent à désirer à cause du manque de repos, ce contre quoi je me suis battue en permanence. Quand d'autres stars féminines prenaient deux ou trois jours de congés un certain temps chaque mois, je travaillais. Je n'ai jamais pris un jour de congé pour cette raison - pas un. Je n'ai jamais été absente d'un jour de tournage, pour cause de maladie. La seule absence que j'ai eue, ce fut pendant la controverse à propos de mon contrat. " souligne Ginger Rogers (p.142, G.Rogers).


Top Hat, Sandrich et Astaire … "Feathers, I hate Feathers"…

Le succès phénoménal du film suivant Le danseur du dessus (Top Hat, Mark Sandrich, 1935) est une étape importante dans la carrière de Ginger Rogers, une réussite accompagnée aussi de quelques désagréments ….. Payée en 1935 1,550 dollars par semaine, elle réalise que les seconds rôles du film, tels Edward Everett Horton ou Victor Moore, reçoivent le double de salaire ! Une différence de traitement qu'elle attribue à son sexe. Les agents sont pour la plupart tous des hommes, peu de femmes se consacrent à la mise en scène et la seule à diriger Rogers au cours de sa longue carrière fut Dorothy Azner dans Honor Among Lovers en 1931. Toujours aussi significative de la politique sexiste des studios, les pieds de Fred Astaire sont assurés pour un million de dollars, ceux de sa partenaire pour 500.000 dollars. Si Fred Astaire perçoit aussi un pourcentage sur les recettes des films (10 %), ce n'est pas le cas de Ginger Rogers.

L'autre problème de Ginger Rogers se nomme Mark Sandrich… Le cinéaste, après avoir dirigé La joyeuse divorcée assure la mise scène de Top Hat. Il semble tout au long de leur collaboration avoir développé une inimitié grandissante pour la jeune femme. Le premier incident majeur se déroule justement sur le plateau de Top Hat. Ginger Rogers en fait dans ses mémoires un récit truculent. Après avoir jeté son dévolu sur une superbe robe faite de plumes d'autruches pour le numéro "Cheek to Cheek", une robe dont les esquisses devaient d'ailleurs avoir été approuvées par le metteur en scène, Sandrich débarque dans sa loge pour lui demander de mettre à la place "la vieille robe" qu'elle portait dans La joyeuse divorcée. Elle refuse, à juste titre, alléguant que les spectateurs n'étaient pas des gens idiots et qu'ils avaient de la mémoire….

le "truc en plumes" de "Cheek to Cheek" dans Top Hat

Il semble aussi que Fred Astaire n'appréciait guère le "truc en plumes" ….. La joute se transforme en une guerre des sexes, avec d'un côté Ginger et sa mère venue la soutenir, et Sandrich et Astaire de l'autre ! L'incident est symptomatique, elle avait raison de ne pas céder et de se faire respecter… Si Astaire accepte sa défaite avec humour et élégance (voir le récit détaillé qu'en fait Rogers dans son autobiographie), il la surnomme désormais "Feathers" (Plumes !), ce ne fut pas le cas de Mark Sandrich qui le lui fit payer cher par la suite…..

"Mark vénérait le génie de Fred […] et me rejetait comme si j'étais une idiote. " déclare Rogers. (p.133, G.Rogers).


De dures tractations…

Avril 1936 : Ginger Rogers négocie un nouveau contrat à la RKO avec l'aide de Leland Hayward (Astaire et Rogers avaient tous deux Hayward comme agent). Si elle n'est pas autorisée à refuser les films qu'on lui propose, leur succès au box office la met en position de demander plus d'argent. Pour cette raison, elle décide de ne pas se présenter au studio tant que son contrat n'est pas modifié et obtient le soutien de certains collègues. Pandro S. Berman adresse à son sujet une lettre à B.B Kahane, président de la RKO :

"Elle a passé tous ses dimanches et congés après de longues et dures journées de travail à enregistrer ses chansons […] elle est restée à faire des essayages jusqu'à 2 :15 du matin sur des costumes nécessaires pour le travail du lendemain. […] Il n'y a rien de plus difficile que de travailler sur des comédies musicales. C'est cinq fois plus dur que de travailler habituellement sur un sujet dramatique, et cela s'applique encore plus intensément pour une femme …[…] je ne pense pas que cela soit bien grave si on lui accorde 500.00 dollars supplémentaires par semaine…[…] Je pense que In Person aurait été un bien meilleur film, en dépit de la bonne volonté et du difficile travail de Ginger, si son esprit avait été en paix, car elle a constamment travaillé dans un état émotionnel et de tension nerveuse pendant tout le film, et je déteste l'idée que nous pourrions commencer Follow the Fleet (En suivant la Flotte) dans cet état d'esprit. " […] (p.143, G.Rogers).

Ginger Rogers refuse de se présenter aux répétitions tant que son nouveau contrat n'est pas réglé, elle obtient finalement gain de cause, tourne Swing Time toujours avec Astaire et répète jusqu'à 4 heures du matin et pendant plus de quarante-huit prises -les pieds en sang- leur dernier numéro de danse "Never Gonna Dance". Elle spécifie bien, par contre, dans cet exemple précis, que c'est elle qui refusa de s'arrêter.

Les hommes et Fred Astaire mattés par Ginger Rogers, dans Follow the Fleet

C'est avec un salaire de 4000 dollars par semaine qu'elle entame le tournage de Amanda (Carefree, 1938) avec Fred Astaire sous la direction de Mark Sandrich, toujours aussi rancunier. Rogers relate l'anecdote où Sandrich la fit rester, après une nuit de tournage, au studio jusqu'à 6 heures 30 le matin juste pour faire un gros plan :

"L'équipe me regarda pour voir si j'allais me transformer en actrice caractérielle. Après vingt-quatre heures à avoir sans interruption joué devant les caméras, elle se demandait comment j'allais réagir. [….] Je ressemblais à la sœur de Dracula. Je décidais que la meilleure chose au monde était de rentrer me coucher, même au prix d'un horrible gros plan. J'ai fait le gros plan et je suis partie, je savais que l'équipe était clairement en ma faveur. Les acteurs étaient réellement à la merci des studios à cette époque et le traitement que l'on m'a accordé était typique. La RKO avait le droit de me mettre dans quatre films par an, n'importe lesquels. Après les quatre ou cinq semaines de répétition, une fois que le tournage était commencé, les metteurs en scène et les producteurs pouvaient nous garder aussi tardivement qu'ils le souhaitaient. Dieu merci, la " Screen Actors Guild " protège maintenant les acteurs des metteurs en scène tyranniques et d'heures de travail démesurées. " (p.178, G.Rogers).

Ses démêlés avec Mark Sandrich ne s'arrêtent pas là… Il apostrophe un jour Rogers, lui conseillant d'aller prendre des leçons de danse, de chant et de comédie… Mark Sandrich avait des griffes acérées …. Lors d'un voyage à Londres, il donne une interview à Paul Holt, journaliste au Daily Express et parle du tandem en des termes peu flatteurs:

"Ils ont peur de perdre leur identité. Chaque fois qu'ils voient des lettres "Astaire-Rogers " en gros, cela les rend malade…[..] Quant à Ginger ? Son seul défaut est un complexe d'infériorité. " 3 (cité p.126, par Michael Freedland dans son livre sur Fred Astaire).

Furieux de ces déclarations, Astaire souligna au stylo rouge le passage de l'article de Paul Holt qui concerne les deux stars effrayées de perdre leur identité et le renvoya à l'auteur avec une lettre d'accompagnement :

"Ginger Rogers et moi, écrit-il, sommes les meilleurs amis du monde et il n'y a jamais eu qu'une COMPLETE HARMONIE depuis que nous avons fait nos films ensemble. La seule raison pour laquelle nous avons fait des films séparément à présent concerne un problème de script. Nous n'avons pas trouvé, en ce moment, une histoire satisfaisante et, par conséquent, nous avons décidé que, jusqu'à ce que nous ayons trouvé un scénario qui nous convienne, nous ferions un film avec d'autres co-stars. […] Ces commérages à propos d'une mésentente entre Ginger et moi est l'une des rumeurs les plus ridicules qui ne soit jamais sortie de Hollywood. Il n'y a jamais eu la moindre difficulté entre nous. " 3 (p.126, extrait du livre de Michael Freedland sur Fred Astaire).

Ginger Rogers, dans ses Mémoires, corrobore à plusieurs reprises les déclarations d'Astaire :

"Tenez-le de moi, peu importe ce que vous entendrez, Fred et moi étions toujours amis et professionnellement compatibles. " (p.131, G.Rogers).
"Pandro S. Berman disait que l'on se bagarrait, mais c'était faux, ", déclare Fred Astaire, cité dans l'article " Hurray for Hollywood, Or Rather RKO " (The Washington Post-1988).

Quant aux déclarations de Mark Sandrich à Londres, il prit la peine de se justifier envers Fred Astaire en rentrant d'Angleterre mais, selon Ginger Rogers, il ne lui donna jamais la moindre explication… Elle souffrit souvent du sexisme de Mark Sandrich et de son agent Leland Hayward :

"Mon agent tombait amoureux de ses actrices, mais les négociations qu'il faisait en leur faveur n'étaient jamais aussi bénéfiques que celles qu'il entreprenait pour ses clients masculins." (p. 174, G.Rogers).

Elle relate - dans un entretien accordé le 26 octobre 1991 au journal The Boston Globe - un incident majeur qui l'avait opposé à Fred Astaire, au sujet du machisme régnant à cette époque à Hollywood, au cours d'un repas qui se tenait dans la maison d'un ami commun. Ginger Rogers avait "eu vent " que Fred Astaire avait donné son accord écrit pour qu'un extrait de leurs danses soit utilisé dans un autre film :

" J'étais en colère. [..] Au cours du dîner, j'ai dit à Astaire : " As-tu donné ton autorisation ? " Il a répondu : " Oui ", Je lui ai dit : " Tu as fait cela sans m'en parler ? " Il m'a dit : " Oui ", J'ai répliqué : " Tu me prends pour quoi, la cinquième roue du carrosse ? ". Il n'a pas répondu. Je lui ai dit : " Comment oses-tu faire cela sans mon accord ! Il ne s'est pas excusé. Mais il n'a jamais refait une chose pareille. […] Occasionnellement, il tâtait le terrain et je réagissais. Après cela, les choses allaient beaucoup mieux. […] Les hommes dirigeaient les studios. Pourquoi auraient-ils abandonné le pouvoir à une femme ? J'aurais aimé diriger des films, mais le chauvinisme était réel. Peut-être existera t-il toujours. J'étais sans doute destinée à faire le travail que j'ai fait. "

La fin d'une époque

Sur les neuf films musicaux tournés à la RKO avec Fred Astaire, on ne lui attribue que deux solos de danse, l'un dans Follow The Fleet, l'autre dans La grande farandole (The Story of Vernon and Irene Castle, H.C. Potter,1939). Ce film est le dernier de la série, basé sur l'histoire vraie d'un couple de danseurs célèbres avant la première guerre mondiale (Vernon Castle s'était tragiquement tué dans un accident d'avion en 1918).

Décidément, Ginger Rogers n'avait pas de chance, car malgré un changement bénéfique de metteur en scène en la personne de H.C Potter, elle doit faire face à la très autoritaire Madame Castle. La RKO avait acheté les droits de son livre. HC Potter explique :

"[…] Madame Castle, une femme très difficile. Quelqu'un au bureau de New-York à la RKO, afin d'obtenir l'histoire, avait établi un contrat totalement absurde avec elle où elle avait non seulement un droit de regard sur le scénario mais aussi sur les costumes, et un droit de veto sur le film au final. […] Irene détestait Ginger. Je ne sais pas pourquoi […] dans son livre, elle déclare qu'elle a fait de son mieux pour se débarrasser d'elle et prendre quelqu'un d'autre pour le rôle. Elle a fait aussi une déclaration comme quoi Fred lui aurait demandé de prendre quelqu'un d'autre. Ce qui est complètement faux. Fred et Ginger s'entendaient toujours parfaitement bien. " (HC Potter, cité dans " The Fred Astaire Story ", a souvenir guide to the radio biography and the BBC tv).

Ginger Rogers relate :

"Un jour, Fred et moi étions en train de répéter une danse […] Irene était en train de se plaindre amèrement à Hank Potter que les rubans sur mes chaussures ne correspondaient pas à ceux qu'elle avait portés. " Ils ", dit-elle, " doivent être gris !". […] Maintenant, Irene était en train de réprimander le pauvre Hank Potter et elle l'envoyait dinguer. Il me demanda si je voulais changer les rubans sur mes chaussures, et je refusais poliment. Je n'étais pas un clone d'Irene Castle pas plus que Fred n'était la copie conforme de Vernon. [….] Un temps, Irene disparut du plateau. Elle était impliquée dans d'autres activités, y compris un mouvement antivivisection, et dévoua tout son temps à ses causes. " (p.185, G.Rogers).

Ce film marque la fin d'une époque glorieuse pour la comédie musicale à la RKO. Amanda avait fait perdre de l'argent à la RKO (68.000 dollars). "Plusieurs facteurs sont entrés en jeu" souligne le journaliste Claude Villers.** " Pandro S. Berman part pour la MGM, Fred Astaire approchait la quarantaine et il rêvait, lui aussi, de faire une carrière de comédien, d'acteur dramatique. (Quand nous l'avions rencontré, il parlait souvent de ses rôles dans La Tour infernale et Un taxi mauve). Il voulait échapper au cliché du pur danseur…. Et puis, il y avait aussi la lassitude du public et des deux partenaires."

Amanda : huitième, avant dernier et dernier grand film du couple



Ginger Rogers, à l'aise aussi bien dans les comédies légères que dans le drame, remporte un Oscar pour son interprétation dans Kitty Foyle en 1940. Sur sa période de travail avec Fred Astaire à la RKO, elle dresse le bilan suivant dans le livre que consacre Tim Satchell à Fred Astaire en 1987 Astaire, The Biography :

"Nous étions seulement ensemble pendant une partie de ma carrière, et pour chaque film que nous tournions, j'en faisais trois autres seule. Le studio me faisait trop travailler. Fred prenait un congé et m'appelait en disant : " Hey, prête à en faire un autre ? ". Et je n'avais pas le bon sens de dire que j'étais trop fatiguée. Cette époque était criminelle pour moi. Oh, j'adorais Mr A mais tout ce dur travail….les appels à cinq heures du matin, les mois passés à danser non-stop, à chanter et jouer. On l'a fait et on s'est vraiment amusés et nous étions vraiment épuisés. Et Mr A était vraiment divin. " 2 (p.132, citée par Tim Satchell).

Pourtant, Ginger Rogers accepte de tourner de nouveau une comédie musicale avec Fred Astaire, The Barkleys of Broadway en 1949, cette fois à la MGM, mais dans des conditions de travail plus épanouissantes car elle n'est pas assignée aux tournages de plusieurs films en même temps. Elle remplace Judy Garland, malade et droguée aux amphétamines, qui n'a jamais résisté, depuis son enfance, au rythme infernal des studios. Elle reprend aussi son entraînement de danseuse pour l'occasion :

"Rechausser ses chaussures de danse après dix ans n'est pas la plus simple des choses à faire. Cela ne se passe pas du jour au lendemain. Mais c'était agréable de me remettre à ces rigoureuses activités. [..] Quand les répétitions ont commencé, j'étais prête." (p.254, G.Rogers).

Ginger Rogers avait du panache, elle l'a prouvé. Il ne faut pas oublier qu'elle n'avait pas à la base une formation "classique" de danseuse comme Cyd Charisse ou Leslie Caron ou même Rita Hayworth, et comme le déclare le chorégraphe attitré d'Astaire, Hermes Pan, dans un documentaire réalisé par Robert Kuperberg et Gérard Paquet en 1988 :

"Ginger avait une qualité qui faisait de Fred le héros le plus romantique depuis Clark Gable, et lui aussi la mettait en valeur. La façon dont elle bougeait et le regardait était toujours significative. Prenez l'exemple de " Night and Day", l'histoire ne se trouvait pas dans les dialogues, c'était la scène dansée qui racontait l'histoire et soudain la magie commence…. "

Patricia GUINOT le 19/07/2008

*Ginger Rogers figure parmi les cent premiers membres adhérents du Syndicat des acteurs américains, la " Screen Actors Guild ".

Bibliographie:

Filmographie:

Remerciements :

** Monsieur Claude Villers, pour ses précieux renseignements sur la période Astaire/ Rogers à la RKO.

 

Les conditions de travail dans les grands studios américains. L'exemple de Ginger Rogers à la RKO (1933/1939)
 
un article de Patricia GUINOT le 19/07/2008